Après un certain engouement lors du confinement qui s'expliquait par la volonté de consommer mieux et local, les achats de produits bio semblent stagner. Le pouvoir d'achat est-il le seul responsable de l'infléchissement de cette tendance.
Pauline Lager est inquiète. Ces derniers temps, les clients se font rares dans son épicerie bio. Installée à Bayonne depuis 2009, la commerçante observe une chute vertigineuse de ses ventes, de 30 %. A tel point qu'elle peine aujourd'hui à payer ses fournisseurs. " Il y a eu un gros engouement pour le bio pendant le Covid. Les gens ne pouvaient pas sortir, à part pour aller faire les courses, et avaient plaisir à cuisiner. Et puis ça s'est dissipé quand le confinement s'est arrêté", analyse-t-elle.
Pauline Lager n'est pas la seule à constater une baisse de l'engouement pour le bio. Après plusieurs années de croissance, la consommation de produits issus de l'agriculture biologique marque le pas au niveau national. Le dernier rapport de l'Agence Bio faisait état d'une baisse de 1,3 % sur l'année 2021 par rapport à 2020, tous secteurs de distribution confondus, hors restauration. En Nouvelle-Aquitaine, " nous n'avons pas de chiffres précis, mais la tendance est la même", observe Philippe Leymat, président de l'Interbio Nouvelle-Aquitaine.
Une tendance à la baisse en 2022
Si le déclin peut sembler peu significatif, cela reste un mauvais signal : c'est une première depuis 2010 pour ce marché qui bénéficiait jusqu'ici d'une croissance continue. À la fin octobre 2022, la baisse des ventes sur un an s'élevait à près de 5 % selon le spécialiste de l'analyse de données de consommation IRI. Un taux à prendre avec précaution, car tous les circuits de distribution ne sont pas représentés, notamment celui de la vente directe par les agriculteurs.
Mais comment expliquer cette tendance ? Il faut d'abord garder à l'esprit que la baisse de la consommation ne concerne pas uniquement le bio : le budget alimentaire a diminué de façon globale. " On constate une baisse, comme tous les magasins. C'est en dent de scie, donc ça peut aller entre 10 et 15 %", témoigne de son côté Xavier, gérant d'une boutique de produits bio à Urrugne, dans le Pays Basque.
En cause notamment, l'inflation galopante. " Le bio, j'aimerais en consommer plus. Mais malheureusement, il y a une réalité économique qui fait que je ne peux pas tout acheter bio, mais j'essaie au maximum", explique une cliente de la boutique de Pauline. Elle explique avoir réduit la part de bio dans ses achats, " étant donné que tout a augmenté".
Les commerces spécialisés sont les premiers à subir les conséquences de cet arbitrage, surtout lorsqu'ils sont indépendants. Les grandes enseignes telles que Biocoop ou Naturalia sont en concurrence directe avec la grande distribution. " Celle-ci est positionnée sur le bio, mais aussi sur d'autres labels comme le zéro pesticide", souligne Philippe Leymat.
Convaincre des bienfaits du bio
Pourtant, les épiceries bio n'ont pas autant augmenté leurs prix que les grandes surfaces, assure Pauline. Laure Verdeau, directrice de l'Agence Bio, opine. " Le frein principal n’est pas le prix, il est plutôt en baisse d’année en année et là, il est assez stable", assure-t-elle. " On a remarqué que les prix des produits bio ont surtout peu augmenté en vente directe : les agriculteurs bio ont moins de frais supplémentaires liés à l'inflation que les agriculteurs conventionnels", note quant à elle la fédération d'agriculture biologique de Nouvelle-Aquitaine.
Selon les organisations dédiées, un important travail d'évangélisation reste à faire pour convaincre les Français des bienfaits du bio, tant sur la santé que pour l'environnement .
L'organisation a lancé une campagne de communication en ce sens. Car cette tendance à la baisse s'explique aussi, " par un déficit d'information du citoyen", formule Laure Verdeau.
"Au salon de l’Agriculture, des gens nous disaient : ah non, je ne mange pas bio, je suis carnivore. Il y en a qui me disent "on ne veut pas du bio, mais du local", alors que l'on peut faire les deux."
Laure VerdeauFrance 3 Aquitaine rédaction web
"Ça va dans le sens de l'histoire de consommer bio"
Si la tendance est aussi à la baisse pour l'année 2022, Laure Verdeau reste optimiste. " Ça va dans le sens de l’histoire de consommer bio. Ça engendre des bénéfices collectifs colossaux", appuie-t-elle. Même son de cloche pour Philippe Leymat d'interbio Nouvelle-Aquitaine : " On est relativement confiants, car on sent une prise de conscience durable chez les nouvelles générations."
D'autant que " les ventes de certains produits bio continuent de progresser comme le vin, la bière, ou certaines viandes bio", rappelle l'Agence Bio dans son dernier rapport.
Autre motif d'espoir : la Nouvelle-Aquitaine a été classée première- ex æquo avec le Centre-Val de Loire - au palmarès des régions " où il fait bon s'installer bio" en 2023, selon la Fédération nationale d'agriculture biologique. La région affiche son soutien aux agriculteurs bio, pour lesquels une aide de 16 millions d'euros a été débloquée pour l’année 2023.
(première publication de cet article le 20 janvier 2023)