C'est "la guerre des terres". L’accès au foncier est un sujet très sensible dans nos campagnes. À tel point que des pressions peuvent être exercées sur certains exploitants, notamment de petites et moyennes fermes. C’est ce qui vient d’arriver à une éleveuse bio de Louargat dans les Côtes d’Armor. Témoignage.
Son témoignage fait froid dans le dos : "Alors que je sortais mes brebis sur la parcelle, j'ai vu un tracteur rentrer et commencer à retourner ma prairie. Je crains de nouveaux saccages", raconte Sorya Sébille, éleveuse de moutons à Louargat. L’herbe a repoussé depuis septembre mais la parcelle porte encore les marques de cette intrusion.
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Un contrat parfaitement légal
L'éleveuse a pourtant bien signé en mars dernier un bail pour louer 6 hectares de terres attenantes à sa bergerie. Un contrat parfaitement légal mais contesté par un agriculteur concurrent, qui a décidé de passer à la manière forte. "J'ai payé mon fermage et la DDTM (Direction départementale des territoires et de la mer) confirme que je suis bien autorisée à exploiter ces 6 hectares. Je suis à jour de tout, c'est ce qui me donne envie de me défendre aujourd'hui. J'en ai marre de vivre avec ces menaces et intimidations au quotidien", poursuit-elle.
Je suis à jour de tout, c'est ce qui me donne envie de me défendre aujourd'hui. J'en ai marre de vivre avec ces menaces et intimidations au quotidien.
Sorya SébilleEleveuse de moutons à Louargat (22)
La jeune femme ne compte pas en rester là : "J'ai envie de communiquer sur ce qui m'arrive car je n'ai surtout pas envie que cela arrive à d'autres personnes qui seraient en situation plus difficile que moi", tient-elle à ajouter.
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Manifestation de soutien
C’est pour dénoncer ces actes et réaffirmer le droit de Sorya à exploiter ces 6 hectares qu’une manifestation de soutien s’est tenue mardi 26 novembre. Histoire de ne pas l’abandonner dans l’épreuve qu’elle traverse : "C’est nécessaire parce qu'elle se retrouvait seule face à des gens sans limites. Ils sont même venus travailler sa parcelle ! C'est aussi une manière de montrer à d'autres qui subissent ces pressions qu'il est possible de réagir et d'inverser la pression", souligne Cécile Thomas de la Confédération Paysanne.
Quand on voit l'histoire de Sorya et que tout a été fait et bien fait, nous on ne laissera pas passer. Donc on la soutiendra, de façon à ce que la campagne ne devienne pas un western.
Yann ChéritelGroupement des Agriculteurs Biologiques 22
Avec en prime la volonté de condamner ce qui s’apparente à des méthodes de cow-boys : "Sur le foncier, il y a toujours une grosse pression. Dire qu'il y a de plus en plus de problèmes, ça je ne sais pas. En tout cas, quand on voit l'histoire de Sorya et que tout a été fait et bien fait, nous on ne laissera pas passer. Donc on soutiendra son projet et tous les autres qui cherchent à faire les choses bien, de façon équitable, de façon à ce que la campagne ne devienne pas un western", conclut Yann Chéritel du Groupement des Agriculteurs Biologiques des Côtes d'Armor.
Une plainte a été déposée en gendarmerie. En attendant qu’elle soit traitée, ses amis ont labouré symboliquement la parcelle vandalisée, pour rappeler simplement que Sorya était bien chez elle.
(Avec Fabrice Leroy)