Pesticides. "Comme aux plus belles heures de Chirac" : les écologistes dénoncent la "politique rétrograde" du gouvernement Attal

Ce jeudi 1ᵉʳ février, Gabriel Attal a annoncé une nouvelle salve de mesures sur le recours aux pesticides. Si elles n’ont pas réussi à convaincre les agriculteurs, le monde écologiste tire la sonnette d’alarme. Ils y voient “une politique rétrograde” et un “manque de courage”.

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Des mesures "rétrogrades". Pour la troisième fois, le Premier ministre a pris la parole jeudi 1ᵉʳ février pour annoncer des mesures au monde agricole. Recalage des calendriers français et européens, suspension du plan Ecophyto, possibilité de faire appel sur certaines zones non-traitées (ZNT) : autant de décisions dénoncées par les écologistes.
“On a des politiques d’une ignorance affligeante, avec une logique quasi-criminelle, pour bafouer autant le bien commun, la santé et l’environnement”,
s’insurge Henri Plandé, président d’Alerte Pesticides Gironde.

David contre Goliath

Depuis le début de la mobilisation, les associations suivent les annonces du gouvernement avec intérêt. “On a nettement l’impression que le gouvernement va dans le sens de la FNSEA et des gros industriels, mais n’a pas du tout œuvré en faveur de tous les petits agriculteurs qui ne vont bénéficier de rien”, avise Georges Cingal, président de la Sepanso dans les Landes.

Même son de cloche chez son homologue girondin, Philippe Barbedienne. “C’est du cosmétique. Ces mesures ne vont que distordre encore plus le monde agricole entre les riches industriels agricoles et les petits paysans”. Du côté de la Confédération paysanne, on regrette des mesures qui n'aident pas concrètement les agriculteurs.

Il masque le vide en matière de revenu avec des mesures environnementales pour donner l’illusion qu’il aide les agriculteurs. Or, pour qu’ils s’en sortent, il faut qu’ils se libèrent de l’industrie chimique.

Dominique Techer

porte-parole de la Confédération paysanne de Gironde

Tous regrettent également le “manque de moyens alloués à la conversion en bio”. “50 millions d’euros, ils se moquent de qui ? Les agriculteurs sont déjà pris à la gorge, en cessation de paiement, voire en redressement. Comment peuvent-ils changer leur mode de fonctionnement avec ces sommes-là quand on sait à quel point la transition est coûteuse ?” interroge Dominique Techer, porte-parole de la Confédération paysanne de la Gironde.

Outre les problèmes sanitaires, Dominique Techer s’inquiète aussi de l’image de l’agriculture française “qui va forcément en prendre un coup”. “Si on se remet à utiliser des produits cancérigènes dans les vignes, qui va nous acheter le vin ?”, questionne-t-il.

Pour les élus écologistes non plus, ce “sursis” politique “ne va pas dans le bon sens”. “On est face à une espèce d’en même temps qui emmène tout le monde dans le mur. Il y a un vrai manque d’anticipation parce que ça fait des années qu’il faut mettre en place un vrai plan de transition agricole”, déplore Vital Baude, conseiller régional EELV et membre de la commission agriculture. 

Retour dix ans en arrière

“Pas d’interdiction sans substitution”. Cette phrase, Gabriel Attal l’a martelée. Derrière, le Premier ministre indique ne plus vouloir faire de “surtransposition de la loi”.  Les calendriers français et européens d’interdictions de pesticides et de produits phytosanitaires seront désormais alignés. Dans le passé, des mesures d'exception avaient notamment permis d’interdire le S-métolachlore ou encore les néonicotinoïdes en France, quand ils restent autorisés en Europe..

“C’est un retour à la période antérieure à 2014, à partir de laquelle l’autorisation des pesticides a été confiée à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES )”, regrette Générations Futures.
Pour l'association, avec cette annonce, “Gabriel Attal demande à l’ANSES de ne pas faire son travail et lui retire sa compétence en matière de mise sur le marché des pesticides”. Un véritable “nivellement par le bas”, ajoute Philippe Barbedienne, président de la Sepanso de Gironde.  Son homologue landais veut, lui, que la France prenne ses responsabilités. 

