Le chocolat est à l'honneur d'un salon qui se déroule jusqu'au 3 novembre à Gradignan, près de Bordeaux, malgré un contexte tendu. Le gouvernement vient en effet de proposer la mise en place d'une taxe sur les sucres transformés. Une annonce qui inquiète les professionnels, déjà fragilisés par une hausse des prix de matières premières.
Chaque année, à Gradignan, près de Bordeaux, le salon du chocolat amène son lot d'amateurs et de gourmands. "Tous les soirs devant la télévision, c'est la moitié d'une tablette chacun", glisse un visiteur, les yeux écarquillés devant le stand qui s'offre à lui. Pourtant, derrière l'engouement général, les chocolatiers, eux, donnent le change, mais n'ont pas le cœur à rire.
Sur leurs épaules plane la menace d'un projet de surtaxe sur les aliments transformés contenant du sucre. Parmi eux, le chocolat, qui en contient au moins 20 à 50 %. "Ce serait dramatique pour beaucoup de chocolatiers", s'inquiète l'artisan Florent Lafaye. Cette proposition a déjà évoqué dans un rapport dans un rapport, le 16 octobre dernier par l'Institut Montaigne qui souhaite "lutter contre la malbouffe". Elle vient d'être reprise par la ministre de la Santé, dans le cadre des débats du PLFSS pour le financement de la Sécurité sociale.
Une taxe de 20%
Le chocolat, tout comme les sodas ou les plats cuisinés industriels, ferait donc partie des produits taxés. Si la TVA actuelle varie déjà de 5,5% à 20% selon la quantité de sucre et la taille des produits, cette nouvelle taxe viendrait restreindre des marges déjà limitées. Une décision loin de réjouir les artisans chocolatiers qui se remettent à peine de leur endettement post-covid, et de la hausse du coût de l'énergie, du sucre et du cacao. "Si ça pouvait être que sur du coca ou autre chose que sur des produits à nous. On peut retirer un peu de sucre du chocolat, mais on ne peut pas le retirer partout", souffle le chocolatier bordelais Stéphane Raynaud.
"Nous, le chocolat au lait, on est bien obligés de mettre du sucre dedans, on ne peut pas faire autrement", peste également l'artisan Florent Lafaye. "On perdrait 15 % du chiffre d'affaires quasiment."
Le chocolat il y a un côté plaisir avec des arômes et ça on veut le garder.
Patrick Brossardartisan févier chocolatier
Cette potentielle surtaxe s'ajoute à un contexte déjà particulièrement difficile pour les chocolatiers. "Déjà, c'est compliqué parce qu'on a eu les années Covid, on s'est endettés avec les crédits, indique Patrick Brossard, artisan févier chocolatier. Là, on redémarre, on a relancé la mécanique, mais est-ce qu'ils vont augmenter la TVA sachant que le prix de la fève à la tonne a déjà bondi de 120% ?"
Le prix de la fève de cacao déjà très haut
En six mois, le prix de la fève de cacao est en effet passé de 2 500 euros la tonne, à plus de 12 000 euros. Une nette augmentation qui a déjà fragilisé les artisans chocolatiers. "On est obligés de restreindre les frais puisque les prix continuent à monter, déjà moi, j'embauche plus, j'ai plus d'ouvrier, je n'ai qu'une apprentie", ajoute Patrick Brossard. Donc s'ils nous rajoutent une taxe dessus, ça va être très compliqué pour les entreprises, pour l'embauche et la fabrication."
Pour les chocolatiers, hors de question de répercuter cette taxe sur la qualité des produits. "On a répercuté un peu sur le prix de vente, mais on ne peut pas indéfiniment monter les prix. On est artisans, le consommateur attend la qualité de nous et elle sera toujours au rendez-vous", insiste Florent Lafaye. "Nous, les artisans, on va toujours se battre pour la qualité", abonde Patrick Brossard.
Inquiétudes à l'approche des fêtes
Malgré des prix qui ont déjà augmenté, les amateurs de chocolats restent fidèles. Entre 5 000 et 6 000 visiteurs sont attendus sur les deux jours de salon pour cette 14ᵉ édition. "Le client sera toujours roi, lâche Patrick Brossard. Pour nous chocolatiers, le but, c'est de se rendre accessible à un maximum de portefeuilles. Pour Noël, il vaut mieux que les clients achètent du chocolat de qualité avec le prix qu'il faut plutôt qu'acheter de l'industriel."
Au sein de la filière, l'espoir persiste cependant. Ce mardi 29 octobre, Geneviève Darrieussecq a rétropédalé, limitant finalement la mesure uniquement aux sodas. Elle a indiqué vouloir "convaincre" l'industrie agroalimentaire "plutôt que de vouloir systématiquement les taxer". En 2023, les Français ont consommé 12,5 kg de chocolat, en moyenne par foyer.