Avec Ovale Citoyen, son association d'insertion par le rugby, Jean-François Puech a accompagné le jeune Nahel, victime d'un tir policier à Nanterre (92). Alors que les nuits sous tension se succèdent, il regrette de devoir reprendre "depuis la base", le travail mené auprès des jeunes des quartiers.
Jean-François Puech se refuse à rentrer dans toute polémique, et s'en remet à la justice. Pourtant, la semaine dernière encore, le fondateur bordelais d'Ovale Citoyen, était aux côtés de Nahel, l'adolescent tué par un tir policier à Nanterre, dans les Hauts-de-Seine, le 27 juin.
"Nous pleurons notre frère"
"Nahel avait intégré depuis le mois d'avril notre parcours sport, explique le responsable associatif. Il devait ensuite attaquer les modules sur le travail", poursuit-il. Son association, née à Bordeaux, vise à la réinsertion par les valeurs du sport, notamment du rugby, et accueille un public varié, comprenant des migrants, des jeunes de quartier, ou encore des personnes sans domicile fixe.
Elle a noué un partenariat avec le club de rugby à XIII, les Pirates de Nanterre. "La cité Picasso, c'est un endroit où nous sommes tout le temps. Chaque mardi et chaque jeudi, ce club fait jouer 80 gamins. Avec très peu de moyens, ils font un travail remarquable", salue Jean-François Puech. A l'annonce de la mort de l'adolescent, le club francilien a fait part de sa tristesse sur Facebook : "les Pirates de Nanterre sont une famille et nous pleurons notre frère".
Voitures incendiées et tirs de mortier
La vidéo des minutes précédant la mort du jeune Nahel, dans laquelle on voit un policier tenir en joue le conducteur d'une voiture jaune, avant de faire feu, a suscité un vif émoi. Ce jeudi, le parquet de Nanterre a annoncé l'ouverture d'une information judiciaire contre l'auteur du tir mortel, estimant que "les conditions légales d'usage de l'arme (par le policier) ne sont pas réunies". Son placement en détention provisoire a été requis.
Entre-temps, de violents incidents ont émaillé la nuit dans plusieurs villes de France. A Nanterre où des véhicules ont été incendiés et où pompiers et policiers ont essuyé des tirs de mortier, mais aussi à Bordeaux, dans le Nord ou encore en Meurthe-et-Moselle.
"Comment on fait, maintenant, pour expliquer à ces jeunes le sens de la citoyenneté et le respect de la République ? Comment on va reconquérir le truc ?", se désole Jean-François Puech. À une semaine d'intervalle, on passe d'une cité où on fait plein de choses, à une zone de non-droit".
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Un constat d'autant plus amer, qu'Ovale Citoyen était fier d'avoir organisé plusieurs événements d'envergure, avec les jeunes de Pablo Picasso. "Le jour de la finale de Top 14, on a fait venir la coupe du monde au stade Jean Guimier de Nanterre. Ce sont les jeunes eux-mêmes qui ont organisé le service d'ordre et ont fait en sorte que personne ne touche cette coupe", souligne le militant associatif. Mardi 20 juin, à l'occasion de la journée mondiale des Réfugiés, une session de "rugby inclusif", assortie d'un job dating était organisé dans ce même stade. Nahel était présent.
Une semaine plus tard, la donne a changé. "On ressent un immense sentiment de révolte, et c'est normal. Les problématiques sont les mêmes qu'il y a trente ans : on a mis beaucoup d'argent dans le bâti, mais les services publics sont absents des quartiers. Et aujourd'hui, tout remonte", poursuit Jean-François Puech.
C'est dommage, on a des perles dans ce quartier !
Jean-François Puech, président Ovale Citoyenà rédaction web France 3 Aquitaine
"Repartir de la base"
S'il s'inquiète pour la suite des événements et un éventuel embrasement, Jean-François Puech veut rester optimiste. Il a pu rencontrer la famille de l'adolescent. La ministre de Sports, Amélie Oudea-Castera l'a joint, ce jeudi, au téléphone. Un échange "pas du tout politique, pas du tout dans le pathos", selon le fondateur d'Ovale Citoyen. "Elle était sur du concret, pour savoir comment nous allions repartir et redéployer nos moyens".
Il cite les projets de l'association, à Toulouse, ou Paris, où des partenariats autour de l'emploi sont menés avec Airbus ou la RATP, mais aussi à Nanterre, cité Pablo Picasso. "Dès le 8 juillet, la fête du club de rugby va être maintenue. Et on va réfléchir à comment être présent, tout l'été, dans le quartier".
"On va remettre les pieds au bord du terrain. La première journée du Top 14 a lieu mi août, on va aller voir le Racing pour demander des places, énumère Jean-François Puech. On va repartir de la base, tout simplement".
