Date historique pour certains, symbolique pour d’autres en attente d’actes concrets, la loi Molac sur les langues régionales adoptée à la majorité le jeudi 8 avril 2021, suscite de nombreuses réactions chez les défenseurs de l’occitan du Limousin.
L’occitan a de beaux jours devant lui. C’est ce que pensent certains défenseurs de la langue depuis l’adoption hier, jeudi 8 avril, de la loi Molac, à l’Assemblée Nationale. Malgré l'appel du groupe LREM à repousser le texte, celui-ci a été largement adopté par 247 voix pour, 76 contre et 19 abstentions. Une victoire pour les députés bretons qui ont entonné le Bro gozh ma zadoù ("Vieux pays de mes ancêtres"), à la sortie, sur les marches du Palais Bourbon.
Un événement historique pour la majorité des défenseurs des langues régionales, salué par l’association des Régions de France.
Une victoire pour le développement de l’Occitan
Som plan uros de ‘qula reconeiffença de las lengas de nòstres terraires.
En patois, cela signifie nous sommes très heureux que nos langues soient enfin reconnues explique Jean-Loup Deredempt, président du Félibrige Limousin (association qui œuvre à la promotion des langues régionales). Par téléphone, il me confie aujourd’hui avoir "les yeux qui pétillent et le sourire aux lèvres".
C’est une date historique.
Membre fondateur de l’école la Calandreta de Limoges, Pierre Barral se réjouit de l’adoption de cette loi. Depuis des décennies, il se bat pour promouvoir l’Occitan en Limousin. En 1994, à Limoges, il contribue à créer "la Calandreta", une école privée, laïque, franco-occitane. En France, comme celle-ci, il existe 64 écoles, 4 collèges et un lycée Calandreta. Cela représente 4000 élèves. A Limoges, ils sont 12 élèves, répartis en deux classes. Ils y suivent un enseignement "immersif " c’est-à-dire donné majoritairement en occitan.
Un mode d’enseignement jusque-là interdit dans le public. Contre l’avis du ministre de l’Education nationale, l’adoption de cette loi l’autorise désormais.
"Depuis la loi Deixonne de 51, autorisant l’enseignement des langues régionales en France, ça fait 70 ans qu’on avait pas eu de dispositions législatives" s’exclame Pierre Barral. L’adoption de la loi Molac sécurise l’enseignement en occitan dans le privé et permet de l’ouvrir au public. Cet ancien instituteur se sent rassuré, "ça permet de clarifier le débat" ajoute-t-il et d’éviter selon lui, d’être freiner par certaines institutions comme il a pu le connaître à certains moments.
Pierre Barral est aussi convaincu des bienfaits que procure la diffusion des langues régionales. "Le bilinguisme est une clé pour le développement des autres compétences, comme les mathématiques, la musique… " Un constat prouvé en didactique des langues et reconnu par les instances européennes" comme l’explique Gaid Evenou, ancienne cheffe de mission langues de France (DGLFLF) dans une interview donnée au Figaro.
Un symbole avant des actions concrètes
L’institut des études occitanes de Limoges se révèle plus mesuré. "Sur le plan symbolique, c’est toujours bien mais je ne peux pas me réjouir tant que je ne vois pas ses applications" confie Jean-François Vignaud, animateur de l’Institut d’Etudes Occitanes. Désabusé, il dit avoir peur que ça cafouille.
On espère que ce ne soit pas la montagne qui accouche d’une souris.
Magali Urroz travaille avec Jean-François à l’institut. Responsable de la librairie occitane, elle se montre plus optimiste après le vote à l’Assemblée. Mais elle ne cache pas non plus ses interrogations. "C’est positif de voir que le Sénat et l’Assemblée Nationale ont pris position par rapport à cette loi mais après ce n’est pas fini. Est-ce que le gouvernement est très motivé pour agir en faveur des langues régionales ? Tout dépend de la suite qu’ils vont donner à cette loi."
"Historiquement, on sait que le Limousin n’a pas été très ouvert en la faveur de l’occitan", ajoute Jean-Francois, "Il faut que l’Education Nationale s’en empare mais je reste sceptique".
Pierre Barral espère lui aussi que le département de la Haute-Vienne contribue davantage à cette expression du patrimoine. Ce n’est pas le cas, selon lui aujourd’hui.
Des chansons en Occitan
J’aimerais que les jeunes dans les écoles puissent connaître des comptines en occitan.
Fondée par Frédéric Mistral en 1954, l’association Félibrige défend les langues régionales.
Pour Jean-Loup Deredempt, président du Félibrige Limousin, il est essentiel que les enfants connaissent l’occitan, ça fait partie de l’histoire de nos terroirs, de nos régions.
C’est important, c’est nos racines. Si on ne sait pas d’où on vient, on ne sait pas où on va.
Il cite Jean-Paul II, "regarder le passé, c’est s’engager vers le futur" ou encore l’écrivain polonais Adam Mickiewicz, "un peuple qui perd la mémoire est un peuple qui meurt".
Le groupe de musique "San Salavador" ne veut pas perdre la mémoire. Ses musiciens ne prétendent pas être de valeureux défenseurs de la langue d’Oc pourtant ils s’approprient pleinement la langue des troubadours.
Gabriel Durif est musicien et chanteur dans le groupe. Depuis tout petit, il est baigné dans la culture occitane. Sa porte d’entrée, la musique. Enfant, son père lui faisait écouter de vieilles chansons occitanes. Alors, l’adoption de la loi Molac lui apparait comme une avancée. "L’identité de la France vient de sa diversité, de ses langues. Il suffit de se retourner 50 ans en arrière pour comprendre qu’elle est construite de sa variété culturelle et linguistique. Alors tout ce qui va dans le sens de la diversité culturelle est une bonne chose."
Le groupe forge son identité, en reprenant les musiques populaires. Pour Gabriel, la langue occitane entretient un mystère.
Ce qui est intéressant, c’est de faire vivre cette langue tombée dans l’oubli. A travers nos concerts, on continue de la transporter et si les gens ne comprennent pas tout, ils se saisissent de certains mots
San Salvador connait aujourd’hui un succès grandissant. Il se produit dans le monde entier depuis trois ans. A l’avenir, ses musiciens veulent écrire leurs propres morceaux… en occitan.