Il y a un an, le 4 mai 2021, Chahinez Daoud était tuée devant chez elle à Mérignac, près de Bordeaux. Son ex-compagnon l’a brûlée vive après lui avoir tiré dessus. Depuis ce glaçant féminicide qui avait ému la France entière, les choses ont-elles changé ?
C’était le 4 mai 2021. Chahinez Daoud est morte en pleine rue, après avoir été brûlée vive par son ex-compagnon à Mérignac. Mère de trois enfants, elle avait pourtant porté plainte contre lui.
L’homme venait de sortir de prison. Il lui a tiré deux coups de feu dans les jambes avant de l'asperger d'un liquide inflammable, alors qu’elle était encore en vie, et d’y mettre le feu.
113 féminicides en France en 2021
Un an jour pour jour après le drame, la prise en charge des femmes victimes de violences a-t-elle évolué ?
La Girondine Naïma Charaï, directrice de l’Apafed (association pour l’accueil des femmes en difficultés) reconnaît qu’iI y a eu “une mobilisation sans précédent'' après le féminicide de Chahinez Daoud. Mais douze mois plus tard, “force est de constater que le bilan est décevant.” Elle mentionne le nombre de 113 féminicides en France en 2021, dont celui de Chahinez. Depuis 2022, 45 féminicides ont été comptabilisés depuis le début de l'année.
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Chahinez Daoud ne disposait pas de téléphone grave danger, cet outil mis en place pour les victimes de violences conjugales qui permet d'alerter les secours très rapidement, en appuyant sur une seule touche.
Rapidement ouverte, l’enquête avait révélé une série de manquements et de défaillances dans ce dossier. Conséquence du rapport d'inspection diligenté par la garde des Sceaux et le ministre de l’Intérieur, le gouvernement avait promis la mise en place de 3.000 téléphones. “On les attend toujours !”, dénonce Naïma Charaï.
Depuis mai 2021, le tribunal de Bordeaux est passé de 27 à 117 téléphones. “Nous devrions en avoir au moins 300 au regard de la démographie du département”, regrette la directrice de l’Apafed.
Un “électrochoc” pour les avocats
Du côté des avocats, le féminicide de Chahinez Daoud a été vécu comme un “électrochoc”, selon Christine Maze, bâtonnière du Barreau de Bordeaux. “Depuis un an, nous essayons de coordonner l’ensemble des acteurs : judiciaires, étatiques, policiers, associatifs. Maintenir ce maillon d’intervenants est essentiel pour éviter un classement sans suite.”
Selon la bâtonnière, la qualité de la prise en charge par les gendarmes et les policiers des plaintes déposées par les femmes victimes de violences conjugales a progressé dans le bon sens. “Avant ce drame, nos clientes revenaient en nous disant que leur plainte n’avait pas été prise ou n’était pas assez considérée ! Aujourd’hui, elles sont automatiquement prises. Il y a une prise de conscience pour accueillir la parole des victimes.”
Selon le parquet de Bordeaux, 3.289 plaintes ont été déposées en 2021 contre 1.988 en 2019.
“La justice doit aller plus vite"
Mais il faut aller plus loin. Pour éviter d’autres féminicides, “la justice doit aller plus vite, elle doit être plus efficace”, martèle la bâtonnière. “Il faut impérativement que le gouvernement mette les moyens sur ce sujet.”
Selon Frédérique Porterie, procureure de la République de Bordeaux interviewée par nos confrères de France Bleu Gironde, la hausse des moyens alloués aux Parquets a permis de nommer une juriste assistante au Parquet de Bordeaux, qui travaille "auprès de l'ensemble des magistrats du parquet pour faire une évaluation à 360 degrés de toutes les situations qui sont portées à notre connaissance”.
Au sein de la police, la Procureure confirme la création “d'unités spécialisées en matière de violences conjugales dans chacune des divisions de la Direction départementale de la sécurité publique. Une cellule spécialisée dans les violences conjugales a également été créée au sein de la sûreté départementale”, toujours citée par nos confrères de France Bleu Gironde.
S'inspirer du modèle espagnol
De leur côté, les associations demandent à l’État de s'inspirer de l’Espagne, où des tribunaux spécialisés pour traiter ce type de violences sont mis en place. Le nombre de féminicides a baissé de 25% depuis 2004. “Nous demandons que le Parquet de Bordeaux puisse être un Parquet expérimental sur une justice spécialisée avec des magistrats formés pour prévenir les violences conjugales", insiste Naïma Charaï.
Selon le Parquet de Bordeaux, cité par nos confrères de France Bleu Gironde, l’instruction du féminicide de Chahinez Daoud est “toujours en cours”. La date du procès devant la Cour d'Assises n’est pas encore connue.
Voir le reportage de Julie Chapman et Sylvie Tusq-Mounet