"Il n'y a pas de raison que ce soit toi qui portes ça". Quand les hommes envisagent la contraception

En a-t-on fini de la contraception exclusivement féminine ou du bon vieux préservatif ? Le planning familial de Bordeaux ouvre sa permanence aux hommes pour parler de contraception masculine et évoquer les avancées en ce domaine.

Pour Eric Drevet, 38 ans, tout commence avant même la naissance de son 2ᵉ enfant. D’un commun accord avec sa compagne, il n’y en aura pas de 3ᵉ. "Ma compagne ne prend pas la pilule, mon ex avait un stérilet douloureux, donc ce n’était pas une option. Et la ligature des trompes, c'est extrêmement lourd", résume-t-il. Commence alors un véritable cheminement mental pour trouver la solution. D’abord à deux, puis seul.
"Je me suis d'abord dit, je vais me renseigner de mon côté, puis très vite, j'ai dit à ma compagne, il n’y a pas de raison que ce soit toi qui portes ça. Je peux porter la responsabilité de la contraception dans le couple". 

D'une démarche individuelle naît un combat 

Dans sa quête de réponse, Eric contacte directement le CHU de Bordeaux afin de procéder à ce qui lui semble le plus simple : la vasectomie. Cette méthode définitive résulte d’une incision, qui permet simplement d’empêcher les spermatozoïdes de suivre leur cheminement habituel. 
Mais là, il se heurte à un premier obstacle, " L'hôpital Pellegrin ne pratique pas la vasectomie à des hommes de moins de 40 ans, j’en avais 38. J’ai trouvé révoltant que l’hôpital public ne la pratique pas" s’insurge-t-il. Par la suite, il s’adresse à un urologue dans une clinique privée qui lui demande 500 euros, avant de s’orienter vers la clinique Bagatelle où l’opération est enfin planifiée. Un premier rendez-vous avec son généraliste est suivi d'un délai de réflexion obligatoire de quatre mois, induit par le caractère irrémédiable de l’acte. 

"Au bout de quatre mois, ça a été fait, et ça a pris un quart d'heure. Tu ne sens rien, c’est une anesthésie locale. C’est très simple, pas douloureux et ça m’a couté 18 euros", jubile-t-il désormais, très heureux d’avoir fait aboutir son projet. Tellement heureux, qu’il a tenu à communiquer tout de suite dessus, dans son entourage, mais également sur les réseaux sociaux, Facebook et même Linkedin. 

C’est quelque chose qui fait avancer la société dans le bon sens pour rééquilibrer la balance homme/femme.

Eric Drevet

Mais sa plus grande fierté reste d’avoir observé les retombées de son prosélytisme : " Quand j’ai communiqué dessus, au début, il y avait quelques railleries. Et là, par exemple, mon frère se pose la question de le faire aussi". 

Un véritable phénomène sociétal

Ce changement des mentalités se retrouve sur Internet. Depuis plusieurs années, les hommes communiquent beaucoup plus autour du sujet, créent des mots-clés #contraceptionmasculine, des groupes de parole et échangent. 
Un phénomène qu’ont pu observer Stéphane Jourdain et Guillaume Daudi, deux journalistes dans leur BD, Les contraceptés. Cette enquête de trois ans sur la contraception masculine a fait un véritable carton en librairie.  Par ailleurs, des créateurs de contenu, tels que Dr Nozman ont, eux aussi, participé à la libération de la parole à ce propos. 

Une permanence dédiée aux hommes au Planning familial de Bordeaux

Annie Carraretto, co-présidente du planning familial de la Gironde, a assisté à la montée du phénomène à Bordeaux. Petit à petit, des voix masculines ont commencé à se faire entendre au standard de l’association,  "Ce sont des jeunes gens qui nous appellent régulièrement et qui nous demande 'que faites-vous pour les hommes ?' On a été surprises de cette demande".  D’autres se sont présentés au local pour les mêmes questionnements. 
Elle comprend alors l’ampleur de cette démarche des hommes pour une équité contraceptive. " C’est vrai que leur discours se rapproche de celui que l’on a du libre choix", observe-t-elle.  "On voit bien que cela va a contre-courant des fondements virilistes de notre société , note celle qui a découvert des tags nationalistes sur son local la semaine précédente.  "Ce qu’il faut retenir c’est que ça progresse, ça avance".  

"Les contraceptés "

À force d’organiser des groupes de paroles d’hommes et de jeunes hommes sur le sujet, le planning de familial a pérennisé ce rendez-vous depuis le mois de janvier. Ainsi, tous les 2ᵉ lundis du mois, de 18 heures à 20 heures, rue Eugène Le Roy à Bordeaux, les "contraceptés" se rencontrent et partagent leurs expériences et leurs dernières découvertes. "Il y a toutes les personnalités, c'est vraiment divers, remarque Annie Carraretto. Beaucoup sont en couple, et souvent leur compagne a des difficultés avec la contraception hormonale."

"Les jeunes gens autour de la trentaine sont vraiment dans cette démarche très responsable d’équité contraceptive, poursuit Annie Carratto, pas peu fière de cette mouvance. Toutes les méthodes contraceptives sont abordées. "Un petit groupe de référents d’une dizaine d’hommes expérimentent eux-mêmes et partagent autour du slip chauffant, ou de l’anneau Androswitch qui fonctionne très bien, mais qui n’a pas eu l’agrément. Alors, on informe là-dessus aussi. »

Un système D 

Officiellement, peu de système de contraception existent : ils se résument à l’irrémédiable vasectomie, au retrait et bien sûr au préservatif. Alors les hommes tentent de nouvelles techniques trouvées sur les réseaux sociaux. 
Au cœur des discussions, l’anneau Androswitch évoqué par la présidente du planning familial, mais également beaucoup de slip chauffants homemade. "Ils se les fabriquent eux-mêmes, mais on trouve désormais plus facilement auprès de couturières qui les réalisent sur mesure » s’amuse-t-elle. "C’est comme ça, au début, il faut se débrouiller comme on peut !" reprend-elle, avec une petite pointe de nostalgie.

Pour les plus anciennes comme moi, on se revoit dans des parcours, ça nous rappelle les années 70.

Annie Carraretto, co-présidente du Planning familial de Bordeaux

à rédaction web France 3 Aquitaine

Un parcours encadré médicalement

Mais qu’on ne s’y trompe pas, ce système D là n’a rien à voir avec des expériences douteuses et dangereuses. Cette démarche est suivie de près, "On est sur des méthodes expérimentales et on a trouvé des médecins qui effectuent des spermogrammes pour les valider. Ces médecins les reçoivent ensuite dans leurs consultations, pour voir l’efficacité du procédé." Ainsi des médecins libéraux et du CACIS (Centre d'accueil consultation information sexualité) assistent même aux réunions et donc réalisent régulièrement les spermogrammes des cobayes volontaires. 

 Grâce à cela, le planning peut répercuter les dernières informations

On expose tout ce qui est possible en donnant en face les taux d’efficacité.

Annie Carraretto, Co-Présidente du Planning Familial de Bordeaux

rédaction web France 3 Aquitaine

Il faut bien pallier le manque d’empressement des laboratoires à trouver la contraception masculine miracle, se désole Annie Carratto. "La pilule il y en aurait une à prendre avant le rapport et qui serait efficace, mais on voit que que les laboratoires bloquent pour des raisons économiques et virilistes." , déplore-t-elle.

Mais comme elle ne se lasse pas de le répéter le leitmotiv du planning familial est là pour concilier tous les points de vue "La meilleure contraception, c'est celle qu’on choisit".

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