Les élèves de CM1-CM2 se sont lancés dans la course début novembre sur Virtual Regatta et depuis, ils racontent leur épopée au long cours et tout ce qu'ils y apprennent, dans des chroniques radio hebdomadaires. Pardon, des "épisodes radio"...
"Mouette en haut du mat, fiente bientôt sur toi !" C’est le dicton du jour qui clôt quasi invariablement l’épisode web-radio que produit chaque semaine une classe de CM1-CM2, pour rendre compte du tour du monde des skippers du Vendée Globe. Démâtages, percussions d’OFNI et avaries en tous genres rythment ainsi leurs chroniques, qui rendent compte depuis bientôt trois mois, de l’avancée de la course et de l’évolution du podium de tête. En ayant toujours une pensée compatissante pour la lanterne rouge du jour, "le pauvre".
Il y a une équipe dont je fais partie, on a fait des badges avec les noms des skippers, leur bateau et leur visage. Tous les matins, et quand on rentre de la cantine, on déplace ceux des trois premiers sur la carte pour qu'on sache toujours qui est en tête.
Sur une ambiance de vagues ou bruitant le vent avec la bouche, leurs chroniques se veulent pédagogiques, fourmillant de petites infos et de décryptages. Connaissiez-vous le point Némo ? Le Pot au Noir, la zone d'exclusion ? Et les alizés, vous sauriez m’expliquer ? Et bien les jeunes, oui. Et ils nous instruisent, tranquilles du haut de leurs dix ans, sous la forme de dialogues, ponctués de jingles à trois ou quatre voix…
Et pour info, le point Némo, c’est le point de l’océan le plus éloigné de toute terre émergée. Ça se passe au milieu du Pacifique et ça met le premier barbecue entre voisins à 3.000 kms. Au final, la première habitation à la ronde est la station Mir ! Les astronautes survolent régulièrement la zone, flottant à 300 kms au-dessus du coeur des océans, balayé par des vagues qu'on imagine gigantesques, surfées par des oursins ninjas *.
Ecoutez l'épisode n°15
"Quand surfent les Oursins, reste à terre, marin"
On prend deux ordis. Un pour écrire les textes, et l’autre pour chercher les infos sur internet. On travaille comme ça et après, on enregistre nos voix. Mais c’est pas toujours facile. Aujourd’hui, y a Raphaél qui a un peu galéré pour dire « la Station Spatiale Internationale ». Mais sinon, on répète deux-trois fois et on y arrive bien.
Le Vendée Globe s’est élancé le 08 novembre 2020. Ca tombait un dimanche, la veile du retour des vacances de la Toussaint. Autant dire que la rentrée fut intense.
« Les skippers étaient déjà tous partis quand on a repris la classe, donc il a fallu tout de suite sortir une première chronique. La mise en jambe a été rapide : on s’est jeté à l’eau. Et au fur et à mesure des épisodes, il y a des rubriques qui sont venues se coller d’elles-mêmes. Le dicton du jour marchait bien alors on l’a gardé. Rapidement, il y a des choses qui sont devenues rituelles. » Patrice Fouquet, enseignant de CM1-CM2
Cette année, les écoles ayant toutes été privées de sorties, le Vendée Globe qui revient tous les quatre ans, ne pouvait pas mieux tomber. Il aura été le prétexte pédagogique dont se sont saisies de nombreuses classes pour réussir à s’échapper un peu quand même, en dépit des restrictions sanitaires. Géographie, mathématiques, sciences, tout est bon dans le Vendée … et même, les langues.
On a travaillé sur plusieurs interviews de Samantha Davies en anglais, où elle racontait comment elle est venue à la voile, sa famille … Et même s’ils n’avaient pas tous les mots, avec les enfants on essayait de comprendre ce qu’elle disait pour voir ce qu’on pouvait en tirer pour nos chroniques.
