Cette plante ornementale est devenue indésirable. Omniprésente dans nos paysages, l'herbe de la Pampa menace les autres espèces locales. Cet automne, un appel à la mobilisation générale a été lancé pour protéger les milieux naturels.
Il ne faut pas se fier aux apparences. L'herbe de la Pampa est aussi charmante que dangereuse."La bruyère, si typique de la région, est en train de perdre son territoire à cause de l'herbe de la Pampa. C'est elle qui prend sa place. Le risque, c'est une perte de biodiversité", illustre Annabelle Thierry, chargée de mission au conservatoire d'espaces naturels de Nouvelle-Aquitaine.
Et pour cause. Ces grandes gerbes dorées possèdent des caractéristiques particulières. "Douée d'une forte adaptabilité, elle est plus compétitrice que les plantes locales", explique Annabelle Thierry qui l'étudie pour le compte du Conservatoire des espaces naturels de Nouvelle-Aquitaine.
Dans la région, on la retrouve d'ailleurs un peu partout : sur le littoral, au bord des autoroutes et des voies ferrées, dans les parcs publics et les jardins des particuliers où elle déploie ses charmes empoisonnés. Une présence croissante qui prouve cependant que les mesures déjà engagées ne suffisent plus pour enrayer sa progression.
Les communes mobilisées
Face à la situation, les autorités ont choisi de renforcer leur lutte contre cette plante. Leur objectif : bannir l'intruse de façon plus efficace. Le 2 mars 2023, un avenant à l'arrêté ministériel du 14 février 2018, a ainsi ajouté la Cortarderia Selloana à la liste des plantes autour desquelles toute activité est interdite.
L'herbe de la Pampa est très germinative. Une plante adulte peut produire un million de graines... Et chaque graine peut donner une plante !
Tangi Le MoalResponsable de l'antenne du Conservatoire d'espaces naturels de Nouvelle-Aquitaine
Pendant les prochaines semaines, qui correspondent à la période critique de dispersion des graines, les panicules doivent être coupés et placés dans des sacs en plastique fermés. Pour éviter toute lutte vaine, il n'est pas question de les mélanger aux déchets verts. "Nous devons mettre toutes les chances de notre côté. Tous les végétaux ramassés vont être incinérés avec le tout-venant", explique Eric Naudon, chef du service environnement de la mairie de Biscarrosse, où cette suppression a déjà débuté.
Sensibiliser les particuliers
Parallèlement, et face à l'ampleur du problème, le Conservatoire des espaces naturels de Nouvelle-Aquitaine a lancé l'opération "Alerte Herbe de la Pampa". Il s'agit de cartographier les lieux de sa présence dans les différents départements de la région. Chacun est appelé à géolocaliser les plantes en les photographiant et en se rendant sur le site Quête de signalement. Ces repérages permettront de mesurer l'extension de la colonisation pour mieux la maîtriser.
Une opération "Life Coop Cortaderia", nom botanique de l'herbe de la Pampa, a également été lancée en France, en Espagne et au Portugal. Il s'agissait d'ailleurs de l'un des sujets évoqués lors du colloque qui s'est tenu au Pays Basque, région particulièrement touchée par le phénomène.
Rappelons que la détention, la commercialisation, l’utilisation et la propagation en milieu naturel sont strictement prohibées, depuis l'arrêté du 2 mars 2023. Malgré leur esthétisme, il n'est donc plus question d'en planter. Les pépiniéristes s'efforcent cependant de proposer des plantes ressemblantes et présentant moins de risques invasifs.
L'herbe de la Pampa n'est pas un cas unique
Un cinquième des plantes de Nouvelle-Aquitaine que l'on trouve aujourd'hui dans la nature est d'origine exotique, constate le Conservatoire botanique national Sud-Atlantique, basé à Audenge sur le Bassin d'Arcachon.
La migration se fait souvent fortuitement lors des transports maritimes ou plus fréquemment par l'arrivée dans les jardins d'agrément. Leur naturalisation dans nos milieux est accélérée par le dérèglement climatique qui leur offre de meilleures conditions de croissance et de développement.
Avec l'augmentation des températures, on observe chaque année de nouvelles espèces exotiques ou méditerranéennes. On a un enrichissement de plantes qui ont besoin de chaleur.
Aurélien CaillonBotaniste
L'exemple de la jussie en offre une redoutable illustration. Cette jolie petite fleur jaune, venue du Brésil, occupe des zones entières en bord de la Leyre en Gironde. Elle couvre la surface de l'eau, empêchant la lumière d'atteindre les autres plantes aquatiques.
Les botanistes du Conservatoire Botanique National Sud-Aquitaine effectuent le suivi scientifique de ces différentes espèces, parfois plus discrètes que l'herbe de la Pampa mais tout aussi inquiétantes pour l'environnement.