Témoignage. "Jeanne nécessite une hospitalisation en psychiatrie". L'appel à l'aide d'une maman pour aider sa fille de dix ans

Publié le Mis à jour le Écrit par Catherine Bouvet

La fillette a été diagnostiquée souffrant de TDAH en 2020. Depuis le mois de mars, elle est en phase de décompensation avec des accès de violences. Selon les médecins, son état de santé nécessite une hospitalisation en milieu psychiatrique, mais impossible, faute de structures adaptées à son âge dans le département des Landes. Sa mère s'estime "abandonnée". L'ARS de Nouvelle-Aquitaine reconnaît effectivement une carence en pédo-psychiatrie.

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"À part faire du bruit, c'est tout ce que je peux faire", lâche Delphine, cette mère de famille dont l'enfant est actuellement hospitalisé dans le service pédiatrique du CH de Mont de Marsan. Les prénoms de la fillette et de sa mère ont été modifiés à leur demande.

Une mère dans l'impasse

Épuisée et démunie, la maman de Jeanne écrit aux médias et vient même de mettre en ligne une pétition dans laquelle elle lance un appel à l'aide pour exiger "des soins pédo-psychiatriques pour les enfants des Landes" et dénonce "une maltraitance institutionnelle".

La semaine dernière, elle a écrit à l'Agence régionale de santé (ARS), au conseil départemental des Landes, à la préfète, au ministre de la Santé, au Premier ministre et même à Emmanuel Macron.

Sa fille de dix ans, Jeanne, est atteinte de trouble du déficit de l'attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH), diagnostiqué en 2020. Depuis le mois de mars 2024, elle vit un épisode de "décompensation psychique", "des crises d'angoisse suivies de colères" violentes, destructrices parfois. Et rien n'existe dans les Landes pour prendre en charge à temps complet une petite fille de son âge nécessitant une hospitalisation en pédopsychiatrie.

Quatre hospitalisations en trois mois

Jeanne est actuellement hospitalisée au Centre Hospitalier Intercommunal Layné de Mont de Marsan en service pédiatrie pour la quatrième fois en trois mois. Elle est suivie par l'équipe mobile de psychiatrie (CAP24) et tous les professionnels de santé qui la suivent, s'accordent à dire qu'il lui faut une hospitalisation en établissement psychiatrique.

En mars dernier, la situation est devenue intenable. Les crises sont plus dures, réclamant une première hospitalisation puis les suivantes. En juin, c'est Delphine qui craque et est hospitalisée trois mois. "Je me suis effondrée, c'était trop lourd". En revanche, c'est la grand-mère qui prend le relais avec les mêmes difficultés...

Je pense que Jeanne se rend compte mais que c'est plus fort qu'elle. Elle dit qu'elle veut guérir, qu'on la guérisse.

Delphine

Mère d'une fillette de dix ans atteinte de TDAH

À chaque crise, c'est l'équipe mobile de psychiatrie (CAP24) qui intervient sur demande de l'hôpital de Mont-de-Marsan. La petite fille est ensuite placée quelques jours dans le service de pédiatrie "sans véritable prise en charge psychiatrique, si ce n'est une surveillance médicale", déplore Delphine. Ce sont des séjours de répit", comme disent les médecins, "mais qui ne résolvent pas le problème".

"La soigner et protéger sa sœur"

Delphine décrit sa fille comme "extrêmement anxieuse". Un trouble qui a, selon elle, bien été géré par les médicaments. Mais au quotidien, "elle veut juger, tout commander. Elle prend sa sœur Salomé* comme une poupée qui doit faire ce qu'elle a décidé". Des crises qu'il faut "désamorcer très vite avant qu'elles ne dégénèrent". La petite fille, dans ces moments-là, représente "un danger" pour elle-même, mais également pour sa petite sœur Salomé, six ans, et également pour sa famille. 

En tant que mère, je veux tout faire pour la soigner et protéger sa sœur.

Delphine,

mère d'une fillette de dix ans atteinte de TDAH

Cela peut partir d'une simple frustration. "Si, par exemple, elle ne trouve plus de madeleines pour le petit-déjeuner. Elle va alors bouder. Puis cela peut se poursuivre en crise, en violence verbale puis physique, raconte encore la maman.

Elle s'en prend en premier lieu à sa sœur, à moi et menace de se jeter par la fenêtre du 3ᵉ étage, de se suicider. Ensuite, elle fugue. La dernière fois, c'est police secours puis les pompiers qui vont pouvoir la récupérer".

