Ancienne "plume" du président de la région Nouvelle-Aquitaine, il est à l'origine de la plainte qui débouche sur cette série de gardes à vue dans l'entourage d'Alain Rousset.
Il arrive pile à l'heure, à grandes enjambées, à la manière de celui qui sait exactement où il va. Jean noir et veste bleue, David Angevin, 53 ans, nous a donné rendez-vous tout près de chez lui, à la terrasse d'un café bien connu de Poitiers. À cet instant de la matinée, l'endroit est désert. "J'aime cette ville" lâche-t-il d'emblée, "ce n'est pas le cas de tous les Parisiens."
Le regard franc et le débit calme, il choisit une table à l'ombre, dans l'attente du feu des questions. Son rôle auprès d'Alain Rousset ? "Pendant 5 ans, je lui ai écrit ses discours, je lui permettais de parler de ce qu'il ne connaissait pas, ce qui arrivait assez souvent". Sa réaction à la série de gardes à vue dans l'entourage du président de la région Nouvelle-Aquitaine ? "C'est une suite logique, il y en aura d'autres". Le ton est donné.
L'ancien collaborateur du président de la région Nouvelle-Aquitaine est l'homme par qui l'affaire a éclaté. C'est lui qui, en mars 2021, a déposé plainte pour détournement de fonds publics après avoir, assure-t-il, été le témoin direct de "faits illégaux" durant la campagne de 2015. Voitures de fonction, ordinateur, personnel, David Angevin accuse le "clan" Rousset d'avoir dévoyé les moyens de la Région. "J'étais au cœur du cœur du réacteur donc je sais exactement qui a fait quoi."
D'accord, les collaborateurs peuvent être des militants politiques, évidemment ils peuvent travailler le soir, mais là, c’était au-delà. On a dit à des secrétaires que si elles n’obéissaient pas, elles dégageaient.
David Angevin
Selon lui, l'addition finale se compterait en millions d'euros "avec beaucoup de s". "Une cinquantaine de personnes avec des très hauts salaires qui bossent pendant un an sur une campagne, ça fait des sommes assez rondelettes" ironise-t-il.
Entendu par le Parquet National Financier, il a livré aux enquêteurs le contenu de son ordinateur. Des milliers de mails qui ont débouché sur une perquisition au Conseil régional en mars 2021, puis en ce début de semaine sur le placement en garde à vue de quatre anciens hauts cadres du cabinet présidentiel.
Baron noir contre chevalier blanc ?
À ces accusations, Alain Rousset a toujours rétorqué qu'il s'agissait de calomnies, d'une vengeance de la part d'un salarié mécontent d'avoir été mis à la porte en 2020. Le courrier de licenciement qu'il a reçu n'indique-t-il pas d'ailleurs clairement les motifs "insuffisances personnelles" et " incapacité à collaborer de manière apaisée avec ses collègues" ? David Angevin s'esclaffe. "Ça veut dire incapacité à accepter qu’on dépense l’argent public au service du Parti Socialiste et des Verts." L'homme manie très bien le verbe, on n'en attendait pas moins d'une "plume".
Lui assure avoir été victime d'un licenciement abusif, ce que le tribunal administratif de Poitiers a d'ailleurs validé. La procédure a été annulée en décembre dernier, le montant de son dédommagement financier est en cours de calcul mais il assure que l'argent l'intéresse peu. Le journaliste passionné de nouvelles technologies a renoué avec ses premières amours : l'écriture.
David Angevin a donc quitté le monde politique. Et même si cela ne lui manque pas, il se dit toujours autant passionné par "la chose publique". "Ce que je souhaite vraiment, c’est que cette région dans laquelle je vis et que j’aime soit dirigée par des gens intègres qui ne s’intéressent pas qu’à Bordeaux."
La vraie victoire ce serait un renouvellement politique. Ce serait bien pour les anciennes capitales régionales qui ont morflé. Limoges et Poitiers ont été dépouillées, ce sont des arbres sur lesquels il n'y a plus de feuilles. Tout se décide au 3e étage du conseil régional dans le bureau d'Alain Rousset.
David Angevin
La comparaison avec la série "Baron Noir" (NDLR : série sur les dessous de la vie politique) revient souvent dans la conversation. Peut-il préciser sa pensée ? "C'est la vieille politique années 80" réplique t-il, glissant au passage avoir subi des pressions et des menaces pour se taire. "Des choses sommes toutes assez banales en politique" relativise-t-il.
"Ce n'est pas possible que ces gens continuent à utiliser l’argent public et à abimer la démocratie. Ils sont en place depuis trop longtemps, ils ne se cachent même plus." S'il a parlé, c'est d'ailleurs pour y mettre fin. Un courage qu'il rappelle être le seul à avoir eu.
Pour un peu, on le sentirait investi d'une mission. La réponse fuse aussi sec. "Je ne me pose pas du tout comme un chevalier blanc. À aucun moment. Je ne donne de leçon à personne, j'attends juste que la justice fasse son travail."