BIO : les difficultés de la filière en Limousin

Après plus de 10 de croissance à deux chiffres (entre 18 et 20%), la filière bio semble marquer le pas, voire affronter sa première décroissance. La consommation est en baisse significative ces derniers mois. Les acteurs s’en inquiètent, au premier rang desquels les agriculteurs.

Pascal Babaudou cultive des pommes sur 12 hectares. Pour la première fois depuis sa conversion en bio, il constate un recul de 5 à 7 % de la demande. Si la vente directe se maintient, c'est le débouché des supermarchés qui pose problème. Dans leur quête effrénée d'afficher des prix bas, le bio n'a plus la cote. 

"Ce qui est regrettable, c'est que la grande distribution a un pouvoir assez important pour permettre, ou pas, de consommer. À l'heure actuelle, ils sont plutôt en train de diminuer les linéaires de produits bio, ce qui fait que ça n'incite pas à la consommation de bio", déplore le pomiculteur.

Sur l’autre partie de l’exploitation, son frère Philippe vient de convertir l’élevage de Limousines en biologique. Conversion qui s’accompagne habituellement d’une hausse des prix de vente de 10 à 20%. Problème, cette hausse de la rentabilité n’est pas au rendez-vous.

Philippe est contraint de vendre une partie de sa production dans le circuit conventionnel. 

"À l'heure actuelle, je vends mes vaches presque au même prix dans la filière classique non bio, alors que mes coûts de production ont augmenté pour satisfaire aux contraintes du label bio. Les consommateurs bio mangent de la viande de bonne qualité, mais n'en achètent pas beaucoup. Ajoutez à cela des difficultés de la filière à s'organiser. La consommation en viande bio et en bio en général subit donc une baisse importante". 

Une baisse de 2,5% en 2022. Frappé par la hausse des coûts de production, le marché bio souffre de prix de vente plus élevés. Les consommateurs surveillent leurs dépenses et boudent ces produits.

Concurrence (déloyale ?) des autres labels

Des consommateurs également plongés dans la confusion avec l’apparition de nouveaux labels.

"On se retrouve depuis un peu plus d'un an avec une grosse concurrence. D'abord avec le local qui, grâce au Covid a vraiment pris de la place. L'autre élément, c'est la concurrence des pseudos labels, HVE, zéro pesticide. Cette concurrence et la communication vraiment très forte qui est là depuis deux trois ans maintenant nous inquiètent. Ils prônent des efficiences environnementales qui sont bien loin des critères de contrôle de la Bio et qui créent la confusion au niveau du consommateur. Ce sont des démarches de progrès, mais elles font penser au consommateur qu'acheter local, HVE et zéro pesticide, c'est mieux que Bio. Or, dans la réalité des choses, le seul label environnemental contrôlé et global qui garantit une sécurité alimentaire, c'est le label Bio", s'agace Philippe Leymat, président d'Interbio Nouvelle Aquitaine. 

À noter que le label HVE a été attaqué le 26 janvier 2023 devant le conseil d'Etat par des associations de consommateurs et de défenseurs de l'environnement. Motif de la plainte ? Ce label induirait une tromperie pour le consommateur. Il laisse penser que ses produits sont bons pour l'environnement alors que certains pesticides restent autorisés. 

La restauration scolaire à la rescousse ?

Quelles solutions ? La restauration scolaire est un débouché essentiel. La loi Egalim impose désormais 20 % de bio dans les cantines. Rien que pour la Haute-Vienne, les 30 collèges, c’est 12.000 demi-pensionnaires, et 1.5 million de repas par an.

Le Conseil départemental a consenti un effort significatif l’an dernier pour augmenter la part du bio. Au sein du collège de Couzeix par exemple, les cuisines ont bien changé ces dix dernières années. Plus question désormais d'ouvrir des boites de repas préparés. La plus grande partie de ce que les collégiens mangent est élaboré sur place, produit localement et souvent bio. À tel point que l'établissement vient de décrocher sa deuxième fourchette, indiquant qu'il utilise 35 à 60 % de bio.

"En 2022, nous étions à 18,2 % de produits bio dans nos repas alors qu'en 2021 nous étions à peine à 8 % donc une très nette progression entre 2021 et 2022. On atteint les objectifs qu'on s'est fixés. On ne souhaiterait pas s'arrêter là, mais il y a des conséquences et des répercussions financières dans tout cela. L'augmentation des prix des denrées alimentaires et du bio en particulier nous touche de plein fouet ". 

Avec l’inflation, c’est en effet un effort financier important pour la collectivité. Début février, le budget consacré au bio a été porté à 200 000 euros (au lieu de 70.000 en 2021). La délibération adoptée début février 2023 comporte également des incitations financières pour les établissements en fonction du pourcentage de bio utilisé. 

La proportion de bio devrait ainsi continuer à progresser dans les prochaines années et assurer la pérennité de la filière.

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