Au lendemain de l'acte VIII des Gilets jaunes, quatre questions autour de la mobilisation, du devenir et de l'issue possible. Exemple en Haute-Vienne. L'analyse de notre journaliste Philippe Mallet.
Mouvement social ou révolte ?Un mouvement va dans un sens. Un mouvement cherche à négocier, possède une stratégie. Une révolte c’est multiforme, polymorphe. Pas de délégation. Toute représentation est considérée comme une trahison.
C’est exactement ce qui se passe avec les Gilets jaunes : des tendances dures, radicales et des tendances modérées, légalistes.
Samedi dernier, 5 janvier 2019 à Limoges, c’était flagrant. Trois manifestations. Trois manières de faire et de voir les choses.
Deux groupes avaient déposé et obtenu une autorisation de manifester. Le 3e s’était donné rendez-vous pour une opération escargot sur l’A 20 avec pour objectif : revenir sur le rond-point de Grossereix. Le rond- point qui est l’emblème de la contestation. L’emblème du débat public. Sans modérateur et sans leader.
Alors de quoi est faite cette révolte ?
Cette révolte est complexe.
Les acteurs ce sont, avant tout, des salariés modestes, petites classes moyennes, auto-entrepreneurs, petits commerçants et artisans. C’est cette société qui bat le pavé. Et cette société est très représentative du Limousin. Elle n’est pas politisée mais se mélange à des activistes qui vont de l’extrême droite à l’extrême gauche.
La mobilisation s’essouffle-t-elle ?
Oui et non.
Oui parce que les manifestations, en Limousin ce samedi 5 janvier n’étaient en rien comparables à celles des premiers jours.
Non parce que la mobilisation de ce weekend a surpris beaucoup d’observateurs. D’abord parce que l’expression de cette colère est toujours là. Ensuite parce que de nouveaux participants sont montés sur scène prenant le relais de ceux qui en étaient sortis.
Sur quoi cette révolte peut-elle déboucher : une radicalisation ou une structuration du mouvement ?
La structuration ? C’est déjà le cas avec le lancement du parti « Les émergents » emmené par la Bretonne Jacline Mouraud, une des figures des Gilets Jaunes. Si d’autres suivent, alors, effectivement, c’est la voie légaliste qui l’emportera.
Mais cette révolte sociale pourrait se radicaliser et durer. Et là, la réponse ne peut être qu’institutionnelle : démission du Premier Ministre, dissolution de l’Assemblée Nationale ou referendum. C’est cette dernière option qu’a retenu Emmanuel Macron en organisant un grand débat public. Solution rejetée par les radicaux pour qui la parole ne peut s’exprimer que par l’action. Autrement dit, la violence politique.