Il faut arrêter de taper sur Bruxelles. Il y a aussi la responsabilité du pays, la France quand elle ne fait pas son travail dans ces institutions.

Georges Cingal

président de la Sepanso des Landes

“Il fait croire que chaque molécule supprimée sera remplacée par une autre. C’est impossible ! Il faut changer de modèle et sortir de l’enfermement d’une agriculture liée aux géants comme Monsanto”, avance, de son côté, Vital Baude. 

“Foutoir chimique incroyable”

Le plan Ecophyto est aussi dans le viseur du gouvernement. Ce plan visant à baisser de moitié l'utilisation des pesticides d'ici 2030 a été suspendu. “C’est un recul majeur, voire historique", estime Générations Futures.

Ces mesures laissent présager, selon les écologistes, à un retour de certains pesticides sur le sol français, en dépit de leurs alertes. “J’ai reçu des appels dramatiques d’agriculteurs victimes de cancers qui demandaient d’interdire les produits qu’ils avaient utilisés”, illustre Georges Cingal, président de la Sepanso des Landes. Ce nouveau “foutoir chimique incroyable” inquiète, tant au niveau sanitaire, qu’en matière de biodiversité. 

On appuie encore sur le champignon, on a déjà perdu 30 % de nos oiseaux à cause de ces produits. Il n’y a aucun discernement sur l’avenir.

Henri Plandé

président d'Alerte Pesticides Gironde

En Gironde, les inquiétudes se cristallisent également autour des zones non traitées, des espaces entre cultures et habitations où les épandages sont interdits. “En Gironde, on se souvient de cette école contaminée. Plus récemment, dans la plaine d’Aunis dans la Beauce, il a été mis en évidence la corrélation entre les cultures et la concentration de cancer pédiatriques. On joue sur l’aspect sanitaire, c'est catastrophique”, rappelle Vital Baude. 

Gabriel Attal a aussi annoncé le 1ᵉʳ février la possibilité pour l'État de revenir sur certains arrêtés sur ces périmètres sans traitement. “Quand un épandage est réalisé à 1 km, on augmente les risques sur la santé de 4 à 10 % selon les produits. La distance est intenable pour les agriculteurs. Ce qu’il faut, c’est changer de produit, au lieu de parler de distances”, explique Henri Plandé, président d’Alerte Pesticides. 

Binôme agricole

Exclues des négociations, les associations écologistes regrettent un “retour à la cogestion des affaires agricoles entre le gouvernement et la FNSEA, comme aux plus belles heures de Chirac”. Et craignent d'être à nouveau exclues des décisions à l'avenir.
“En réduisant les délais des recours, on limite l’action des associations écologistes qui font en réalité le travail de contrôle de la légalité de l’État, que ce dernier n’a pas fait”, rappelle le conseiller régional EELV, Vital Baude. 

Les associations sont les derniers remparts à la mise en place de projets illégaux.

Vital Baude

conseiller régional et membre de la commission agriculture à la Région

Un bras de fer complexe, auquel ces associations sont pourtant habituées. “On connaît bien cette volonté de nous freiner alors qu’on essaie juste de faire appliquer la loi”, indique Philippe Barbedienne. “On n'est pas des ennemis de l’agriculture, mais on veut défendre ceux qui travaillent proprement et comme des fous pour des revenus dérisoires.” 

Cette fois, leur travail s’annonce plus complexe encore avec la limitation des contrôles de l’Office français de la biodiversité sur les exploitations. “On n'est pas les ennemis de l’agriculture, mais certains font n’importe quoi et on va encore plus laisser faire”, soupire le président de la Sepanso de Gironde.

Convaincue que ces annonces ne permettront pas d’octroyer aux agriculteurs un revenu décent, Générations Futures assure qu’elle “mènera toutes les actions juridiques nécessaires pour faire retirer du marché les pesticides" qui ne “remplissent pas les obligations de sécurité exigées par la réglementation européenne". Les agriculteurs, eux, continueront leurs actions, tant qu’un “revenu minimum” n’est pas assuré à toutes les filières.

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