Une famille brisée

"Tout est brisé", résume Delphine qui raconte avoir tenté de refaire sa vie avec le père de Salomé, sa deuxième fille. Une union qui n'a pas tenu aussi du fait des difficultés avec son aînée. C'est toute sa famille qui "est brisée". "Moi, au point d'avoir été hospitalisée, sa sœur pour l'instant va bien, mais je la surveille comme le lait sur le feu, ma mère est anéantie, ma grand-mère a de la tension tellement elle se fait de souci"... 

Elle affirme avoir su, "dès sa naissance" que quelque chose n'allait pas. "C'était un bébé qui pleurait beaucoup, ne voulait pas s'alimenter", mais elle a grandi "normalement", même si on la trouvait "dispersée" et ayant du mal à se concentrer sur les activités proposées à la maternelle. Mais, peu à peu, les épisodes d'opposition sont devenus plus intenses.

Malgré les signes décrits par sa mère, le jeune âge de Jeanne empêche une véritable prise en charge psychologique ni même un diagnostic qui ne tombera qu'en 2020. Elle souffre donc de Trouble de Déficit de l'Attention avec Hyperactivité. Delphine se refusera à mettre sa fille "sous Ritaline" (un médicament prescrit dans le traitement des TDAH pour les enfants de 6 à 18 ans, NDLR) et la petite va néanmoins suivre une scolarité normale tout en étant suivie par différentes spécialistes en orthophonie ou psychomotricité.

À l'école, pas de crises, "ça n'arrive jamais" précise la maman. C'est à la maison que ses angoisses et violences ont lieu et peuvent prendre de graves proportions.

Carence de la pédo-psychiatrie

À ce jour, aucun diagnostic ne peut être posé définitivement au vu de son âge et donc aucun traitement n'est mis en place. Pour Delphine, "après quatre séjours en pédiatrie à l'hôpital, tous les professionnels de santé sont unanimes : cette enfant a besoin d'une hospitalisation en psychiatrie". Mais, impossible pour la famille de trouver dans les Landes une structure adaptée pour une telle prise en charge à temps complet pour une enfant de moins de douze ans.

Depuis dimanche, la fillette est traitée par neuroleptiques et nécessite un suivi médical d'au moins quelques jours. Delphine ne sait pas quand elle sortira et appréhende. "Et pour aller où ?", s'interroge-t-elle. 

Sollicitée par France 3 Aquitaine, l'ARS de Nouvelle-Aquitaine reconnaît une carence d'offre en pédo-psychiatrie dans le département des Landes pour les enfants de moins de douze ans. Seule solution envisagée : trouver une place adaptée pour Jeanne dans un autre département aquitain.

"Nous avons pleinement conscience que la situation traversée par la maman de Jeanne met en lumière la carence d’offre sur le département en hospitalisation complète en pédo-psychatrie. L’offre de soins reste à construire et participera des travaux engagés, avec le CH de St-Anne dans le cadre de la mission d’appui proposée par l’ARS, avec, sans attendre, une sollicitation faite auprès des autres départements limitrophes, par l’ARS, pour trouver une réponse adaptée à la situation de Jeanne et une consultation sollicitée auprès d’un des « centres experts » de la région."

Une pétition en ligne

Le 25 octobre, en dernier recours, la maman a déposé une pétition en ligne pour raconter son histoire en espérant trouver des solutions.

Elle alerte sur le fait que sa fille comme d'autres enfants, sont concernés par ce manque de soins. "Selon la fédération française de psychiatrie, un enfant sur huit serait touché par un trouble mental en France", soit près de "240 000 enfants qui ont besoin de soins pédo-psychiatriques". "Il est inadmissible que dans un département comme les Landes, ces enfants soient laissés sans solutions de soins adaptées".

La seule chose à faire, selon le personnel médical, c'est de saisir la justice pour demander une injonction de protection auprès du procureur de la république. Mais la mère de famille craint l'intervention de l'aide Sociale à l'enfance (ASE) qui devrait la placer, l'envoyer dans un foyer ou une famille d'accueil, "et rajouter du mal au mal"...

L'espoir pourrait peut-être venir du corps médical. Parmi les bouteilles à la mer qu'elle a lancées, il y a le Conseil de l'ordre des médecins qui lui aurait répondu "on va vous aider". Aujourd'hui, elle n'a aucune solution quand sa fille sortira de l'hôpital.

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