Suite aux violents orages de grêle qui se sont abattus sur le Médoc et le Libournais, les exploitants ont perdu une grande partie de leurs vignes. Ils espèrent désormais que leurs stocks leur permettront de subsister en attendant, au mieux, la récolte 2025.
"Ici, il n'y en a que deux. Là trois, là deux, là deux aussi." Alors qu'il tente de recenser les quelques graines encore viables sur sa parcelle d'Abzac, Laurent Rousseau ne peut que constater les dégâts. La quasi-totalité de ses 30 hectares de vigne a été dévastée lors des orages de grêle des 17 et 18 juin.
"J’ai fait mon embauche d'équipe de levage, on attaquait le deuxième levage, et puis mon téléphone a commencé à sonner, se souvient-il. J’ai un salarié qui habite à Lalande-de-Pomerol, il est passé voir et m'a appelé en disant : il faut que tu viennes, c’est grave."
En quelques secondes, il mesure l'ampleur de la catastrophe. "On se réveille le matin, il fait beau, et en faisant le tour, on a un monde qui s’effondre, un travail qui s'effondre, appuie le vigneron. Tout un travail d’équipe, des équipes dont on n’a quasiment plus besoin du jour au lendemain... C’est un choc violent, une sorte de sidération, le sol qui se dérobe sous les pieds. Tous ceux qui ont été victimes de la grêle à un moment ou à un autre ont ce sentiment-là."
Jusqu'à 100 % de pertes
Un exemple parmi tant d'autres. En tout, 6 000 hectares de vigne ont été touchés dans le nord-est du Médoc et le Libournais. Ceux qui s'en sortent le mieux ont perdu entre 40 et 50 % de leur récolte. D'autres, entre 80 et 100 %.
Laurent Courty est de ceux-là. "On s’en est un peu douté quand on a entendu le bruit sur notre toiture, remet le vigneron installé à Lalande-de-Pomerol, à quelques kilomètres de son confrère. Les grêlons étaient gros comme des balles de golf, mais aplatis, avec beaucoup de vent. Cela a participé à un phénomène de cisaillement sur les bois." Lui n'avait jamais connu d'épisode de grêle d'une telle intensité : "Ça abîme les bois, ça a mis la vigne en stress, les petits bourgeons portent déjà les bois de l’année prochaine. 2025, on sait déjà que ce ne sera pas une grosse récolte."
Le constat à peine dressé, il faut déjà se projeter vers un avenir qui s'annonce incertain. Laurent Courty ne devrait en effet percevoir que très peu d'indemnités en compensation. "On a arrêté de s'assurer dans les années 70, se rappelle-t-il de l'époque où son père était aux affaires. On comptait sur nos stocks pour passer le coup en cas d’orage de grêle ou de gel de printemps. Malheureusement, ces cinq dernières années, on a fait des récoltes assez faibles en quantité."
Des phénomènes climatiques de ce type ont en effet frappé régulièrement les exploitants ces dernières années, et fortement pénalisé leurs rendements. "La dernière grosse récolte, c’était 2018, poursuit le vigneron du château Castel-Viaud. Heureusement en 2023, on n’était pas si loin, donc on a quelques stocks. Mais derrière, on n'a pas de quoi tenir plus d'un an ou deux..."
On n'a pas de quoi tenir plus d'un an ou deux...
Laurent Courty, vigneron à Lalande-de-Pomerol
Pour faire face, plusieurs solutions existent. "Mais on les connaît, et elles ne permettent pas de remplacer la récolte perdue, assène Xavier Piton, le président de l'appellation Lalande-de-Pomerol. Ceux qui sont assurés vont percevoir un petit dédommagement, mais on sait qu'il n'est pas à la hauteur de la perte. Pour ceux qui ne le sont pas, d’autres systèmes peuvent se mettre en place au niveau des services de l’État."
Le Fonds de solidarité nationale, nouveau nom du Fonds calamité agricole, peut en effet intervenir dans ce cas de figure. La Mutualité sociale agricole (MSA) peut aussi proposer un abattement sur les charges ou les taxes foncières. "Mais là encore, avec des dédommagements qui ne sont pas à la hauteur du préjudice subi", regrette Xavier Piton.
Malgré tout, certains pourront se réfugier dans une spécificité du Libournais. "Les appellations sont relativement restreintes en surface, donc souvent les viticulteurs sont propriétaires sur plusieurs appellations. Pour ceux qui ont un peu de Saint-Émilion, un peu de Pomerol, il y a cette solution de recours, précise le président du syndicat. Mais pour ceux qui ne sont propriétaires que dans Lalande, c’est beaucoup plus douloureux."
En attendant des jours meilleurs ? "Pour le moment, la plus grosse difficulté, c'est notre amie la météo, qui pour un mois de juillet n’est pas très sympa ni avec les viticulteurs, ni avec les touristes", conclut Xavier Piton.