Depuis le 9 octobre, Devon, un adolescent de 13 ans, n'a pas quitté sa chambre d'hôpital au CHU Pellegrin, à Bordeaux. Il est atteint d'une hépatite auto-immune extrêmement rare, qui nécessite une greffe de moelle osseuse. Sa maman, Natasha Ren, a lancé plusieurs appels aux dons sur les réseaux sociaux.
Leurs vies ont basculé le 9 octobre dernier. Comme chaque jour, aux alentours de 16 h 45, Natasha Ren vient récupérer son fils Devon au collège. Au loin, elle croit voir de la peinture jaunâtre sur les lunettes de son fils et lui glisse, agacée : "il ne faut pas faire ça !"
Sa colère passe en un éclair lorsque son fils retire ses lunettes : ce n'est pas la monture qui est étrangement colorée, mais bien les yeux de son enfant. Le premier symptôme d'une maladie qu'ils décèleront par la suite : une hépatite auto-immune rare qui nécessite une greffe de moelle osseuse. "Ni une ni deux, j'ai immédiatement appelé SOS Médecins, raconte la mère célibataire. La mère de 36 ans, qui réside avec son fils à Floirac, près de Bordeaux, ne sait pas encore de cette journée marquera le début d'un combat contre la maladie. "Depuis, mon fils n'est jamais ressorti de l'hôpital."
Une maladie "extrêmement rare"
À l'hôpital, les médecins ont d'abord suspecté un cancer, mais les différents tests ont infirmé cette hypothèse. Finalement, le diagnostic est posé : Devon est atteint d'une hépatite auto-immune, qualifiée par les médecins comme étant "extrêmement rare". Un coup de massue pour la maman de l'adolescent de 13 ans. Elle glisse, amère : "il n'a jamais montré de signe de maladie. C'est tout juste s'il a déjà eu un rhume."
Aujourd'hui, "Devon marche au ralenti, il ne bouge presque plus", rapporte Natasha. En cause, la moelle osseuse de l'adolescent, qui se situe dans les os plats du corps comme ceux du bassin, ne produit plus assez de cellules du sang (plaquettes, globules rouges). "Il n'existe que cinq à six traitements qui permettraient de le soigner de cette pathologie, poursuit la mère de Devon. Sinon, il faudra passer par une greffe de moelle osseuse qui, elle, marcherait à tous les coups. Encore faut-il trouver le donneur..."
Un individu sur un million
À défaut d'avoir trouvé, pour le moment, un donneur de moelle osseuse, Devon s'apprête à passer une batterie de tests en vue de recevoir un traitement. "Ce traitement va permettre de combattre les globules blancs, explique Natasha. Ce sont eux qui attaquent sa moelle osseuse." Un traitement lourd, étalé sur six semaines, qui porte ses fruits dans 70 % des cas, mais qui peut avoir en contrepartie des éventuelles répercussions sur les reins du jeune patient.
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Natasha mise donc encore sur un donneur de moelle osseuse. "Seuls les donneurs de moelle osseuse compatible à 90% seront étudiés", ce qui représente environ un individu sur un million. Le profil d'un donneur franco-réunionnais, comme Devon fait partie des cibles privilégiées des recherches de cette maman. "Les médecins ont malheureusement dû refuser un don puisqu'il n'était compatible qu'à 80%", explique la mère, qui n'est malheureusement pas compatible en raison du suivi d'un traitement personnel.
"J'ai cru qu'il était parti"
Le 6 novembre dernier, un incident est venu accélérer ce "besoin urgent" de trouver un donneur. "Devon a chuté depuis son lit d'hôpital et s'est cogné à l'arcade, se souvient encore sa mère. Il a perdu beaucoup de sang, je l'ai vu complètement vide, éteint. J'ai cru qu'il était parti et j'ai vrillé." L'adolescent de 13 ans a alors quitté le service de pédiatrie du cinquième étage du centre hospitalier, pour rejoindre d'urgence "l'unité protégée" du service d'oncoématologie au sixième étage.
