Infirmiers, aides-soignants, auxiliaires de vie sont de plus en plus en plus recherchés et vivent des journées de plus en plus longues pour assurer le suivi des personnes dépendantes. Tétraplégique depuis 20 ans après un accident de plongeon, Cyril témoigne de la difficulté de mobiliser des personnes pour l'aider le week-end en milieu rural.
Il y a Nathalie, Maria ou encore Angélique. Les auxiliaires de vie se relaient durant la semaine auprès de Cyril. Certaines le connaissent depuis longtemps, quinze ou seize ans. D'autres l'ont assisté pendant quelques années, quotidiennement. Elles sont parties à la retraite ou ont déménagé. Pour le quadragénaire, c'est à chaque fois la même interrogation, la même difficulté : va-t-il trouver quelqu'un pour la toilette du matin et d'autres aides dans la journée ? Et pire, le week-end.
Cyril Calmeau est tétraplégique. Il ne peut pas s'occuper de lui seul. Même s'il reste mobile du haut du corps, ses doigts ne peuvent pas maîtriser des gestes précis.
"Je suis à la maison tous les jours. Des aides à domicile viennent m'aider le matin pour me laver pour m'habiller", détaille-t-il. Une routine qui se doit d'être parfaite.
"Je les ai tous appelés"
La semaine, ce sont des aides à domicile, payées via des chèques emploi-service (CESU) pris en charge par le Conseil départemental. Le week-end, des infirmiers, qui assument les mêmes tâches, payés par la Sécurité sociale.
Cette année, c'est de plus en plus compliqué depuis le départ à la retraite d'un infirmier qui venait les week-ends. "Je les ai tous appelés sur la commune. Tous, tous, tous". Mais, pour être honnêtes, ils lui ont indiqué que ces soins à lui prodiguer, toilette et sondages urinaires au cours de la journée, leur prenaient beaucoup de temps dans leur tournée. Et n'étaient pas "rentables pour eux, en fait", explique Cyril avec pudeur.
Aides la semaine, infirmiers le week-end
Cyril s'est alors trouvé confronté à un problème administratif. Depuis quelque temps, sans infirmier régulier, des aides à domicile essayaient de venir un week-end sur deux en "dépannage" mais Cyril ne disposait plus de crédits d'heures correspondants.
Un problème qui serait en voie de régularisation avec le Conseil départemental, mais qui montre les soucis permanents et "la charge mentale" que cela implique. "Une prise de tête" comme il dit.
Cyril passe beaucoup de temps au téléphone pour anticiper les trous sur l'agenda de ses soins. "Je réponds à des annonces de gens qui cherchent et moi-même j'en publie".
Humainement, c'est parfois lourd. Il a souvent l'impression de toujours "demander", faire "pitié".
Des fois, on arrive à la fin de semaine, on ne sait pas si j'aurai quelqu'un le week-end. C'est stressant. Ce matin, c'est ma mère qui m'a aidé.
Cyril Calmeau
"Tous les soirs, c'est moi qui le couche", précise Brigitte, la mère de Cyril. "Mais la journée, c'est bien que ce soit quelqu'un d'autre qui s'en occupe". Cyril a cette chance d'être soutenu familialement. Depuis son accident, en 2001, ses parents ont aménagé un espace adapté et indépendant spécialement pour lui. Il peut compter sur eux pour pallier, le cas échéant, les manques de professionnels. "On a une grande maison. Il a son coin à lui. Quand il a besoin, je ne suis pas loin", explique Brigitte.
En milieu rural
L'aide dont il a besoin n'est pas forcément médicale : aider à la douche, à l'habillage, ouvrir les poches du matériel de sondage. Pas besoin de diplôme particulier. "On a toujours eu du mal à trouver, mais j'ai l'impression que c'est encore plus difficile qu'avant..." Effectivement, le cas de Cyril n'est pas isolé. Les personnes dépendantes, âgées ou handicapées ont de plus en plus de mal à trouver des personnes, même si des dispositifs financiers sont prévus par les collectivités locales ou la Sécurité sociale.
Le week-end, ce sont souvent les infirmiers qui tentent de prendre le relais, mais ils se trouvent de plus en plus face à des situations impossibles pour tenter de concilier toilettes et soins infirmiers. Ils étaient d'ailleurs en grève la semaine dernière pour demander des réévaluations de leurs rémunérations.
Actuellement, il manquerait à Cyril une personne, un week-end sur deux. Mais il pense également que la difficulté vient peut-être du fait qu'il réside à Saint-Jean d'Illac, une commune éloignée de la métropole bordelaise où, pense-t-il, il y a peut-être plus de facilité à trouver des personnes.
Des liens particuliers
Cet agenda tenu au cordeau génère beaucoup de stress pour Cyril et sa famille. L'assistance quotidienne permet à Cyril de moins dépendre de sa famille. Mais cette aide pratique ne doit pas occulter l'apport personnel et humain des auxiliaires de vie. Nathalie, Maria, Angélique ou Rose connaissent bien Cyril. "Avec elles, tout se passe bien ! Comme elles disent, c'est un job, mais il faut aimer aider les gens". Et Brigitte d'ajouter : "il ne faut pas faire ça pour l'argent... Et elles, elles aiment ce qu'elles font !"