Ces dernières années le trafic de drogue s'intensifie en Haute-Vienne. Cette année, ce sont 105 kilos de cannabis qui ont été saisis sur le département. Si Limoges n'est pas encore dans une situation similaire à celle d'autres villes moyennes de France, le préfet de la Haute-Vienne indique faire de la lutte contre le narcotrafic l'une de ses préoccupations majeurs.
Le préfet de la Haute-Vienne, François Pesneau, nous a accordé une interview pour faire le point sur le trafic de drogue qui s'intensifie, ces dernières années, sur notre département. Ce trafic s'apparente, selon lui, au narcotrafic. "Ce n'est pas la Colombie", précise-t-il, mais il y a bien une situation de trafic avec une importation de produits du Maroc et des Pays-Bas.
Dans quelle situation le département est-il aujourd'hui ?
La situation évolue. On n’est pas parmi les départements les plus concernés, où la drogue circule le plus. En revanche, on est dans une phase vraisemblablement d’augmentation du trafic, même si c’est compliqué à objectiver. On est dans un département - un peu comme dans toutes les villes moyennes - qui est de plus en plus concerné par le phénomène.
Depuis quand le trafic augmente-t-il ?
On ne sait pas trop. Si on savait exactement combien de matière circule, on pourrait le dire, mais il n’est pas impensable de constater qu’on a de la marchandise en circulation. Chacun le voit au quotidien. De façon certaine, il y en a plus qu’il y a 10 ans et plus que l’année dernière ou il y a deux ans.
La DZ Mafia marseillaise a-t-elle une influence sur notre territoire ?
C’est difficile à savoir. On essaie de remonter évidemment les filières. Il faudrait regarder ce que donnent les enquêtes judiciaires mais on est plutôt sur un trafic d’abord local. Il n’en demeure pas moins que la marchandise provient de l’étranger par l’Espagne, par les Pays-Bas, plusieurs réseaux d’alimentation. Je n’ai pas d’éléments qui permettraient de dire ça (la présence de la DZ marseillaise ndlr).
Quels types de drogues circulent dans notre département ? Y a-t-il également des armes liées à ce trafic ?
Essentiellement du cannabis. Depuis le début de l’année, on a saisi plus de 100 kilos de résine de cannabis. On a d’autres drogues : de la cocaïne, de l’héroïne, du crack, mais c'est plus anecdotique, même si on a une petite percée de la cocaïne qu’on retrouve de façon plus régulière, en quantité faible, mais de façon assez régulière.
Difficile à voir (concernant les armes, ndlr.) Il n’y a rien de systématique. Il y a des armes qui circulent sans qu’on puisse voir une explosion, notamment dans les cités.
Quels quartiers de Limoges sont concernés par le trafic de drogue ?
Les points de deal répertoriés dans le département sont à Beaubreuil et au Val de l’Aurence. (…) Sur la Bastide et sur les Portes-ferrées, a priori, il y a un peu de circulation, mais elle est un peu plus anecdotique. Les points de deal qui existaient, notamment le dernier fermé au 38 Domnolet Lafarge, aux Portes-ferrées, est un point que par des techniques de harcèlement, on fait en sorte qu’ils ne soient pas rouverts.
(…) On a un phénomène un peu nouveau, "l’ubérisation du trafic" avec un dispositif mis en place par les dealeurs et les revendeurs qui consistent à ne plus tenir des points fixe avec des clients qui viennent, mais plutôt à réaliser des livraisons. Tout ça demande une mobilisation importante des forces de l’ordre pour les mettre en échec. On constate un phénomène de gens qui réalisent des livraisons à domicile ou sur des lieux comme à la place Carnot.
Les violences de ces dernières années sont-elles corrélées au trafic de drogue ?
Le trafic de drogue est un véritable fléau. Il génère de telles recettes et de tels enjeux financiers que les gens perdent tout sens commun et n’hésitent pas à en venir aux mains. Il y a des trafics qui se règlent dans la violence. C’est compliqué d’établir une liste, d’établir une augmentation de ces phénomènes, liée à l’augmentation du trafic de drogues, mais effectivement, on a une violence liée à ce trafic.
Quelles sont les solutions que vous allez apporter à cette situation ?
On a un plan d’action en trois axes. Le premier est de rompre le lien entre les acheteurs et les dealeurs. Le deuxième, c’est de démanteler les points de deal et le troisième, c'est de déstructurer les réseaux d’importation.
Sur le premier axe, rompre la relation entre les acheteurs et les dealeurs : on utilise l’amende forfaitaire délictuelle qui permet de mettre une sanction rapide sur l’acheteur, histoire de le dissuader. La sanction est immédiate, sachant qu’on est dans le domaine pénal - dans le passé tout cela était renvoyé au procureur. Pour le coup, la sanction n’était pas immédiate et rapide. Là, maintenant, on a une sanction rapide avec une amende de 200 euros, 150 euros si elle est réglée sur place. Ça, c’est pour rompre le lien avec l’acheteur.
Le démantèlement des points de deal est un dispositif de harcèlement. Les forces de police et de gendarmerie réalisent du harcèlement, sur ces points, par des passages extrêmement nombreux, que ce soit la BAC, la brigade des stups... Les services, régulièrement, viennent sur les points de deal pour troubler les trafics, le gêner, et ça, ça ennuie beaucoup les revendeurs.
La déstructuration des réseaux d’importation, pour le coup, ce sont des techniques modernes qui relèvent de l’ordre judiciaire sur lequel je ne m’étendrai pas.
Davantage d'effectifs policiers vont-ils être mis en place ?
Il y a des priorités qui sont données aux services, mais pas de renforts des services stricto sensu. Il faudra attendre de savoir quel est le sort réservé à la loi de finances pour savoir quels seront les effectifs l’année prochaine. Aujourd’hui, sur les effectifs alloués à Limoges, c’est plutôt la priorité du directeur de réallouer ses effectifs sur les objectifs de lutte contre le trafic, c’est ce que nous a demandé le ministre de l’Intérieur quand il nous a réunis le 14 novembre dernier.
Cette situation vous préoccupe-t-elle ?
C’est impossible de ne pas s'en préoccuper. On est face à un trafic. Ça génère une délinquance, de l’insécurité donc c’est la première de mes priorités, celle sur laquelle avec les forces de l’ordre, on travaille au quotidien. Il ne se passe pas une seule soirée, une seule journée, sans laquelle les forces de l’ordre n’interviennent pas sur un point de deal, sur un acheteur. On en est aujourd’hui à plus de 500 amendes forfaitaires délivrées sur le département. On a saisi 105 kilos de cannabis depuis le début de l’année.
Les zones rurales ne sont pas épargnées en Haute-Vienne ?
Il y a de la consommation. Le trafic tel qu’on l’entend, pour le coup le narcotrafic, pas le petit trafic, est un phénomène urbain. Peut-être à Saint-Junien, on peut avoir un sujet, mais c’est le seul endroit en plus de la partie de Limoges et de sa banlieue.