La crise du prêt-à-porter se poursuit. Après Camaïeu, Naf-Naf ou encore Chaussexpo, Pimkie a annoncé la fermeture de 36 magasins supplémentaires. En Aquitaine, une dizaine de boutiques va baisser le rideau d’ici à juillet prochain. D'autres devraient être reconvertis en Miniso, marque de peluches et de jouets. Le point en Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes.
C’est un coup de massue. Le 18 janvier, le groupe Pimkinvest a annoncé la fermeture de 36 magasins d’ici à juillet 2024. Ces fermetures s’ajoutent aux 63 magasins déjà visés par le plan de sauvegarde de l’emploi, détaillé en juin 2023.
Au total, ce sont donc 239 postes qui seront supprimés, dont 42 au siège, situé à Villeneuve-d’Ascq, dans le nord de la France, “la moitié des effectifs”, précise Emmanuelle Marzeaud, représentante CGT et manager de la boutique Pimkie de Bordeaux-Centre.
Baisse de fréquentation
L’enseigne emboîte le pas à ses malheureuses consœurs, elles aussi en difficulté. Elle espère cependant éviter le pire, contrairement aux enseignes Camaïeu et San Marina, liquidées en septembre 2022 et février 2023.“Depuis quelques mois, le contexte économique, la baisse de fréquentation dans les points de vente et l’inflation ont impacté considérablement les ventes et les résultats économiques,” indique la direction de Pimkie dans un communiqué.
La direction est contrainte d’envisager une accélération de la mise en place de ce premier plan afin d’écrire son futur modèle duplicable, évolutif et résistant aux crises.
direction de Pimkiepar communiqué
Ces annonces interviennent moins d’un an après le rachat de l’enseigne par Pimkinvest, un consortium d’actionnaires composé de Lee Cooper, Ibisler Tekstil et la holding de Salih Halassi, l’actuel directeur général de Pimkie. “On se demande ce qu’il s’est passé en 2023. Ils nous ont donné les fonds nécessaires pour tenir trois ans, les déficits sont conséquents, mais pas de quoi vider les caisses, surtout que beaucoup d’investissements attendus n’ont pas été faits”, indique Emmanuelle Merzeaud.
Lors du rachat auprès de l’Association Familiale Mulliez (AFM), détenteur de la marque depuis sa création, cette dernière avait livré une enveloppe de 154 millions d’euros pour assurer les futures pertes d’exploitations et la restructuration.
Processus accéléré
En juin, si 63 magasins étaient visés par des fermetures, 38 ne devaient baisser le rideau que d’ici à 2027. La direction du groupe a finalement décidé d’accélérer le processus, en incluant leurs fermetures dès juillet, afin de “pérenniser son activité et renouer avec la croissance”.
On a eu de faux espoirs.
Emmanuelle Merzeauddéléguée CGT Pimkie
Au 31 décembre 2023, parmi cette première salve, 23 boutiques avaient déjà baissé le rideau. “En mars, lorsqu’ils ont annoncé la fermeture de 63 sites, certains ont été soulagés. Aujourd’hui, ils apprennent qu’ils vont, eux aussi, devoir partir”, explique Emmanuelle Merzeaud. “À titre personnel, j’étais convaincue de rester ouverte”.
L’objectif des nouveaux propriétaires est ainsi de limiter leur déficit avec ce plan "fondé sur le redimensionnement du parc de magasins et sur la réorganisation des services supports au siège social". Annoncé à 40 millions en 2023, ils souhaitent le réduire à 6 millions d’euros d’ici à 2025. Pour atteindre cet objectif, les dirigeants tablent un chiffre d'affaires de 150 millions d’euros pour l’année 2024, contre 200 millions en 2023.
13 boutiques concernées en Nouvelle-Aquitaine
Dans la région, 13 boutiques sont concernées par ces fermetures : Bordeaux centre, Bordeaux-Lac, Bouliac, Bègles, Mérignac, Pessac, Bayonne, Pau, Châtellerault, Niort, Cognac, Mont-de-Marsan et La Rochelle Beaulieu. En Gironde, deux magasins sont épargnés. Il s’agit de ceux de La Teste-de-Buch et Libourne.
Une stratégie de sortie des grandes villes qui interrogent les salariés. “Ils expliquent que dans ces grandes villes, les loyers coûtent trop cher, et les chiffres d’affaires ne rentrent pas suffisamment. Mais comment on va gagner de l’argent si on ferme ces grosses boutiques ?”
En Nouvelle-Aquitaine, Pimkie reste donc implanté dans moins de dix villes, en majorité des villes moyennes. Parmi les suppressions, les boutiques des centres commerciaux sont particulièrement touchées par ces fermetures comme le magasin implanté au centre commercial Saint-Martial de Limoges alors que la boutique du centre-ville est maintenue tout comme celle de Brive en Corrèze.
Filiales et reconversions
Outre les fermetures, Pimkie veut accroître son nombre de filiales, des enseignes affiliées à la marque, mais dont le propriétaire est un patron indépendant. “Entre 20 et 30 boutiques”, avance Emmanuelle Merzeaud, sans plus de précisions.
Enfin, 14 magasins devraient être reconvertis en Miniso, marque de peluches et de jouets. Les 96 emplois de ces boutiques seraient ainsi maintenus. “On sauve des emplois, mais ce n’est pas du tout le même métier. On habille les femmes pour les rendre belles, cela n’a rien à voir avec le fait de vendre des peluches”, rappelle Emmanuelle Merzeaud.
Ces reconversions restent d’ailleurs au cœur des interrogations. “Il va falloir modifier les boutiques, les bailleurs ne sont pas au courant de ce changement et rien n’assure qu’ils vont l’accepter”, rappelle la déléguée de la CGT Pimkie. Pour elle, “en réalité, 11 boutiques pourraient finalement rejoindre la liste des magasins qui vont fermer”.
Six directeurs en cinq ans
Parmi les salariés, la santé fragile de la marque n’était pas un secret. Après un premier PSE en 2018, puis la vente par l’AFM, l’ombre d’un second PSE planait déjà depuis longtemps. “Le choc, ça a été de dire qu’on ferme de grandes villes entières”, regrette Emmanuelle Merzeaud, déléguée CGT Pimkie.
Emmanuelle Merzeaud travaille chez Pimkie depuis 24 ans. Aujourd’hui responsable de la boutique située rue Sainte-Catherine à Bordeaux, elle a du mal à rester positive.
On a donné notre énergie, on a sacrifié nos week-ends. Aujourd’hui, j'ai 57 ans, qu’est-ce que je vais faire ?
Emmanuelle MerzeaudDéléguée CGT Pimkie
Les salariés dénoncent “une gestion à vue”, sans “bonne décision”. Ils pointent notamment le changement récurrent de directeur général à la tête de Pimkie. “Ils ont viré six dirigeants en cinq ans, comment voulez-vous que ça fonctionne correctement ?”, lance Emmanuelle Merzeaud.
Au siège, lors de l’annonce, le 18 janvier, le nouveau PDG Salih Halassi a cristallisé des tensions déjà présentes depuis longtemps. “On était en réunion avec le PDG. Il l’a suspendu pour faire l’annonce aux salariés du siège. Nous devions lui poser des questions, mais dès qu’il a terminé son intervention, il a disparu”, regrette Emmanuelle Merzeaud trois jours après la réunion.
Une nouvelle réunion est organisée ce mercredi 24 janvier. “Nous n’y participerons pas tant que le PDG ne sera pas à la table avec nous”, affirme la déléguée CGT.