Alors qu'une réforme de la collecte des déchets en Haute-Gironde et dans le Libournais doit s'appliquer à partir du 1er octobre 2023, le collectif "Touche pas à mes poubelles" organise une manifestation samedi 10 juin à Saint-André-de-Cubzac, en guise de protestation. L'une des mesures de cette réforme, la suppression du ramassage des poubelles en porte-à-porte, suscite de vives inquiétudes.
« La situation est ubuesque, c'est du délire. On va droit dans le mur », s'emballe Arnaud Bobet. L'un des fondateurs du collectif "Touche pas à mes poubelles" et conseiller municipal d'opposition à Saint-André-de-Cubzac, proche de la droite, est remonté.
En cause : la réforme de la collecte des déchets dans le Libournais et la Haute-Gironde. Le syndicat mixte intercommunal de collecte et de valorisation des déchets ménagers du Libournais-Haute Gironde (SMICVAL) souhaite l'appliquer à partir du 1er octobre 2023.
Plus de poubelles individuelles mais des bacs collectifs d'ici à 2025
Une mesure en particulier cristallise les tensions : celle de la suppression du ramassage des poubelles en porte-en-porte. Les usagers devront ainsi déposer eux-mêmes leurs ordures ménagères, leurs déchets recyclables, le verre et les matières organiques dans des bacs collectifs. D'ici à 2025, 200 000 habitants de 138 communes sont concernés.
Votée en septembre 2022, la réforme a été pensée afin de limiter les coûts liées à la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) et à l'enfouissement des déchets. Elle permettrait ainsi de limiter ces coûts, amenés à être multipliés par quatre d'ici à 2025, selon le SMICVAL.
Manifestation à Saint-André-de-Cubzac
Pour protester contre cette mesure, le collectif "Touche pas à mes poubelles" organise une manifestation ce samedi 10 juin à 14h30, à Saint-André-de-Cubzac. "Les gens sont dans l'incompréhension et la colère. Nous souhaitons démontrer au SMICVAL que la population ne veut pas de cette réforme", souligne Arnaud Bobet. Le collectif réunit par ailleurs cinq associations et représente 2 500 personnes.
Selon lui, le syndicat n'avance que des arguments financiers alors que les conséquences sociales, écologiques et sanitaires sont aussi à prendre en compte. "Comment vont faire les personnes âgées ou à mobilité réduite qui ne peuvent pas se déplacer ? Et ceux qui devront prendre la voiture pour aller déposer leurs ordures ? Le service public va être transféré sur les ménages et cela va peser sur les plus modestes", fulmine-t-il.
Une mesure « absurde »
Un avis partagé par le maire de Coutras, Jérôme Cosnard, sans étiquette politique, qui considère la mesure "absurde". Pourtant, sa commune dispose déjà de ces bacs collectifs, appelés "points d'apport volontaires", situés dans l'hypercentre. "Justement, on en connaît les conséquences. Cela rend le quotidien plus complexe, surtout pour les personnes à mobilité réduite, et la plupart du temps, les gens prennent ces poubelles pour une déchetterie. Pour garder l'endroit propre, il faut payer un service supplémentaire", explique-t-il.
Même si Jérôme Cosnard reconnaît que le SMICVAL a mis en lumière la question majeure des déchets, il reste opposé à cette réforme. "On ne va pas régler la question des déchets en diminuant le service public et en contraignant le contribuable, tout en mettant des personnes à l'écart" , déplore-t-il.
Le SMICVAL répond aux critiques
Alors que la réforme est critiquée pour avoir été bâclée et non soumis à une consultation publique selon ses détracteurs, le président du SMICVAL, Sylvain Guinaudie, affirme qu'elle est le fruit d'une réflexion de deux ans et qu'un panel citoyen a été mis en place, constitué d'un groupe significatif d'habitants.
"Une plateforme internet de consultation a également été créée, appelée SMICVAL citoyen, et un envoi de questionnaires papier et en ligne a été effectué vers 90 000 foyers. Nous avons reçu 10 000 réponses au total", assure Sylvain Guinaudie.
Surtout, un argument ne passe plus aux yeux du président du syndicat : celui des personnes à mobilité réduite, que la réforme laisserait pour compte. "Les personnes isolées, âgées ou/et à mobilité réduite seront identifiés en partenariat avec les maires des communes. Nous fournirons un service sur mesure, au cas par cas. Les agents qui étaient auparavant ripeurs s'occuperont d'aller apporter les déchets de ces personnes dans les points d'apport volontaires", affirme-t-il.
Je trouve cela indécent de venir pointer du doigt le problème que peut poser les déchets pour les personnes âgées, alors que pour d'autres sujets, personne ne s'en préoccupe.
Sylvain Guinaudie, président du SMICVALFrance 3 Aquitaine, rédaction WEB
Une polémique transformée en "débat politicien"
"La polémique autour de ce sujet est devenue un débat politicien. On cherche à manipuler les esprits", estime M. Guinaudie, ajoutant que cette mesure existe déjà dans 20% des communes françaises et que cela fonctionne.
Sylvain Guinaudie tient également à recontextualiser la réforme : "Le monde du déchet va être transformé complètement d'ici à 5 ans, avec de plus en plus d'obligations réglementaires qui génèrent des dépenses supplémentaires et mon rôle est de protéger les ménages d'une évolution de coût qui serait insupportable. Si on continue comme ça, la facture pourrait augmenter de 30 à 50 euros par mois et par foyer", affirme-t-il.
De nouveaux services pour réduire ses déchets
De plus, le président du syndicat explique que cette réforme permettra de développer de nouveaux services qui tendent à aider la population à réduire ses déchets et ainsi à conduire vers une transition écologique. "Nous allons proposer un service de lavage pour les couches, un système de consignes pour les contenants ou encore des aides pour acheter des protections mensuelles lavables", détaille-t-il.
Enfin, alors qu'un point d'apport volontaire sera installé pour 100 à 150 habitants, des bacs collectifs pour récolter de la matière organique seront quant à eux deux fois plus nombreux. "L'idée est encore une fois de réduire ses déchets et de créer une économie circulaire. Nos épluchures de fruits et légumes seront récupérées pour être transformées en compost, et cet engrais sera mis à disposition des maraîchers", développe-t-il.
Un mécontentement qui fait écho à celui en Dordogne
Pourtant, en Dordogne, la suppression du ramassage des poubelles en porte-en-porte et la nouvelle redevance incitative ont également fait polémique. L'émission Envoyé spécial diffusée sur France 2 avait même réalisé un reportage à ce sujet en janvier 2023, face à l'ampleur du mécontentement des habitants.
Pour l'heure, en Haute-Gironde et dans le Libournais, la redevance incitative ne sera pas appliquée avant 2027, a affirmé le président du SMICVAL.