C'est un meuble qui trônait autant dans les fermes limousines que dans les ateliers d'artistes parisiens : le fauteuil limousin est aujourd'hui menacé d'extinction. Le designer Alain Dupasquier s'est donné pour mission de sauvegarder ce savoir-faire unique.
Il y a quelques décennies, dans le Sud-Ouest de la Haute-Vienne, on fabriquait encore ce mobilier ancestral.
Laure Dangla est chargée de mission forêt au PNR Périgord-Limousin : “Ce n'était pas un métier, c’était un travail que chacun savait faire et qu’on faisait le soir, le week-end, l’hiver plus particulièrement.”
Ensuite, quelques vanniers en ont fait leur profession, notamment en fabriquant ces fauteuils, parfois appelés fauteuils "Corbusier".
C’est sa compagne qui est venue en Limousin, qui a vu ces fauteuils, qui les a remontés à Paris dans le domaine artistique. Tous les artistes de l’époque avaient un ou deux fauteuils dans leur atelier.
Alain DupasquierFabricant de meubles à Aixe-sur-Vienne (87)
Aujourd’hui, pour fabriquer ces sièges limousins, on ne compte plus qu’une petite entreprise, et les patrons souhaitent transmettre ce savoir-faire. Pas assez pour répondre à la très forte demande nationale et internationale. "C'est sur un savoir-faire qui utilise du bois naturellement imputrescible. Ce sont des produits sans traitement chimique, de grande qualité, très durables, tout à fait dans l’air du temps." explique Laure Dangla.
C’est pour cela qu’Alain Dupasquier, créateur de meubles design en châtaignier, a décidé de monter un second atelier, uniquement dédié à ce fauteuil : “Personne n’a été formé pour faire en sorte que ça continue. Donc l’idée principale c’est de continuer à fabriquer le fauteuil limousin."
Ici depuis peu, Isabelle et Stéphanie sont en stage. Stéphanie, ancienne assistante sociale, est en reconversion. “C’est une réalisation zéro-déchet avec des produits locaux, ça a beaucoup de sens pour moi”.
Je suis tourneuse sur bois et pour moi c’était l’occasion d’acquérir de nouvelles compétences, des gestes que je ne maîtrise pas aujourd’hui.
IsabelleTourneuse sur bois
Quant à ce menuisier indépendant, il est venu donner un coup de main : “Etant donné que le bois a cuit pendant un certain temps, il est très flexible, du coup en forçant peu on arrive à le cintrer."
Les armatures à cintrer sont faites avec ces gaulettes, sélectionnées en forêt par Cyril Dupré, feuillardier à Pageas en Haute-Vienne.
La gaulette c’est quand le châtaignier de plein pied est coupé, il y a un rejet qui repousse. Ce rejet-là au bout de quatre ans on l’appelle gaulette, et on peut l’utiliser.
Cyril DupréFeuillardier à Pageas
Étonnant : cette fabrication de fauteuils en clisses de châtaignier n’a fait l’objet d’aucun écrit pédagogique, d’aucune formation homologuée. Alain Dupasquier projette d’y remédier. “L’idée c’est d’avoir un document écrit, très technique, pour aider à fabriquer le fauteuil. Il faut partir de la coupe du bois jusqu’à la fabrication finale. On est sur entre 5 et 10 ans pour faire en sorte que ça ne se perde pas, et on est en passe de réussir.”
Pour transmettre ce savoir-faire, avec le parc naturel et d’autres professionnels, il place son espoir dans un projet d’atelier de formation au Mas Nadaud, à Pageas. Une réponse sur la faisabilité du projet sera connue dans quelques semaines.