Entre 2006 et 2012, Noura a vécu aux côtés du gourou "Zeus" à Gujan-Mestras, en Gironde. Sous son emprise, elle aurait subi des années d’abus avant d’alerter la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires). Alors que le procès s’est ouvert ce lundi 19 septembre aux Assises de Bordeaux, elle témoigne du "cauchemar" qu’elle a vécu.
"C’était un cauchemar, j’en fais d’ailleurs encore des cauchemars aujourd’hui." Dix ans après s’être enfuie du domicile de Claude Alonso et avoir dénoncé ses agissements, Noura est encore hantée par ce que le gourou, aujourd’hui âgé de 81 ans, lui a fait subir.
C’est par l’intermédiaire de sa fille Vanessa – qui s’est elle aussi constituée partie civile dans le procès pour viols et abus de faiblesse intenté à son père – que Noura, alors âgée de 34 ans, rencontre celui qui se fait appeler "Zeus". L’homme a développé autour de lui une communauté de femmes sous son emprise, qu’il utilise comme esclaves ménagères et sexuelles.
Une première impression positive
Pourtant à son arrivée en 2006, Noura, ancienne enfant de la DDASS, pense avoir trouvé un refuge où construire sa vie.
Là-bas je trouve une famille, chose que je n’ai jamais eue. Et je pensais vraiment avoir trouvé un endroit agréable et sain.
Noura, victime du gourou "Zeus"Source : France 3 Aquitaine
La mise en place de l'emprise
Rapidement, elle-même subit l’emprise de Claude Alonso. Le gourou lui transmet, comme aux autres femmes, ses "enseignements", dans une mise en scène censée représenter les Dieu de l’Olympe. "Zeus" la renomme "Koré", nom d’une des déesses grecques.
"Il a commencé par me faire apprendre ses tables de loi, se remémore Noura. Ensuite, il s’est mis à me demander si j’étais prête, mais il ne fallait pas que je pose de questions. Jusqu’au jour où il est passé à l’acte."
Noura s’interrompt alors et passe une main sur son visage. Il lui faut quelques secondes avant de réussir à aborder les viols qu’elle a subis.
Il me demande de le suivre dans un bureau et de jurer sur la statuette de Zeus avec ma main droite. Je devais dire "je jure que tout ce qui se passera dans ce bureau ne sortira pas d’ici". Et là ça a été l’apprentissage sexuel.
Noura, victime du gourou "Zeus"France3 Aquitaine
Menaces et drogues
Le gourou prône l’orgasme commun "pour sauver l’humanité" raconte Noura. Il lui impose des rapports jours et nuits. Et lorsqu’elle tente de s’y soustraire, l’homme la menace ou a recours au chantage affectif.
Il disait que si on désobéissait, il y aurait des sanctions. Il m’arriverait malheur, et à lui-aussi. Il était tout le temps à l’article de la mort quand on n’allait pas dans son sens.
Noura, victime du gourou "Zeus"France 3 Aquitaine
Claude Alonso drogue également ses pensionnaires pour arriver à ses fins. "Dès qu’on était un peu réticentes, il nous faisait prendre du Lexomil, explique Noura. Il y avait de l’alcool aussi, on buvait des apéritifs tous les soirs."
On était un peu des zombies.
Noura, victime du gourou "Zeus"
Le départ en 2012
Au bout de six ans, Noura tombe enceinte. "Ça a été le déclic" affirme-t-elle. Le gourou l’incite à avorter, et c’est après cela qu’elle prend la décision de partir. "Je me suis sauvée de la maison, j’étais en rébellion totale. Je me suis réfugiée dans l’appartement de Vanessa."
Sans ressources, les deux femmes sont aidées par la mère de cette dernière. Noura est ensuite suivie par une psychiatre. Sa médecin la convainc de contacter la Miviludes (la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) pour dénoncer les agissements de Claude Alonso. Une démarche "pas facile", mais qui lui a permis de commencer à se reconstruire.
Je suis soulagée qu’on arrive enfin au procès, pour pouvoir passer à autre chose. Je suis beaucoup soutenue par mes amis et je commence à reprendre confiance, à avancer. Aujourd’hui, je me sens d’attaque pour continuer de vivre, ça n’a pas toujours été le cas.
Noura, victime du gourou "Zeus'France 3 Aquitaine
Des mensonges selon Claude Alonso
Alors que le procès se tient jusqu'au vendredi 23 septembre, Claude Alonso a affirmé à la barre que Noura "ment". D'après lui, elle aurait tout inventé car elle est amoureuse de sa fille Vanessa, et elle souffre de problèmes psychologiques "très importants".
Lors de sa garde à vue, l'octogénaire avait toutefois reconnu que Noura avait été sa maîtresse pendant "trois ou quatre mois". Des propos sur lesquels il est revenu face à la Cour en expliquant qu'il avait déclaré cela à cause des "sévices psychologiques terribles" que lui "ont fait subir les inspecteurs". Les audiences se poursuivent à la Cour d'Assises de la Gironde.
