Alors que la préfecture de la Gironde a demandé la fermeture des salles de sport et associatives, la mise en application de l'arrêté varie en fonction des communes. Entre prudence excessive et appels au bon sens, tous les acteurs s'inquiètent de l'arrêt total ou partiel de leurs activités.
"Chacun fait comme il peut. Ou plutôt, comme il croit bien faire." Avec ces quelques mots, Pierre Gachet, maire de Créon dans l'Entre-deux-mers résume assez bien le sentiment des élus girondins, mais aussi des responsables associatifs, confrontés à l'arrêté préfectoral du 25 septembre.Ce dernier arrive en complément de la décision annoncée par le ministre de la Santé Olivier Véran, concernant les zones dites "en état d'alerte renforcée". Certaines mesures, comme la fermeture des bars à 22 heures ne concernent que la métropole de Bordeaux. En revanche, l'arrêté indique bien que dans l'ensemble de la Gironde, "la mise à disposition à titre gracieux ou onéreux des ERP de type L pour les activités festives et associatives" est interdite.
Ces ERP, ou établissements recevant du public, sont les salles de réunion, de quartier, réservées aux associations, les salles de spectacles ou de conférences, ou encore les salles polyvalentes à dominante sportive.
#COVID19 La préfète de la #Gironde Fabienne BUCCIO a précisé les nouvelles mesures qui entrent en vigueur dans le département afin d’endiguer la progression du virus.
— Préfète de la Nouvelle-Aquitaine et de la Gironde (@PrefAquitaine33) September 25, 2020
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Cours d'échec à l'école
L'arrêté signe donc la suspension de nombreuses activités culturelles et sportives, gérées par les associations. Et c'est là que le casse-tête des élus a commencé. "Nous avons fermé le studio de l'école de danse, explique Pierre Gachet, même si les professeurs peuvent toujours s'y rendre pour réaliser des vidéos à l'intention de leurs élèves". L'école de musique de la commune de 4 700 habitants en revanche est restée ouverte, et suit un protocole strict. "J'ai estimé qu'il n'y avait pas de risque majeur", ajoute l'élu.Si les associations ne peuvent plus accueillir du public dans les locaux communaux mis à leur disposition, certains entraînements du club d'échec créonnais, dispensés dans une école de la commune et non dans une salle municipale, sont maintenus. "On va dire que ce qui n'est pas interdit est autorisé, mais c'est vrai que le mode d'emploi est complexe. Nous devons jouer un numéro d'équilibristes", reconnaît Pierre Gachet.
"C'est la mort du monde associatif"
Si la Gironde est en alerte renforcée, c'est sur la métropole que ce concentrent l'immense majorité des cas. D'où l'incompréhension d'une partie du monde rural et un sentiment de devoir payer injustement l'addition.Laurence Beau est professeure de formation musicale et cheffe de chœur dans plusieurs écoles de musique de l'Entre-deux-mers, fermées jusqu'au 10 octobre. Elle rappelle les difficultés d'accès de ses élèves aux cours via visioconférence, dans des zones disposant d'une connexion Internet hasardeuse, accentuant un sentiment d'inégalité. "Les maires ont sorti le parapluie par précaution. Le monde rural se sentait déjà abandonné, mais si on nous enlève la culture, que va-t-il nous rester ?", s'interroge-t-elle.
Les associations ont investi beaucoup de moyens humains et d'argent pour respecter les protocoles. Elles ont acheté des lingettes, des masques, du gel, font en sorte que la distanciation soit respectée… Cet arrêt des activités, c'est vécu comme une punition. C'est la mort du monde associatif.
Des pré-inscriptions en suspens
Ces associations pourront-elle surmonter cette crise sanitaire ? L'inquiétude est réelle, pour des structures qui se remettaient tout juste du confinement. "Notre activité était très bien repartie, réagit Fabrice Moreau, directeur de la MJC de Bruges dans l'agglomération bordelaise, fermée au public. Tous nos cours étaient quasiment pleins, cette annonce a été un coup de massue". Un coup d'autant plus violent que l'annonce est intervenue pendant la période des cours d'essais et des pré-inscriptions. Nombreux sont les adhérents qui n'ont pas encore versé leur cotisation, et qui, au vu des restrictions imposées, hésitent désormais à s'engager.Difficultés financières
Ici encore, la mise en application des décisions préfectorales dépend de la mairie. A la MJC de Mérignac, toujours dans l'agglomération bordelaise, les activités ont été maintenues, mais pour les mineurs uniquement. "Nous comptons 9 MJC dans les département, et la plupart ont suspendu leurs activités, précise Olivia Cauet, coordinatrice de l'union départementale des MJC de Gironde. Pour autant, la situation n'est la même que pendant le confinement. Les équipes continuent de travailler, d'assurer l'accueil du public".Pour combien de temps encore ? Tous craignent une prolongation de l'arrêté au-delà des quinze jours annoncés par la préfète. "Le monde associatif fonctionne à flux tendu depuis une vingtaine d'années, nous n'avons pas de fonds de trésorerie", rappelle Olivia Cauet.
Les studios de yoga bravent l'interdiction
Le texte préfectoral a aussi marqué le coup d'arrêt pour les salles de sport et les gymnases. Sur la métropole bordelaise, plusieurs studios de yoga ont organisé une résistance, ou plutôt, une solution alternative. Sept centres se sont accordés pour continuer de proposer des cours à leurs élèves, tout en respectant le protocole. "Les annonces d'Olivier Véran s'appuyaient sur le fait qu'il était impossible de faire du sport en portant un masque. Nous avons ensemble fait un travail pour adapter la pratique au port du masque. Nous avons aussi du gel hydroalcoolique, les participants amènent leur propre matériel, nous avons limité notre capacité d'accueil", énumère Séverine Hermany, responsable du Satnam club à Bordeaux. Nous savons également qui est présent et quand, ce qui nous permet de tenir une traçabilité".
"On a bon espoir de trouver une solution, métier par métier"
Depuis lundi, des cours sont toujours dispensés dans son club et une lettre ouverte a été envoyée à tous les adeptes afin de leur expliquer la démarche. "Nous avons reçu des messages de soutien, mais nous avons aussi été dénoncés. Depuis lundi, la police est déjà venue nous voir à trois reprises, assure Séverine Hermany. Ils ont pu constater que nous respectons parfaitement les règles sanitaires".Avec les autres responsables de studio, Séverine Hermany a demandé un rendez-vous à la préfecture, et espère que d'autres acteurs du monde sportif ou culturel suivront le mouvement: "On a bon espoir de trouver une solution afin que métier par métier, on puisse à la fois continuer d'offrir un service et maintenir notre économie".