Deux ans après le lancement du projet de ligne ferroviaire Bordeaux-Lyon, via Limoges et Guéret, les financements s'essoufflent. Le recours à un fonds d'investissement privé s'impose. On vous explique pourquoi.
La ligne Bordeaux-Lyon envisagée par la coopérative installée dans le Lot Railcoop, avec en Limousin trois arrêts à Limoges, Saint-Sulpice-Laurière et Guéret, a besoin de prendre une autre voie pour rester sur les rails.
Lancé en 2021, le projet prenait date pour une exploitation à l'été 2022, repoussée à décembre 2022 puis au printemps 2023 et enfin 2024 dans une version "plus modeste". Mais aujourd’hui, cette coopérative doit aussi changer de stratégie de financement.
La coopérative doit se tourner vers une recherche de fonds privés. Une décision pas facile à prendre, car Railcoop comme son nom l’indique, est une coopérative, qui revendique une éthique sociale et environnementale, pas trop portée donc sur une logique capitaliste. Sur les 15000 adhérents, on trouve beaucoup d’associations, des collectivités, des entreprises engagées… Ce n’était pas ce qu’elle voulait au début du projet. Juridiquement, ce n’est pas incompatible. Et puis, rien n’empêche Railcoop d’être stricte dans son cahier des charges de transition écologique.
Car la coopérative n'a pas vraiment le choix. Les huit millions d'euros qu'elle a, quand même, réussi à lever par un financement participatif et par les contributions de ses sociétaires ne suffisent pas. À titre d'exemple, rien que la licence d'exploitation d'entreprise ferroviaire et l'assurance qui va avec coûtent près d'un million d'euros. Il y a aussi l'achat et la rénovation des deux premières rames auprès de la SNCF et des cinq autres envisagées.
L'engagement financier des quatre régions concernées par le tracé (Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Grand-Est et Auvergne-Rhône-Alpes) a été longtemps espéré. La coopérative doit aujourd'hui y renoncer, même si l'Occitanie conserve un œil sur le projet. Quant aux banques, elles s'engagent si d'autres misent sur le projet, question de confiance et de garanties. Le frein psychologique de l'abandon de la ligne en 2014 par la SNCF, faute d'être reconnue rentable, est encore tenace. Sauf qu'à l'époque, le trajet d'un voyageur était subventionné à hauteur de 275€. Autre temps, autres moyens. Ce sont des rames rénovées de TER qui sont acquises par Railcoop et techniquement, le projet est viable. La licence d'entreprise ferroviaire obtenue, les discussions avec la SNCF se passent bien sur la coordination des créneaux de circulation, l'étude d'une compatibilité pertinente avec les passages des TER...
Le temps passé à espérer un engagement public explique à ce jour la décision tardive à se tourner vers une levée de fonds privée. Le lancement de la ligne voyageurs est à ce jour décalé pour la troisième fois et l'activité fret a dû être abandonnée, trop ambitieuse.
La ligne est-elle rentable pour des investisseurs privés ?
C’est toute la question. Il y a une réelle prise de risque avant d’espérer un retour sur investissement.
Deux allers-retours Limoges-Lyon par jour en cinq h à moins de 25-30€ environ (estimation sur une fourchette de prix entre 35 et 50€ sur la ligne Bordeaux/Lyon), ça intéresse du monde. C’est Orange qui le dit, les données de géolocalisation des abonnés sont le fondement de l’étude de marché de Railcoop. Le potentiel de clients serait donc bien là. Une complémentarité pertinente avec les horaires des TER pourrait également être étudiée.
Si on intègre notre positionnement tarifaire, entre 35 et 50€ la totalité du voyage Bordeaux/Lyon, on arrive à capter 0,36% du transport, ça représente un flux de 400.000 voyages à l’année.
Nicolas Debaisieux - Président du Conseil d'administration de la coopérative Railcoop
Sauf qu’il faudra du temps pour que de nouvelles habitudes de transport sur ce tracé s’installent.
Un fonds d’investissement se dit toutefois intéressé. Pour l’heure, c’est encore au conditionnel et tenu secret. Il s'agirait d'une petite structure européenne, qui a déjà une expérience dans le ferroviaire et qui se montrerait engagée sur la transition énergétique.
Reste à trouver le montage juridique. Pour protéger la coopérative et la licence d’exploitation, deux sociétés tampons indépendantes seraient créées. Deux SAS, des sociétés par actions simplifiées. L’une pour la commercialisation des billets, l’autre pour la rénovation des rames achetées à la SNCF (portage du matériel roulant). Un pari sur les gains après absorption du déficit.
Mais tout est actuellement à l'étude. Prochaine assemblée générale pour présenter ces nouvelles données aux sociétaires : le 7 octobre prochain.