Le chef du gouvernement sortant en Espagne, le conservateur Mariano Rajoy, s'attelle à partir de lundi à une tâche difficile: constituer un nouveau gouvernement, au lendemain de législatives marquées par l'éparpillement des voix et l'arrivée au Parlement de Podemos.
"Celui qui emporte les élections doit tenter de constituer un gouvernement", a dit Mariano Rajoy à ses militants rassemblés à Madrid dimanche soir, comme pour se convaincre.
Selon les résultats officiels publiés vers 2h30 du matin (1h30 GMT), après dépouillement de 100% des bulletins :
- le Parti populaire (PP) de Mariano Rajoy, a obtenu 123 sièges sur 350 à la chambre basse, soit 28,72% des voix. Puni pour sa politique d'austérité et la corruption dans un pays ou un actif sur cinq est au chômage, il a perdu sa majorité absolue, avec 63 sièges de moins par rapport à 2011 et son pire score depuis 1993.
- Le Parti socialiste (PSOE) est deuxième et n'a jamais recueilli un aussi mauvais résultat, avec 90 sièges et 22% des voix.
- Et le talonnant de très très près, émerge la formation de gauche radicale Podemos et ses alliés (20,6% des voix), disposant de 69 députés.
- Enfin un autre parti nouveau, le libéral Ciudadanos, obtient 14% des suffrages et 40 députés.
Une gouvernance difficile
"L'Espagne laisse son nouveau gouvernement en suspens", titre le quotidien conservateur ABC lundi. "Le PP l'emporte mais il aura beaucoup de mal à gouverner", estimait El Pais (centre-gauche), tandis que le journal catalan El Periodico faisait sa Une sous forme de petite annonce: "Cherchons un président pour l'Espagne".Le scénario de morcellement redouté par beaucoup s'est finalement produit. Les Espagnols ont voulu renouveler leur classe politique, mais ne sont pas allés assez loin pour changer radicalement la donne. Ils "exigent négociation et consensus" entre les partis en conclut El Pais dans un éditorial.
C'est d'autant plus vrai que les grandes formations ne semblent pas pouvoir trouver une bouée de sauvetage auprès des petites: Ciudadanos et Podemos, qui n'ont de cesse de les dénoncer, ont à maintes reprises indiqué qu'ils ne les soutiendraient car elles incarnent la "vieille politique" selon eux.
L'Espagne a donc mis fin au traditionnel bipartisme. Ces élections législatives ont rebattu toutes les cartes du paysage politique du pays avec l'entrée au Congrès du mouvement anti-austerité Podemos. Un mouvement qui pour la première fois est arrivé en tête au Pays basque espagnol.
Ecoutez les explications de Ttotte Darguy.
Le chef du gouvernement sortant en Espagne, le conservateur Mariano Rajoy, s'attelle à partir de lundi à une tâche difficile: constituer un nouveau gouvernement, au lendemain de législatives marquées par l'éparpillement des voix et l'arrivée au Parlement de Podemos.
"Casse-tête" pour trouver une majorité
Mais surtout, aucun bloc, à gauche ou à droite, n'a de majorité absolue. Le PP, avec Ciudadanos, n'aurait que 163 sièges, or la majorité est à 176. Et un bloc PSOE-Podemos n'obtiendrait que 159 sièges.Une autre configuration serait une alliance "tripartite" de Podemos et Ciudadanos avec les socialistes (199 sièges) pour imposer un "changement" au gouvernement, un scénario compliqué.
Restent les soutiens des petites formations régionales séparatistes de Catalogne, du Pays basque et des Iles Canaries, qui pourraient permettre à un bloc de gauche d'atteindre le nombre de sièges escomptés.
De véritables casse-têtes pour hommes politiques et politologues en Espagne, habitués à plus de 30 ans de confortable alternance entre la droite et la gauche, depuis 1982.
"Je vais tenter de constituer un gouvernement et je crois que l'Espagne a besoin d'un gouvernement stable", a martelé Mariano Rajoy dans la nuit de lundi à mardi.
- Il faut "atteindre des accords", a ajouté M. Rajoy en laissant ainsi entendre que s'ouvre le temps des négociations. En l'absence de majorité absolue, existe l'option d'un gouvernement investi avec une majorité simple, mais qui devrait négocier pied à pied chacune de ses politiques pour gouverner.
- Pedro Sanchez, le chef du PSOE, a estimé que beaucoup de "dialogue" serait nécessaire.
- Le chef de Podemos, Pablo Iglesias, a déjà exigé des mesures d'urgence sociale, qui ne peuvent être retardées selon lui, passant par une réforme constitutionnelle garantissant l'inaliénabilité du droit au logement, à la Santé et à l'Education notamment.
- Albert Rivera, le dirigeant de Ciudadanos, a lui insisté sur la centralité de sa formation, la seule capable de dialoguer avec les extrêmes.
Après un premier vote d'investiture dont la date n'a pas été fixée, le Parlement disposera de deux mois pour investir un gouvernement, faute de quoi le gouvernement devra convoquer de nouvelles élections.