Accusé d'empoisonnements sur des patients à Besançon, l'anesthésiste qui vit sous contrôle judiciaire près de Poitiers se trouve en réanimation après une tentative de suicide. Le procureur de Besançon a aujourd'hui répondu aux avocats du mis en cause qui dénoncent une procédure à l'arrêt.
Fréderic Péchier a tenté de mettre fin à ses jours en se défénestrant, révélent ce mardi les avocats de l'anesthésiste poitevin soupçonné de 24 empoisonnements dont 9 mortels sur des patients à Besançon (Doubs).
Alors qu'il était fortement alcoolisé, il s'est jeté depuis le premier étage de la maison familiale, sous les yeux de sa mère en lui disant : "Je n'en peux plus".
Ce dossier est d'une telle complexité que le temps judiciaire ne peut être davantage accéléré.
Les faits se sont déroulés dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre au domicile de ses parents situé à Mignaloux-Beauvoir près de Poitiers où Frédéric Péchier vit depuis sa mise en examen. Dix jours plus tôt, il avait écrit un message dans lequel il indiquait "je veux que cette vie s’arrête, je veux mourir innocent".
Le quadragénaire, qui a fait une chute de près de 4 mètres, est hospitalisé en réanimation dans un état "stationnaire". Son pronostic vital, un temps engagé, est aujourd'hui réservé.
Il souffre d'"une multitude de fractures dont celle du sternum (...) et d'un hématome sous-dural", selon Me Randall Schwerdorffer, interrogé par nos confrères de France 3 Bourgogne-Franche-Comté.
"L'espoir l'a abandonné"
Dans un communiqué, ses trois défenseurs, Mes Lionel Béthune de Moro, Jean Yves Le Borgne et Randall Schwerdorffer, ont réagi.
"Accusé depuis des années de gestes homicides sur des patients, il n’a jamais cessé de clamer son innocence et même de souligner l’impossibilité de certains des actes qu’on lui impute. Placé sous contrôle judiciaire, il s’est vu interdire sa profession, écarté de la région où il vivait et séparé de sa famille et de ses trois enfants. Au fil du temps et des errements de la procédure, l’espoir l’a abandonné. Il n’avait pas été entendu par la Justice depuis plus de deux ans."
Anesthésiste renommé à la clinique Saint-Vincent de Besançon (Doubs), Frédéric Péchier a toujours nié être à l'origine des empoisonnements volontaires que la justice le souçonne d'avoir commis entre 2008 et 2017. Neuf patients étaient décédés sur la table d'opération.
Démise en examen
"C'est le geste d'un homme desespéré qui n'arrive pas à accéder à ses juges", dénonce l'avocat angoumoisin Me Lionel Béthune de Moro. "Depuis mai 2019, il n'a jamais été réentendu par la justice alors que depuis quatre ans, il a dû quitter sa région d'origine, où il vivait et exerçait. Il n'a plus d'activité professionnelle et il est à bout."
Me Randall Schwerdorffer annonce une "demande de démise en examen" d’ici la fin de la semaine. "La justice n’a aucune preuve contre le docteur Péchier. Le contrôle judiciaire lui interdit de retourner chez lui et de retravailler, c’est trop", estime-t-il.
En avril dernier, une expertise signée du spécialiste des tueurs en série, Daniel Zagury, avait relevé chez Frédéric Péchier "l'absence d'argument en faveur d'un profil de personnalité susceptible d'éclairer la commission des faits".
Le psychiatre avait décrit "un homme détruit", "obsédé par l'idée de démontrer son innocence mais ne [trouvant] pas d'autre issue que le suicide".
Le parquet contre-attaque
Dans une conférence de presse tenue ce mercredi, le procureur de la République de Besançon a répondu aux avocats de Frédéric Péchier en détaillant la procédure en cours.
"Je mesure la particulière longueur du temps judiciaire dans cette affaire, a-t-il notamment déclaré, mais ce dossier est d'une telle complexité que le temps judiciaire ne peut être davantage accéléré."
Étienne Manteaux a par ailleurs indiqué qu'une information judiciaire a été ouverte pour un 25ème cas "hautement suspect" d'empoisonnement, découvert après une exhumation. "C'est le signe tangible que l'information judiciaire et les investigations ne sont pas à l'arrêt."
Il a enfin précisé que le rapport de contre-expertise attendu mi-2022 était "absolument déterminant" pour interroger Frédéric Péchier. "Il faudra que ses conseils, sa famille et lui-même fassent preuve de patience. (...) Les investigations judiciaires se poursuivront jusqu'à leur terme."