Mort lente et douloureuse, cette enseigne continue de vendre des pièges à colle pour rongeurs

Plus de 18 000 signataires d'une pétition demandent au magasin Gamm Vert de Limoges de cesser de vendre des pièges à colle pour rongeurs. Jugés cruels par les associations de protection animale et interdits dans de nombreux pays, ces pièges à glu sont toujours autorisés en France. La jardinerie se retranche derrière la légalité de cette pratique.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

En circulant dans les rayons de la jardinerie Gamm Vert à Limoges, Léo ne s'attendait pas à trouver des pièges à colle pour rongeurs vendus pour quelques euros. Le trentenaire s'est revu quelques années auparavant. Alors qu'il était employé dans une épicerie, son patron avait utilisé les mêmes dispositifs pour se débarrasser des bestioles qui vivaient dans le magasin. "Lorsque j'arrivais le matin, je retrouvais les souris en train d'agoniser", raconte-t-il.

Le trentenaire avait convaincu son employeur de passer à une alternative non létale. Ils avaient installé un piège à trappe, "comme un petit tunnel", qui permettait de relâcher les souris dans la nature. "Ça me choque que cela existe encore en 2024... Cela devrait être interdit", déplore Léo. Le Haut-Viennois a donc décidé de lancer, il y a une quinzaine de jours, une pétition pour demander à Gamm Vert de cesser la vente de ces articles.

Mort lente et douloureuse

Vendus à côté des tapettes et des appâts garantis "très appétents", les systèmes à colle sont considérés comme les plus cruels. Une fois posés sur le piège, les rongeurs ne peuvent plus s'en dépêtrer. Certains finissent par s'arracher les poils et la peau pour tenter de se libérer. La plupart d'entre eux meurent étouffés lorsque leur museau se prend dans la colle, après de longues heures de supplice.

Dans la plupart des magasins Gamm Vert, comme ici à Limoges, les pièges à glu sont proposés aux clients comme une solution économique contre les rongeurs. © Léo

Plus de 18 000 personnes ont signé la pétition de Léo soutenue par l'association nationale Projet Animaux Zoopolis (PAZ). "C'est immonde ! On peut dire qu'on sait faire preuve d'ingéniosité en matière de cruauté", écrit Olivier, l'un des signataires. "Sans cesse, nous parlons de la protection animale et de leur bien-être. Évoluez un peu ! C'est tellement lâche ! Quelle méchanceté gratuite !", renchérit une autre, qui a décidé, comme Léo, de boycotter l'enseigne.

Une pratique légale 

Malgré la contestation, Gamm Vert n'a pas l'intention de retirer les produits de ses étals puisque "leur commercialisation est autorisée par la loi""Nous prenons note que cela peut susciter de l'émotion, mais nous agissons en conformité avec toutes les réglementations en vigueur", indique la communication du groupe Teract, qui détient les magasins Gamm Vert et Jardiland, eux aussi régulièrement interpellés par des consommateurs à propos des pièges à colle.

Les infestations de rongeurs peuvent représenter un risque de santé publique et une cause de dommages. L’enseigne propose l’intégralité des solutions disponibles, qu'elles aient ou non une action létale sur le nuisible.

Responsable de la communication

Gamm Vert

Seuls les commerces franchisés pourraient décider de ne plus distribuer ces pièges. Les points de vente "intégrés", comme ils sont appelés, doivent en revanche appliquer la politique nationale. "On n'oblige pas les intégrés à vendre les pièges à colle, mais à continuer. Il n'y a pas de raison que cela change, car les produits sont conformes", ajoute le service communication de Gamm Vert. 

L'utilisation de piège à glu pour la chasse a été interdite en 2021, mais il est toujours possible d'acheter et d'utiliser le même type de dispositif pour capturer des rongeurs. © Léo

Des enseignes s'engagent

D'autres grandes enseignes de distribution, de jardinage ou de bricolage se sont pourtant déjà engagées à ne plus vendre de pièges à colle, souvent sous la contrainte des pétitions. En campagne depuis des années sur ce sujet, l'association PAZ réclame une proposition de loi sur la commercialisation, l'utilisation et la fabrication des pièges à colle pour rongeurs. Plus efficace pour faire plier les derniers vendeurs récalcitrants. "Il n'y a pas que les jardineries, il y a aussi les hypermarchés, les commerces en ligne...", précise Amandine Sanvisens, co-fondatrice de PAZ.

On espère une proposition de loi sur les pièges à colle pour rongeurs en 2025. Ils sont déjà interdits dans de nombreux pays (Belgique, Islande, Espagne, Angleterre...). Certains états indiens ont aussi interdit leur fabrication.

Amandine Sanvisens

Co-fondatrice de PAZ

Comme le rappelle l'association PAZ, la chasse à la glu, qui fonctionne avec le même genre de dispositif pour attraper des oiseaux, a été définitivement abrogée par le Conseil d'État en 2023. Les associations dénonçaient depuis des décennies le caractère cruel et non sélectif de cette pratique : d'autres espèces que celle visée pouvaient se coller au piège.

LIRE AUSSI : La chasse à la glu jugée illégale par la cour de justice de l'Union Européenne (mars 2021). 

Les animaux sauvages moins bien protégés

En matière de protection animale, des efforts, voire des avancées, ont tout de même été réalisés par la France ces dernières années, selon Jean-Pierre Marguénaud, professeur agrégé de droit privé et sciences criminelles, spécialiste du droit animalier. Mais ils concernent principalement les animaux domestiques. Par exemple, depuis novembre 2021, la mise à mort d'un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité, peut être punie jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende. Rien pour les animaux sauvages.

Le Code pénal réprime la cruauté et les sévices graves envers les animaux domestiques, mais il y a une résistance à étendre cette protection aux animaux sauvages. Pour eux, les propositions ont toujours échoué.

Jean-Pierre Marguénaud

Spécialiste en droit animalier

Des oiseaux régulièrement englués

Sur le terrain, les associations de sauvetage des espèces sauvages sont les premières à constater les sévices qui leur sont causés, y compris avec les pièges à colle. Régulièrement, les centres de soins associatifs récupèrent des oiseaux, des hérissons ou même des écureuils englués. C'est le cas, par exemple, chez SOS Faune Sauvage à Verneuil-sur-Vienne. En janvier, des soigneurs ont passé plusieurs jours à retirer la colle du plumage d'un rouge-gorge trouvé en Corrèze.

"Les pièges à glu destinés aux rongeurs sont non sélectifs. Largement disponibles dans le commerce et bon marché, ils se révèlent extrêmement dangereux pour la faune sauvage, chaque année de très nombreux animaux s'y font prendre", alerte l'association. Si la présence d'un rongeur vient à gêner, l'association conseille de le capturer à l'aide d'une cage trappe et de le relâcher dans un milieu adapté où il pourra vivre. 

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer

Autour de vousNouvelle-Aquitaine

Vos dernières actualités

Toute l'information
en direct

À quoi ressemblait la vie des premiers habitants des "grands ensembles" ?

regarder