Exil forcé et combat contre la maladie, un homme contaminé par le VIH raconte son parcours. L'une des 450 personnes accueillies pas l’association Gaps qui accompagne les personnes atteintes du sida depuis 35 ans et qui se retrouve menacée de fermeture, après l’arrêt de son financement par l’ARS.
Les mains jointes, le regard dans le vide, Fabrice*, originaire d'un pays de l'est, tente de se souvenir de la découverte de sa maladie. “C’était à la fin des années 90. J’étais parti à Moscou pour le travail. J’ai dû passer des tests médicaux et c’est là qu’on m’a annoncé que j’étais porteur du VIH”, raconte l’homme.
"Il allait bien falloir me tuer"
Pour ce père de famille, marié, la nouvelle est douloureuse. “J’ai dû l’annoncer à ma femme pour qu’elle passe aussi des tests, c’était très difficile”. Les analyses sont négatives : sa femme n’a pas été contaminée. Une bonne nouvelle qui sera pourtant le point de départ d’une des plus difficiles décisions de sa vie.
J’ai finalement choisi de partir, pour ne pas risquer de transmettre le virus à ma femme ou à mon enfant.
Fabrice*,porteur du VIH
Cette décision, Fabrice la prend en 2014, soit près de vingt ans après la découverte de sa maladie, et autant d’années de souffrance. “On m’appelait le cadavre qui marche encore. Certains, venaient me voir pour me dire qu’il allait bien falloir me tuer”, explique celui qui travaillait dans la grande distribution.
Stigmatisé, Fabrice changera plusieurs fois de travail et de domaine, sans succès. “La société ne voulait pas de moi, je ne pouvais rien construire”, souffle Fabrice. Il décide alors de divorcer et de fuir ce pays qui le hait tant, dans l'est de l'Europe, pour la France. “Je ne savais rien de la France, ni si j’allais pouvoir rester. J’ai mis un doigt sur la carte, et je suis venu”.
Traitement par bus
Depuis 20 ans, Fabrice traite sa maladie, le sida. Des comprimés qu’il prend quotidiennement. En France, c’est d’abord sa mère qui lui fait parvenir son traitement, par paquet de trois mois, via un bus. “Mais le chauffeur la questionnait beaucoup, elle subissait des discriminations. Quand il arrivait, il me désignait tout haut comme le malade du VIH”, regrette Fabrice.
Puis un jour, ce chauffeur refuse d’acheminer le traitement. “C’était fini, je ne savais pas comment je pouvais m’en sortir. Je parlais encore mal le français”.
Le soutien d'une association aujourd'hui menacée dans son financement
Premier réflexe, sur internet, il contacte le centre Aids qui l’oriente vers le Gaps, seule association de Gironde qui accompagne les malades du VIH. Ils réussissent à lui obtenir un soin, le font rencontrer une assistante sociale. “Sans eux, je ne serais pas ici aujourd'hui pour témoigner”, lâche Fabrice.
Aujourd’hui, Fabrice est heureux de se dire “U=U”. Cela signifie que le VIH est désormais indétectable et non transmissible. Comme lui, 450 personnes sont accueillies chaque année dans la structure située au sein de l’hôpital Saint-André à Bordeaux, dont 80 nouvelles personnes chaque année.
Suivi médical, psychologique, mais aussi accompagnement social, rencontre avec les autres patients, l’association propose un accompagnement global. Pourtant, elle vient d’apprendre, après trois ans de réductions progressives de subventions, que l’ARS arrêterait de les financer dès 2024, leur mission ne rentrant plus dans son cahier des charges.
“Leur subvention représente 300 000€, soit 70 % de notre budget global. Sans ça, on va disparaître”, souffle désespérée Guylène Madeline, directrice du groupe d'aide Psychologique et Sociale (Gaps).
Dans un rapport remis à l’autorité de santé régionale, elle espère pouvoir trouver un terrain d’entente pour s’adapter aux nouveaux critères du plan régional de santé.
Fabrice* : Le prénom a été changé pour garantir l'anonymat.