Mille arbres et arbustes fruitiers autant d'arbres compagnons. David Lecoufle voit grand. Cet ingénieur change radicalement de vie. Après 15 ans à voyager et travailler à l'étranger, il veut créer un écolieu à Aillas, en Gironde. Un verger diversifié à la campagne, qui favorise les rencontres.
"C'est un changement de vie, un changement de milieu, un changement de travail" résume David Lecoufle. Cet ingénieur conseil en énergie photovoltaïque a exercé son métier "au coin du monde". A 40 ans, avec sa femme et ses deux garçons âgés de 4 et 8 ans, il décide de s'ancrer localement et de "s'engager dans le bien produire et le bien manger".
"Le point de départ ? L'écoanxiété face à la situation actuelle" se souvient-il. "On voulait l'autonome alimentaire. Etre capable de produire ce qu'on mange, grâce à la permaculture".
13 hectares à Aillas
Il cherchait un hectare de terre. Mais il a eu un coup de cœur pour un terrain treize fois plus étendu. "On a flashé quand on l'a visité" s'enthousiasme David. Situé à Aillas, entre Langon et Bazas, le lieu offrait "une vue de fou, une prairie boisée en pente avec la forêt en arrière plan". Il possédait surtout trois bâtiments sains. Or, "on hésitait à ouvrir une ferme participative qui crée de l'échange et de la coopération"
Le projet évolue. Il n'est plus question de nourrir uniquement sa famille mais de participer à l'alimentation du département. David décide de passer son brevet professionnel de responsable d'exploitation agricole, et présente une étude de marché que la chambre d'agriculture valide.
Pendant un an, il débroussaille, rénove le bâti. Il fait appel aux woofeurs, des étudiants en année de césure ou des salariés en reconvention qui viennent lui prêter main forte en échange du gîte et du couvert. Le succès est tel qu'aujourd'hui, il refuse deux demandes sur trois.
Grâce à leur aide, en novembre dernier, 1000 arbres et arbustes fruitiers sont plantés. David Lecoufle défend l'agriculture régénératrice qui n'appauvrit pas le sol mais, au contraire, l'enrichit sans avoir recours aux intrants.
Mille saules, peupliers et sureaux feront office d'arbres compagnons. Leurs branches seront régulièrement coupées et se décomposeront naturellement.
une agriculture régénératrice
Des poules pondeuses, elles aussi, contribuent à ce cercle vertueux. Leur poulailler est déplacé régulièrement. En picorant la prairie, elles bénéficient d'une alimentation naturelle et elles produisent des œufs sains. Grâce à leurs fientes riches en azote, le sol est nourri, l'herbe pousse plus drue. Elle sert ensuite de paillage aux arbres fruitiers.
La diversité comme dans la nature
David Lecoufle prône aussi la diversité et veut s'inspirer de la nature où la monoculture n'existe pas.
Selon Antoine Dragon d'Agrobio, c'est un atout : "cette diversité permet d'être plus résilient. Si une production ne donne pas une année parce qu'il y a eu un épisode de gel, une autre, elle, compensera".
Dans le verger d'Aillas, trente espèces ont été sélectionnées Des fruits connus : fraises, framboises, cassis, groseille. D'autres moins comme le kaki, la grenade, le Feijoa, une petite goyave originaire du Brésil. David Lecoufle ose même le nashi, un fruit originaire d'Asie qui ressemble à une pomme avec un goût de poire.
Chacune de ces espèces s'acclimate très bien dans la région.
Malgré le coup de gel début avril, de nouvelles feuilles sont apparues sur les arbustes touchés quelques semaines plus tard.
En revanche, David Lecoufle fait un pari sur la noix de Pecan, plus répandue en Amérique du Nord et table sur le réchauffement climatique.
Des espèces choisies pour le goût, leur culture facile sans taille ni traitement et leur quasi inexistence sur le marché local, dominé par le kiwi, la pêche, la prune et la pomme. Leur production s'échelonnera sur huit mois de l'année.
Les premières récoltes sont attendues au printemps prochain. Les clients pourront les acheter directement à la ferme ou les cueillir eux-mêmes. David Lecoufle vise aussi les AMAP bordelaises à une heure de route et, à terme, les supermarchés biologiques locaux.
Il espère dégager un salaire en 2024, un autre pour sa femme dans dix ans. L'un comme l'autre ont gardé leur emploi pour l'instant. La production visée pour atteindre la rentabilité est de 20 tonnes de fruits par an.
Selon Olivier Chapoulie, responsable du service installation à la chambre d'Agriculture de la Gironde, "un tel projet qui mélange des espèces fruitières de diverses origines est rare. Il n'y a peu de recul sur sa viabilité mais la réflexion est intéressante et aboutie".
David Lecoufle veut aussi partager, échanger. Il accueille régulièrement du public scolaire, des agriculteurs en reconvention. La semaine prochaine, il lance une opération portes ouvertes.