J'ai crié dans les couloirs de l'hôpital, tapé dans les murs, puis j'ai fait un black-out.
Natasha RenMère de Devon, diagnostiqué d'une hépatite auto-immune
Cet accident a été un électrochoc pour Natasha. Depuis, elle a décidé de passer des appels aux dons sur les réseaux sociaux dans l'espoir qu'un donneur potentiel de moelle osseuse soit identifié pour son fils. "Je le fais pour Devon, mais également pour tous les autres enfants qui sont dans la même situation que lui. Rien que dans le service où il est, il y a quand même 26 chambres d'enfants. Je veux me battre jusqu'à la fin."
"Une carte d'identité génétique"
Pour Devon comme pour des milliers d'autres patients atteints d'une maladie du sang, la greffe de moelle osseuse est conditionnée au taux de compatibilité entre le donneur et le malade. "Cette compatibilité est calculée en fonction des systèmes dits "HLA" (antigène des leucocytes humains) de chaque individu. Ils désignent un ensemble de gènes hérités des parents, en quelque sorte notre carte d'identité génétique", précise Catherine Faucher, médecin hématologue et directrice des prélèvements de greffes de moelle osseuse à l'Agence biomédecine, une entité dépendante du ministère de la Santé.
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Pour trouver la meilleure compatibilité qui soit, les médecins se tournent en premier lieu vers les frères et sœurs de l'individu malade. "Il y a environ une chance sur quatre", indique Catherine Faucher. En second choix, les médecins se tournent vers les fichiers de donneurs volontaires, inscrits soit dans le registre français des greffes de moelle osseuse, soit dans les registres internationaux. Au total, il existe 73 fichiers de donneurs volontaires dans le monde, comptabilisant près de 44 millions d'inscrits.
Des préjugés qui ont la vie dure
L'inscription sur ces fichiers est conditionnée à "plusieurs critères indispensables", insiste la médecin hématologue : l'individu doit être âgé entre 18 et 35 ans, être saint et en bonne santé. "Une fois ces conditions remplies, la personne reçoit un petit questionnaire à remplir, puis un kit salivaire à domicile qui va permettre d'étudier son ADN. Enfin, un examen spécialisé dans un CHU sera réalisé", poursuit Catherine Faucher. Le cas échéant, il faudra compter quelques semaines pour apparaître dans les fichiers et potentiellement être appelé en France ou à l'étranger en cas de compatibilité.
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Catherine Faucher tient à rassurer les personnes qui hésiteraient à franchir le cap : la greffe de moelle osseuse n'est pas douloureuse pour le donneur. "En seulement huit jours, elle se régénère automatiquement dans le corps, indique l'hématologue, qui regrette que des préjugés soient attachés à cette pratique médicale.
Elle n'a rien à voir avec la moelle épinière, avec la colonne vertébrale ou bien le cerveau.
Catherine Faucher,médecin hématologue et directrice des prélèvements de greffes de moelle osseuse à l'Agence biomédecine
Pour porter ce combat au plus grand nombre, et avoir l'opportunité d'enregistrer dans les fichiers des profils aussi variés que possible, "une large communication est assurée sur les réseaux sociaux, explique Catherine Faucher. Nous travaillons de plus en plus avec des youtubeurs et des influenceurs, mais aussi avec des associations étudiantes, les régions et l'Outre-mer pour toucher un public jeune et divers."
Chaque année, en moyenne, près de 20 000 nouveaux donneurs volontaires s'inscrivent sur les fichiers et quelques 2 000 greffes de moelle osseuse sont réalisées. "Elles sont vitales, elles sauvent des vies." Toute personne remplissant les conditions nécessaires au don de moelle osseuse peut gratuitement se faire tester sur le site dondemoelleosseuse.fr.