Précarité énergétique : ils créent une cagnotte pour aider leur mère à payer sa facture d'électricité

La maison de Mélina, dans le Lot-et-Garonne, est une véritable passoire énergétique. Cette maman solo aux petits revenus ne peut pas payer sa facture d'électricité, qui a explosé. Ses enfants ont alors eu l'idée de créer une cagnotte solidaire pour lui venir en aide.

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Elle n'en a pas cru ses yeux lorsque la facture d'électricité est arrivée dans sa boîte aux lettres en juin dernier. 2048 €. Incrédule, Mélina* appelle son fournisseur, qui n'en démord pas. Il s'agirait, selon lui, de la régularisation sur 9 mois, calculée en fonction de sa consommation réelle. La facture vient donc s'ajouter aux mensualités de 70 € qu'elle a payées d'octobre à juin dernier, pour sa maison de 170 mètres carrés, située dans un petit village près d'Agen. 

La crainte de la coupure

Impossible de payer une telle somme pour cette maman de six enfants. Trois d'entre eux vivent encore sous son toit et sont donc à sa charge. En arrêt maladie depuis plus d'un an, la mère célibataire, aide à domicile de profession, subvient seule à leurs besoins grâce à son indemnité d'un peu plus de 1100 € par mois. 

Alors cette facture d'électricité de 2048 €, c'est la goutte d'eau. Persuadée qu'il s'agit d'une erreur, Mélina entame un parcours du combattant. Pendant des semaines, elle multiplie les appels à son fournisseur d'électricité, qui lui assure qu'une enquête est en cours. "J'étais dans tous mes états, je me voyais déjà payer la facture", se souvient-elle. Pendant trois mois, elle reste sans réponse. Et les rappels de facture s'accumulent. Au-dessus de sa tête, la menace d'une coupure d'électricité plane.   

"Je ne veux pas que l'électricité soit coupée pour mes enfants" 

Mélina

à France 3 Aquitaine rédaction web

Une cagnotte solidaire

Un énième coup de fil à son fournisseur permet enfin de débloquer la situation début septembre : une erreur était venue se glisser dans la facture, doublant ainsi artificiellement son montant. Elle passe de plus de 2000 € à 900 €.

"Si je ne m'étais pas battue, j'aurais du payer les 2048€. On se sent pas du tout écouté, c'est vraiment traumatisant comme situation." 

Mélina

à France 3 Aquitaine rédaction web

Mais le soulagement est de courte durée, car le montant reste très élevé. La famille réfléchit : comment faire pour payer une telle facture ? Les aînés, qui habitent en ville, proposent leur aide. "C'était hors de question, ma fille doit passer son permis, mon fils vit uniquement sur sa bourse d'étudiant, ils ont leurs propres frais, je ne pouvais pas leur faire ça", leur répond Mélina. 

Sa fille aînée a alors l'idée de créer une cagnotte en ligne, pour aider sa mère à payer sa facture. La solidarité tourne à plein régime dans l'entourage de cette famille très soudée. Onze personnes ont participé à la cagnotte, surtout des amis. Partagée sur Facebook et Instagram, elle a pour le moment permis de récolter 490 €. 

"Ca m'a beaucoup touchée, j'ai des enfants supers, le petit a même proposé de casser sa tirelire pour m'aider." 

Mélina

à France 3 Aquitaine rédaction web

Pourquoi une telle facture d'électricité ? 

Il lui reste donc un peu plus de la moitié de sa facture à payer. Pourtant, l'hiver dernier, la famille n'a pas abusé du chauffage, loin de là. "On a eu froid tout l'hiver", se remémore Mélina. Malgré une chaudière au bois et un poêle à pétrole, "il faisait 13°C dans le salon". Un petit radiateur électrique servait donc parfois en appoint dans la salle de bain par exemple. 

La faute à une maison mal isolée. Véritable passoire énergétique, cette ancienne ferme laisse entrer le froid par tous les interstices. Si une petite partie de la maison a été rénovée et isolée, la cuisine, le salon et une partie des chambres sont toujours équipées de simples vitrages. Les fenêtres et les portes en bois peinent peine à faire barrage contre le froid hivernal.

"On est équipés en plaids, couettes et couvertures", assure Mélina. Évidemment, elle a tout mis en œuvre pour contrer l'ennemi numéro un de la famille en hiver : le froid. Mais à l'intérieur, le vent agite  les épais rideaux que la famille a installés devant toutes les portes, "même celle du garage", pour retenir la chaleur. L'hiver dernier, la famille a acheté 2000 € de bois, "si on cumule, on arrive à 4000 € par an d'énergie", se désole-t-elle.    

Double peine pour les petits revenus

Le cas de Mélina est loin d'être isolé. En Aquitaine, plus de 222 000 ménages étaient en situation de précarité énergétique en 2018, selon les chiffres de l’Observatoire national de la précarité énergétique. Les personnes en situation de précarité énergétique ne peuvent pas combler leur besoin en chauffage ou en électricité à cause de leurs faibles ressources ou de leurs conditions d'habitat. 

Petit revenu, et logement mal isolé, le plus souvent les deux se cumulent. "C'est un peu la double peine : quand on a des revenus faibles, on a des difficultés pour avoir accès à un logement décent et bien isolé", analyse Antoine Jacquelin, chargé d’études à l'Agence régionale d'évaluation environnement et climat.

Dans la maison de Mélina, le propriétaire refuse de changer les fenêtres ou de faire les travaux d'isolation. "Les locataires sont plutôt soumis à la bonne volonté du propriétaire, ça accentue l'effet double peine", confirme Antoine Jacquelin. La précarité énergétique peut aussi être accentuée par une fragilité par rapport aux dépenses de carburant. En effet, Mélina, qui habite en zone rurale, doit emmener son fils à l'école en voiture tous les jours, faute de bus scolaire. 

Un phénomène en aggravation

La mère de famille, qui fait tout à la fois face à des factures d'électricité astronomiques et à des prix du carburant et des produits alimentaires en augmentation, a fait appel à une assistante sociale. Mais cette dernière, surchargée de dossiers, peine à l'aider. Faute d'avoir pu trouver du soutien ailleurs, pour le moment, c'est sa banque qui oriente et accompagne Mélina. Au niveau national, le réseau Rappel réunit les acteurs contre la pauvreté et la précarité énergétique, qui tente d'aider les ménages concernés. 

Dans le Lot-et-Garonne, où réside Mélina, 19% de la population était en situation de précarité énergétique. Avec l'augmentation des prix de l'énergie depuis le début de la guerre en Ukraine, le phénomène risque encore de s'aggraver. 

* Le prénom a été modifié à la demande de l'intéressée

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