Triste constat : moins de 10% de la laine produite en France est utilisée dans le pays. Depuis le covid, le marché s’est effondré et de nombreux agriculteurs stockent ou jettent la laine qu’ils sont obligés de tondre. Pour changer la donne, un réseau entre les acteurs de la Creuse, de la Charente et du Pays basque vient de se lancer pour valoriser cette ressource localement.
"Depuis trois ans, je n’ai pas vendu ma laine", déclare Etienne Dumont Saint-Priest, éleveur à la Geneytouse (Haute-Vienne).
Notre laine française ne trouve pas de client. Personne n’en veut. C’est démoralisant. Il y a des débouchés à trouver.
Etienne Dumont Saint-PriestEleveur en Limousin
En Limousin, on compte environ 450 éleveurs ovins. Éleveurs d’abord pour la viande. Jusqu’à 2019, ces agriculteurs vendaient aussi une partie de la laine, + de 70% s’exportaient en Chine. Sauf que depuis le covid, le marché s’est effondré et de nombreux agriculteurs stockent ou jettent la laine qu’ils sont obligés de tondre.
Pour Pascal Picaud, éleveur, référent ovin à la Celmar et pour le RésoLAINE, "le problème de la France, c’est qu’au niveau de l’industrie, il n'y a rien pour transformer réellement. Il n’y a que le lavage à Saugues et pour les filatures, c'est pareil, moins d'une dizaine en France, alors je crois qu’il faut plein d’initiatives pour se motiver."
Car le manque à gagner est certain : un tondeur coûte, en moyenne, un euro pour un kilo de laine tondu. Un mouton peut donner entre 1,5 et 2 kg de laine. En Haute-Vienne, 300 à 400 kg de laine sont tondus chaque année.
Un réseau pour valoriser la laine produite localement
Si la filière laine de Nouvelle-Aquitaine est l’une des plus actives en France avec 120 entreprises et plus de 700 emplois, elle se heurte à plusieurs problèmes pour utiliser la laine produite sur son territoire : le manque d’industries présentes localement pour nettoyer la laine (il n’en reste qu’une en France, celle de Saugues, en Haute-Loire), pour la filer, la concurrence de la filière synthétique et de la laine au niveau mondial, les habitudes de consommation, le manque de personnel.
Pour tenter de redynamiser la filière et valoriser la laine produite localement, RésoLAINE vient d’être créé. Il s’agit d’une marque gérée par Lainamac et la CCI Bayonne Pays Basque.
Ce projet de 175 000 euros, soutenu par la Région Nouvelle-Aquitaine à hauteur de 70 000 euros, a de grandes ambitions. Il veut relancer la filière laine du territoire en ouvrant des débouchés pour les laines régionales, au-delà du secteur textile, et en valorisant, de manière équitable, tous ceux qui travaillent la laine en Nouvelle-Aquitaine. "On sent qu’il y a un intérêt du grand public pour la laine et un besoin de retravailler ce produit en France", constate Corinne Montculier, chargée de communication de Lainamac. "C’est une filière, abandonnée à partir de la désindustrialisation, mais qui se reconstruit. Il y a beaucoup de gens qui montent des projets comme en Moselle où on fait avec la laine de l’isolant. On est de plus en plus sollicité."
Quatre projets phares
Pour le RésoLAINE, Géraldine Cauchy, directrice de Lainamac veut faire la promotion de la laine, mettre en relation les artisans et les entreprises parfois isolées, former, trouver de nouveaux produits à base de laine (comme des géotextiles) reconquérir d'anciens marchés (matelas en laine), partager le savoir-faire, recruter, relocaliser la production.
Quatre projets lancés dès cette année sont en cours :
- Le développement du site internet lanatheque.fr, en référençant les races ovines de Nouvelle-Aquitaine, des matières produites en Nouvelle-Aquitaine à base de laine régionales ou françaises comme le béret basque, la Charentaise ou encore les tapisseries d’Aubusson ;
- La promotion des matières et des solutions industrielles locales aux rendez-vous de la matière, les 15 et 16 octobre 2024 à Paris (salon annuel dédié aux professionnels de l’architecture, du design et de l’aménagement intérieur) ;
- La recherche et le développement d’un fil haut de gamme, un fil peigné pour le secteur textile ;
- La mise en place d’études techniques pour l’ouverture de nouveaux débouchés massifs pour la laine.
La manufacture Pinton en Creuse qui utilise de la laine de Nouvelle-Zélande et d’Australie pour ses tapisseries voit la création de ce réseau d’un bon œil. "On a des besoins plus industriels, mais tout ce qui est local, ça nous intéresse pour des besoins ponctuels ou des choses précises, explique son directeur Lucas Pinton. Après, il faut que ça se structure."