Soupçonné de féminicide, un homme de 37 ans a été mis en examen pour assassinat, a annoncé le procureur de Bayonne. Vendredi 3 mai, le corps de sa compagne, retrouvée pieds et poings liés et rouée de coups de marteau, a été découvert dans un hôtel de Saint-Jean-de-Luz au Pays basque.
"C'est le drame de la sauvagerie. Je ne vois pas comment on peut qualifier autrement les faits qui ont été commis ce vendredi 3 mai ". Le procureur de la République de Bayonne s'est exprimé ce dimanche 5 mai, deux jours après la découverte du corps sans vie d'une jeune femme dans un hôtel de Saint-Jean de Luz.
Une victime pieds et poings liés
Ce vendredi, en fin de matinée, la police est appelée par un homme, leur signalant une altercation avec sa compagne. L'homme s'exprime calmement et leur signale que cette dernière souffre de quelques blessures "sans plus". Quelques instants plus tôt, il avait échangé avec le directeur de l'hôtel, lui indiquant que sa compagne était sous la douche, et sirotait un jus d'orange.
À leur arrivée dans la chambre, les policiers découvrent toute l'horreur de la scène du féminicide : "Une femme allongée nue, sur le ventre, sur le lit. Ses mains et ses pieds sont attachés avec des liens constitués à partir d'une taie d'oreiller déchirée", détaille Jérôme Bourrier, qui évoque un examen médical "saisissant".
Le sang était répandu dans toute la pièce, y compris au plafond.
Jérôme BourrierProcureur de la République de Bayonne
"On constate un fracas osseux important de la boite crânienne, une fracture mandibulaire, une plaie profonde au coude gauche et des traces blanchâtres au niveau du vagin, qui pourraient être du sperme", poursuit le procureur, qui reste en attente des conclusions de l'autopsie prévue lundi 6 mai.
Une première alerte en janvier
Le couple se fréquentait depuis une dizaine d'années. Et n'avait pas fait parler de lui avant le 25 janvier 2024, jour où la victime se présente au commissariat avec une plaie à la tête. "Elle avait déclaré avoir été frappée par un inconnu à la hache puis a mis en avant une tentative de suicide", rapporte le procureur. Au même moment, son compagnon se rend au commissariat de Biarritz pour évoquer une altercation avec sa conjointe. Il est alors placé en garde à vue, soupçonné de violences intra familiale.
Finalement, les deux livrent une version concordante, selon laquelle elle avait tenté de sauter de la voiture et son compagnon l'avait retenue. "Elle a dit qu'elle s'était elle-même frappée avec une hache et un marteau, et ajouté que c'est son compagnon qui l'avait empêchée de se suicider". "Les constatations du médecin légiste n'ont pas permis d'exclure l'hypothèse d'un geste auto agressif, compatible avec le récit de la victime" ajoute Jérôme Bourrier. En l'absence de charges, et après un examen psychiatrique du compagnon, la procédure est classée sans suite
Défenestration en avril
Deuxième épisode : le 14 avril 2024, à Ciboure, la police est appelée à la suite d'une défenestration de la victime depuis le 5ème étage d'un hôtel. Son pronostic vital est engagé.
Son compagnon était présent dans la chambre. "Compte tenu de la personnalité de ce couple, il est décidé, avec l'accord du parquet, de le placer en garde à vue pour des faits de tentative d'homicide", précise le procureur. Mais les éléments recueillis sont ténus.
Le mis en cause explique qu'il était sur le lit et a vu sa compagne se jeter par la fenêtre. Les témoignages ne font état d'aucune dispute, pas de trace de lutte ni de violence dans la chambre.
Jérôme BourrierProcureur de la République de Bayonne
"Les constatations légales excluent l'hypothèse d'un accident, mais ne militent pas en faveur de l'intervention d'un tiers, sans l'exclure non plus", ajoute le représentant du parquet.
Entendue le 23 avril, la victime n'a que peu de souvenirs de cette scène et met "de manière catégorique son compagnon hors de cause". Ce dernier est placé en garde à vue puis relâché, l'enquête étant toujours en cours.
Quelques jours plus tard, le 1er mai, la victime s'enfuit de l'hôpital. Le personnel alerte la police, qui l'inscrit sur le fichier des personnes recherchées. En réalité, elle va retrouver son compagnon, sans contrainte, d'après les images de vidéo surveillance. Tous deux projettent de quitter le Pays basque pour la région parisienne, et s'installent dans l'hôtel où s'est déroulé le féminicide, ce vendredi 3 mai.
Dix-neuf mentions à son casier judiciaire
Le couple s'était rencontré en 2013. L'homme, âgé de 37 ans, de nationalité française et né en Algérie, avait un passé judiciaire lourd. "Dix neuf mentions pour des faits de vols, infractions à la législation sur les stupéfiants, des violences en réunion et d'extorsion". Il était également un gros consommateur de stupéfiants. Ces condamnations cessent au moment où il rencontre sa compagne.
En garde à vue, le mis en cause refuse les prélèvements visant à déterminer sa consommation d'alcool ou de stupéfiants. Il évoque une séparation remontant à trois semaines. Il parle "d'un jeu sexuel de domination/soumission auquel ils se seraient livrés de manière consensuelle. Il déclare que c'est sa compagne qui s'est liée les chevilles, thèse infirmée par la présence de nœuds à l'arrière de ses chevilles", indique le procureur. L'homme explique également avoir entendu "les rires d'un monstre".
Il s'est ensuite saisi du marteau qu'il conservait sur la table de chevet pour se défendre et aurait alors frappé jusqu'à ce que ce bruit du monstre cesse.
Jérôme BourrierProcureur de la République de Bayonne
Le procureur de la République évoque une situation qui aurait fortement dégénéré depuis le début de l'année 2024. L'homme était persuadé d'être suivi, par des clients de sa compagne, qui était escort, ou des narco trafiquants. II souhaitait en informer la DGSE, et avait enlevé toutes les ampoules de la chambre d'hôtel afin de vérifier si elles contenaient des micros. L'entretien psychiatrique, réalisé en janvier 2024 au moment de sa première garde à vue, avait écarté toute abolition ou altération de son discernement.
Sa compagne, âgée de 34 ans, était escort. Sa mère, qui vit en Allemagne, était régulièrement en lien téléphonique avec elle. Si elle avait connaissance des activités de prostitution de sa fille, elle n'avait pas été informée d'éventuelles violences intra familiales. A Saint-Jean-de-Luz, dans la chambre d'hôtel, un violentomètre, outil permettant de mesurer l'ampleur des violences subies au sein du couple, a été retrouvé. Il avait été rempli par la victime.
Si vous êtes victimes de violences conjugales, appelez le 3919 ou le 17 en cas d'urgence