Contamination des huîtres : augmentation de la population et réseau d'assainissement saturé, les acteurs veulent "éviter de futures catastrophes"

Suite à la plainte de l’Adeba, le parquet de Bordeaux a ouvert une enquête pour “écocide”. Plusieurs acteurs du bassin d’Arcachon pointent du doigt le dérèglement climatique couplé à un réseau d’assainissement désuet.

Ils sont tous d’accord pour le dire : les pluies torrentielles de ces derniers mois ont provoqué plusieurs débordements des bassins de rétention des eaux usées, entraînant la contamination du bassin d’Arcachon. Mais à qui la faute ? 

Débuts judiciaires

Dans une première plainte, déposée le 29 décembre, l’association Adeba, présidée par Thierry Lafon accusait le syndicat intercommunal du bassin d’Arcachon (Siba), “suite au débordement du bassin dit “de Titoune”, indique le parquet de Bordeaux.

Ce dernier a ouvert une enquête, le 5 janvier, “suite à un problème constaté sur un autre bassin situé dans le secteur d’Audenge”, qu’il a confié à la brigade nautique d’Arcachon et de l’Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP).

Quatre chefs d’accusation sont mentionnés, dont le “déversement par imprudence ou négligence d’une substance dans les eaux souterraines, superficielles ou de la mer, entraînant des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune” et l“écocide”. Les peines encourues peuvent aller de 2 à 10 ans d’emprisonnement et entre 75 000 € et 4,5 millions d’euros.

Depuis le début du mois, deux nouvelles plaintes ont d’ailleurs été déposées. Le Comité régional de la conchyliculture Arcachon Aquitaine (CRCAA)  souhaite d’ailleurs organiser un référendum pour envisager un dépôt de plainte collectif. 

Le parquet a été informé de la volonté de nombreux ostréiculteurs de déposer plainte à leur tour.

Parquet de Bordeaux,

par communiqué

Mise en danger d'autrui

Deux autres plaintes ont été déposées. L’une d'elle émane de l’association environnementale Ceba, qui regroupe 23 associations. Elle a porté plainte contre X, pour “mise en danger d’autrui”.  “On a eu un phénomène de pollution observé mi-novembre, avec des eaux souillées par les eaux usées”, explique Jacques Storelli, son président. “Tout le réseau était en saturation et se mélangeait avec les eaux pluviales”.

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Dans le cadre de son enquête, le procureur de Bordeaux réunira la semaine prochaine la direction départementale de la protection des populations, l’Office français de la biodiversité, la Direction Départementale des Territoires et de la Mer ainsi que l’Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement. 

Travaux urgents

Si tous s’unissent pour dépeindre un “réseau vétuste et sous-calibré”, les solutions ne sont pas évidentes. “C’est un ouvrage important à refaire, qui sera très coûteux”, avance Jacques Storelli.

Les montants sont faramineux. 15 millions d’euros sont investis chaque année par le Siba, le syndicat qui regroupe les 12 maires du bassin d’Arcachon pour assurer le traitement des eaux usées, 3 millions d’euros pour les eaux pluviales.

Cela fait des années que nous demandons à accélérer les travaux. Mais l’État doit prendre sa part. Nous avons besoin de relais pour porter nos besoins au niveau de l’État.

Yves Foulon,

maire d’Arcachon et président du Siba

Aujourd’hui, la valeur patrimoniale du réseau d’assainissement est évaluée à 510 millions d’euros. “Il ne faut pas oublier que nous sommes sur un bassin versant de 4 000 km². Le bassin d’Arcachon en lui-même ne fait que 900 km²”, indique Yves Foulon. C’est cette position, avec les fortes pluies, qui pousse les collectivités et les élus à tirer la sonnette d’alarme. 

Groupe de travail national

Parmi eux, la députée de la huitième circonscription de Gironde, Sophie Panonacle annonce la création d’un groupe de travail, dès ce lundi, jour de rentrée parlementaire. “En tant que présidente du bureau du Conseil National de la Mer et des Littoraux (CNML), j’ai pris l’initiative de créer un nouveau groupe de travail pour réfléchir sur ces questions et éviter que ces catastrophes ne se reproduisent”. 

Ce groupe de travail sera coprésidé avec Philippe Le Gal, président du Comité national de la conchyliculture. Y seront associés des membres du Conseil national de la mer et des littoraux  : associations d’élus, professionnels, scientifiques et ONG environnementales. “Notre mission est d’évaluer la situation et proposer des solutions pour assurer l’avenir de la filière crise conchylicole", indique Sophie Panonacle.

Plus généralement, il va être important d'analyser l'efficacité des modalités de surveillance de la qualité des eaux tant pour la baignade que pour la préservation de la biodiversité marine.

Sophie Panonacle

députée de Gironde et présidente du CNML

Un groupe de travail qui devrait rendre ses premières conclusions d'ici à trois mois. Parmi les pistes abordées : le financement de la filière ostréicole, mais aussi l’amélioration des réseaux de gestion des eaux usées, qui ont à la fois pollué le bassin d’Arcachon, mais également contaminé des bassins de Vendée, de la Manche ou encore du Calvados. 

L'urbanisme en question

Outre la gestion des précipitations futures, les acteurs locaux s’inquiètent aussi d’une “politique d’attractivité touristique accrue”, menée par le Siba. “Le prochain schéma de cohérence territorial  prévoit 35 000 logements en plus sur le bassin d’Arcachon. Si le réseau est déjà saturé par le nombre d’habitants actuel, comment va-t-on gérer la suite ?”, s’interroge Jacques Storelli, président de la Ceba. “L'augmentation des précipitations et la hausse de la population sont les deux facteurs qui doivent concentrer nos recherches”, renchérit la députée de Gironde. “On urbanise bien plus vite que n’avancent les travaux”. 

L’urbanisation et la bétonisation excessive ont créé une artificialisation des sols et provoqué ce phénomène de ruissellement accru vers le bassin.

Jacques Storelli

Président de la Ceba

Responsables par prérogative, les actions du Siba sont actuellement analysées par le tribunal de Bordeaux. Au-delà des événements passés, “il est urgent d’agir”, répètent les acteurs. Une union entre professionnels et élus du secteur, “au-delà des clivages politiques” est donc attendue, courant janvier.

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