"Pingouin dans les champs, hiver méchant"
Car pour s’immerger encore un peu plus, Patrice a donc embarqué ses élèves sur une web-radio, pour raconter leur épopée. « Ca impose qu’ils se lancent dans l’écriture, et là c’est pas évident. Mettre un dialogue à l’écrit, c’est quelque chose qu’ils ont pas l’habitude de faire. Donc c’est sympa parce que ça les change. Et au final, ils auront pris pas mal de plaisir à écrire leur texte, mais surtout à s’enregistrer et s’entendre après. »
A peine validée, la chronique est déjà disponible en ligne sur le blog sécurisé de la classe. "Gabin, explique aux gens : "
On met nos épisodes sur internet. En réalité, c’est pas vraiment sur internet, mais ça fait beaucoup de personnes qui écoutent, parce que t’as tes grands parents, t’as tes parents, t’as toi ! Et les grandes sœurs, les petites sœurs, les frères …toute la famille quoi !
Initialement prévue pour que les élèvent puissent en faire profiter leurs proches, la web-radio a rapidement suscité la curiosité des élèves des autres classes, qui en ont ensuite parlé à leurs parents … De sorte que Patrice, sollicité, a dû élargir le cercle des auditeurs autorisés à l’école toute entière.
Quand on a publié notre première chronique, on avait annoncé que la classe avait également lancé son bateau, le Cissé 7 sur Virtual Régata. La plupart des jeunes avaient aussi monté leur bateau perso de leur coté, et du coup il y a quelques parents qui se sont lancés pour accompagner leur enfant, des familles entières parfois … Là je vois Cléo, qui est au niveau du Cap Horn, et un peu devant, les deux bateaux de ses parents.
Alexandre, le papa de Cléo, avait déjà bouclé son premier tour du monde virtuel il y a quatre ans, lors de la précédente édition du Vendée. Autant dire qu’il ne s’est pas fait prier pour réinstaller l’application. Il a même poussé le rafinement jusqu'à embarquer son petit monde aux Sables d’Olonne à la Toussaint, visiter le village-départ du Vendée Globe et voir en vrai, avant qu'ils ne s'élancent, les bateaux bariolés qu’ils allaient suivre pendant 3 mois.
"Et alors, Cléo, ces bateaux ? " - " J’m’en rappelle plus ... Par contre on a mangé des trop bons cookies! " A l'écart, Alexandre se décompose. Normal. Il hausse les sourcils pour corriger que, bien sûr qu’ils y étaient les bateaux… " Pfff. Faites des drôles !" Grosse ambiance à Puy-Lonchard.
Nous le matin on écoute la radio, ça nous réveille. Alors quand je suis rentrée de l’école et que j’ai fait écouter mon épisode à mes parents, j’étais trop fière. Parce qu’ils attendaient ça depuis longtemps. (…) Parler dans le micro, c’est rigolo. C’est moi qui avais expliqué pourquoi Alex Thomson il a abandonné … Il a cassé son safran.
Ecoutez l'épisode n° 10
"Quand les mouettes ont pied, il est temps de virer"
Parce qu’à suivre les péripéties de tous ces loups de mer mal rasés depuis des semaines, il y a des chouchous qui émergent. Forcément.
« Dans la classe, chaque groupe de tables a choisi son skipper préféré. Au départ, y en avait plein qui aimaient Alex Thompson, ou Charlie Dalin. Et Yannick Bestaven aussi, mais on n’a pas pu faire de web-radio pendant tout le temps qu’il était premier, parce que c’était les vacances de Noël. »
A titre de dédommagement, les jeunes se disent prêts à tirer un bord jusqu’à la Rochelle quand il sera rentré, « pour lui faire un petit coucou ! » entre voisins tourdumondistes.
« C’est une super expérience. Ça leur a beaucoup apporté au niveau de la lecture, et de l’oral en général. Je pense qu’une fois fini le Vendée Globe, quand on aura bouclé notre tour du monde, c’est quelque chose qui va se prolonger avec la classe, sous une forme ou sous une autre. Parce que ça marche bien. Et que c’est chouette. » Patrice Fouquet, capitaine du Cissé 7
"A trop regarder la mer, on finit par la prendre"
Votre équipage l'avait pourtant presque prédit ...
* Source : la web-radio très documentée de la classe 7 de Puy-Lonchard … L’histoire du point Némo est jolie, et du haut de mes 53 ans je ne la connaissais pas. C’est vous qui me l’avez apprise. Merci.