Alors que les coupes rases, les projets d'usine de pellets à Guéret et d'extension de la scierie Farges à Egletons échauffent les esprits sur l'exploitation de la forêt en Limousin, Dimanche en politique ouvre le débat : la forêt est-elle un bien privé, qui appartient à ses propriétaires ou est-elle un bien commun, dont dépend l'avenir de notre environnement ?
Benoît Rachez, directeur de la coopérative UNISYLVA, Bruno Doucet, de l'association CANOPEE, Philippe Brugère, président du PNR de Millevaches et Marc Deconchat, chercheur à l'INRAE ont échangé leur vision sur ce dossier.
Cette semaine encore, la mobilisation de riverains et d'associations n'a pas pu empêcher une coupe rase à Sornac en Corrèze, sur une parcelle de 6.000 m² de hêtres.
Depuis plusieurs années, ce mode d'exploitation forestière provoque de vives réactions à l'image des différentes manifestations sur la parcelle du Bois du Chat à Tarnac.
"Les coupes servent à améliorer la forêt"
Benoît Rachez, directeur général d'Unisylva défend l'exploitation forestière et explique : "une coupe permet de récolter du bois, d'entretenir la forêt et de préparer la forêt de demain. Les coupes servent à améliorer la forêt et à renouveler les peuplements en tenant compte du réchauffement climatique, et quand tous les arbres d'une parcelle ont le même âge, on peut être amené à les couper tous en même temps, mais 90% des coupes sont des coupes d'éclaircies".
"Défendre la sylviculture mélangée à couvert continu"
Bruno Doucet de l'association Canopée défend une autre vision de la forêt : "nous défendons une meilleure gestion forestière qui se pratique déjà sur un million d'hectares en France, et que l'on appelle la sylviculture mélangée à couvert continu. Soit on peut considérer la forêt comme un écosystème et venir chercher par-ci par-là de grands et beaux arbres pour faire du bois d'œuvre, soit on peut pratiquer une méthode plus brutale, la coupe rase, qui dégrade les sols et replanter ensuite en monoculture de résineux, avec des arbres plus adaptés aux besoins industriels. Nous demandons une loi pour encadrer les coupes rases, et soutenons les deux propositions de lois déposées dans ce but".
Benoît Rachez affirme pourtant que "la part de feuillus est en augmentation en Limousin, qui a perdu 33.000 hectares de résineux en 30 ans, dont 6.000 hectares sur le plateau de Millevaches".
"Mettre fin à l'omerta sur les coupes"
Philippe Brugère, président du PNR, qui a obtenu pour la première fois en France, l'accès aux documents des plans de gestion forestière sur son territoire, estime en effet "qu'il faut mettre fin à l'omerta, surtout pour des forêts qui se trouvent en zone protégée Natura 2000, parce que les populations ont droit à l'information sur l'exploitation forestière".
"S'appuyer sur des solutions fondées sur la nature"
Concernant les conséquences du réchauffement climatique, Marc Deconchat, chercheur à l'INRAE de Toulouse et membre de Transitions Limousines, souligne que "nous sommes davantage confrontés à un dérèglement climatique qu'à un simple changement, et pour la forêt, il faudra s'appuyer sur des solutions fondées sur la nature, grâce à une meilleure connaissance des mécanismes écologiques, de la façon dont fonctionne une forêt, sur l'importance de la biodiversité, sur les relations entre les différentes espèces d'arbres, et sur la présence d'arbres anciens, car tout cela favorise la résistance de la forêt".