Après l'adoption de la loi sur la réforme des retraites, les opposants à la réforme, élus Nupes en tête, visent désormais le référendum d'initiative partagée. Une proposition de loi doit être examinée par le Conseil constitutionnel. Mais le processus, long et fastidieux, a peu de chance d'aboutir, estime Anna Maria Lecis, maîtresse de conférence à Sciences Po Bordeaux.
Elles sont apparues dans l'hémicycle, dès l'annonce du rejet de la motion de censure déposée par Liot. Alors que la présidente de l'Assemblée nationale annonçait que 278 voix avaient voté en faveur de la motion, contre les 287 requises pour la faire adopter, de nombreux élus opposés au projet, Nupes en tête, ont brandi des pancartes siglées RIP, pour référendum d'initiative partagée.
"Nous irons jusqu'au référendum, qui devra trancher par la voix du peuple et pour le peuple", a déclaré lundi soir Iñaki Echaniz, députés Nupes des Pyrénées-Atlantiques. Ce référendum peut-il encore inverser la donne sur cette loi tant contestée, adoptée par le recours à l'article 49.3 mais pas encore promulguée ? ? Les réponses d'Anna-Maria Lecis, maîtresse de conférence en droit public à Sciences Po Bordeaux.
Qu'est-ce que la proposition de loi en faveur du RIP, le référendum d'initiative partagé, signée par plus de 250 députés et sénateurs, et transmis au Conseil constitutionnel ?
Ce référendum d'initiative partagée doit être porté par une initiative parlementaire et citoyenne.
Tout débute par une proposition des parlementaires, qui doivent être, selon la constitution, un cinquième des parlementaires au total. (En France, on compte 577 députés et 348 sénateurs, ndlr).
La demande de référendum, présentée en réaction à l'adoption de la loi sur la réforme des retraites a bien été présentée par un cinquième des parlementaires, et va donc prendre la forme d'une proposition de loi. Celle-ci consiste en un article unique, qui veut fixer l'âge maximal de départ à la retraite à 62 ans.
Notre système ne permet pas d'abroger par référendum une loi promulguée depuis moins d'un an. Il était donc important pour la gauche de présenter ce RIP avant la promulgation de la loi adoptée le 20 mars.
Une fois ce référendum proposé, quelles sont les prochaines étapes ?
La proposition va être étudiée par le Conseil constitutionnel pendant un mois. Il va ensuite se prononcer sur sa recevabilité. Au bout de ce mois, s'ouvre la phase de recueil des signatures : la gauche aura ensuite neuf mois pour recueillir un dixième des signatures du corps électoral, soit 4,5 millions de personnes.
C'est un seuil très élevé qui n'a jamais été atteint. Le référendum contre la privatisation des aéroports de Paris avait passé le seuil d'un million, ce qui était déjà assez remarquable.
Anna-Maria Lecis, maîtresse de conférence en droit public à Sciences Po Bordeaux.à rédaction web France 3 Aquitaine
Et même s'ils arrivent à obtenir ces 4,5 millions de signatures, ce n'est pas encore fini ! La balle passe ensuite dans les mains du parlement, qui a six mois pour se saisir de la proposition de loi.
Pendant cette période, chacune des assemblées doit examiner le texte, au moins en première lecture. Ils peuvent ensuite le modifier, et adopter sa version modifiée, ou même le rejeter. Ce qui empêcherait la tenue du référendum. Il y a donc beaucoup d'obstacles. Si le parlement n'étudie pas ce texte dans les six mois, le président de la République le soumet alors au référendum.
La réussite de la tenue de ce référendum est loin d'être acquise ?
Effectivement. Les garanties d'issue positive sont très faibles, même si la mobilisation qui entoure la réforme des retraites n'empêche pas le recueil des signatures. Une fois que la question arrive au parlement, on se retrouve face à une question politique, qui est de décider si on veut en discuter, ou plutôt permettre la tenue du référendum. En sachant que, entre-temps, même s'il devait y avoir un référendum, la réforme des retraites sera, sauf surprise, entrée en vigueur.
Notre système politique ne permet que peu de contre-pouvoirs. Ce RIP, c'est plus un moyen politique de pression, qu'un moyen juridique pour empêcher l'entrée en vigueur de la loi.