Témoignage. "Mon corps est devenu ma prison", malade après avoir pris des fluoroquinolones, elle raconte son calvaire

Publié le Écrit par Julie Chapman

Une dizaine de patients, victimes des fluoroquinolones, des antibiotiques souvent prescrits en cas de cystite, ont porté plainte pour dénoncer leur situation, selon une information France Info. Parmi eux, Atéka Tahif, installée dans les Landes, “intoxiquée” depuis 2013.

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Lorsque Atéka Tahif accouche par césarienne en 2013, elle ne se doute pas que sa vie va basculer. “J’ai commencé à faire des cystites à répétition. Chaque mois, j’allais chez le médecin”, explique Atéka Tahif.

Trois premiers cachets

Le temps passe, mais les douleurs persistent. En octobre, elle prend pour la première fois de l’Ofloxacine, un antibiotique prescrit en cas d’infection urinaire ou digestive. “J’ai pris trois cachets, à trois jours d’intervalle, comme prescrit”, explique celle qui avait alors 30 ans. “Dès lors, j’ai ressenti beaucoup de fatigue, des douleurs importantes aux reins et à la vessie.”

Elle part alors aux urgences qui lui détectent une infection au rein droit. Elle est en réalité atteinte d’une septicémie et d'une leucocytose. Verdict : une trithérapie associant Rocéphine, Gentamycine et Oflocet en perfusion.

Ce dernier fait partie de la famille des fluoroquinolones. Un médicament qu’elle prend également à sa sortie, associé à du Solupred. “C’est interdit et déjà à l’époque, les médecins le savaient. Mais moi, je n’y connaissais rien”, regrette Atéka Tahif. 

Douleurs, acouphènes, vomissements

La trentenaire enchaîne alors les infections et les alertes auprès de différents médecins. En janvier 2014, elle reçoit un nouveau traitement, en partie composé de Ciprofloxacine, un fluoroquinolone.

Ça a été l’enfer. J’avais des douleurs partout, même aux yeux et à la machoire, je vomissais… Mes veines étaient gonflées, le soleil me brûlait. Je ne dormais plus, j’avais des acouphènes.

Atéka Tahif

Patiente victime des fluoroquinolones

Elle tiendra quelques jours d’horreur, avant d’appeler les urgences, qui décident de l’emmener à l’hôpital de Bayonne. “J’avais une grosse déficience de plaquettes et de globules blancs, ils m’ont donc mise sous Oflocet”, explique celle qui vit désormais à Tarnos, dans les Landes.

Le 21 janvier 2014, deux jours après son admission, Atéka Tahif décide d’arrêter le traitement. “J’avais toujours les douleurs et mon bras, qui avait la perfusion, avait doublé de volume”, assure la patiente. 

Convaincue du lien entre l’antibiotique et ses symptômes, elle décide alors d’arrêter le traitement et sort de l’hôpital, le lendemain. Mais ce n’est pourtant pas la fin de son calvaire. 

"Ma vie s'est arrêtée il y a dix ans"

Car depuis neuf ans, Atéka Tahif doit vivre avec ce qui est devenu sa maladie. “Je ne peux pas sortir au soleil, il me brûle presque instantanément. Je dois faire attention à ce que je mange, à l’exercice physique. Rien que de me lisser les cheveux devient une épreuve”, résume celle qui a aujourd'hui 43 ans. 

Mon corps, aujourd’hui, c’est ma prison. Ma vie s’est arrêtée il y a dix ans.

Atéka Tahif

Trésorière de l'association Quinolones France

Formée dans le milieu de la restauration, elle ne peut aujourd’hui plus travailler. “J’avais même envisagé, en m’installant à Tarnos, ouvrir mon propre restaurant. Mais je ne peux rien porter, même une marmite, ça me fait souffrir”, lâche Atéka Tahif.

"Je n'ai jamais pris mon fils dans les bras"

Divorcée et mère célibataire de trois enfants, elle vit aujourd’hui avec le RSA. Elle n’a, pour l’instant, pas réussi à obtenir la reconnaissance de son handicap. 

“Ça fait dix ans que je suis clouée à mon canapé, je ne le supporte plus”, enrage Atéka. Plus d’emploi, une vie sociale réduite à une peau de chagrin et une vie de mère amputée. “Je n’ai jamais pu tenir mon fils dans mes bras. Je ne peux pas l’emmener à la piscine.”

Pendant ces épreuves, Atéka s’est souvent demandé quand la maladie atteindrait ses limites. “Il y en a que se sont suicidés, moi, je veux me battre”.

400 malades en France

Des malades des fluoroquinolones, ils sont près de 400 en France. Sur les réseaux sociaux, Atéka Tahif tente de les réunir pour monter une action collective. “Je lis les témoignages sur différents groupes et j’essaie de contacter les personnes pour qu’ils se joignent à nous”, explique-t-elle. 

Accompagnée par son avocat, Bernard-Marie Dupont, et de deux autres victimes, elle a déjà réuni une quinzaine de témoignages qu’il faut encore étayer de preuves.

“J’ai un dossier de 200 pages, des recherches, mais aussi tous nos dossiers médicaux”, assure Atéka Tahif. “On veut aider ceux qui sont victimes, comme nous, mais aussi alerter avant d’avoir encore plus de dégâts”, explique la trésorière de l’association Quinolones France. 

Le ministère de la Santé alerte les médecins

Des alertes, depuis plus de quatre ans qui semblent enfin faire bouger les choses. La Société française de pharmacologie et de thérapeutique demande, sur France Info, au ministère de la Santé de mettre en place une procédure afin de limiter les prescriptions de fluoroquinolones.
Selon l’association, six millions de prescriptions, en majorité pour des infections urinaires ou des sinusites, seraient injustifiées.
Le Ministère, de son côté, a publié un dossier thématique sur le site de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) dans le but d'informer et guider les médecins lors des prescriptions. Une action complétée le 7 mars dernier par un message d’alerte, destinée à toutes les pharmacies et hôpitaux.

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