"Il ne faut pas opposer les modèles de production" : l'éleveur bio Pierrick Horel est élu à la tête des Jeunes agriculteurs

Pierrick Horel, éleveur bio dans les Alpes-de-Haute-Provence, a été élu jeudi 6 juin à la tête du syndicat Jeunes agriculteurs (JA) au Palais des Congrès du Futuroscope, près de Poitiers. Interview.

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À 33 ans, l'éleveur bio Pierrick Horel a été élu à la présidence du syndicat Jeunes agriculteurs (JA), jeudi 6 juin 2024, lors du congrès de son syndicat dans la Vienne. Il était le seul candidat à la succession d'Arnaud Gaillot qui ne briguait pas de second mandat.

Dans une interview à France 3 Poitou-Charentes, il explique vouloir agir pour "limiter les déconversions" du bio vers le conventionnel, maintenir la pression sur le ministère de l'agriculture pour que les aides de la PAC, notamment à la filière bio, soient payées dans les temps car "il en va de la survie des exploitations". Il estime qu'il ne faut pas opposer les modèles de production et se dit favorable à l'utilisation du glyphosate. Il ajoute enfin que la colère des agriculteurs n'est pas encore retombée et que la profession reste vigilante.

La filière bio dont vous êtes issu se révèle plus en crise que jamais. Quelles sont vos propositions pour le bio ? 

"Les propositions que l'on porte pour redynamiser la filière, c'est retravailler sur son modèle de financement, au-delà des mesures structurelles de trésorerie qu'on a pu avoir sur les exploitations au moment des mobilisations. C'est finalement aller chercher peut-être une forme de MAE (mesures agro-environnementales, NDLR), quelque chose qui vienne soutenir ceux qui sont déjà engagés en agriculture biologique et revoir nos ambitions de conversion pour limiter la déconversion qui est déjà engagée sur le territoire et qui ne répond pas du tout aux objectifs et met en danger la filière elle-même. L'idée est de soutenir ceux qui sont en bio et passer le cap de la crise."

Certains n'ont pas reçu les aides de la PAC. En avez-vous parlé avec le ministre, Marc Fesneau, présent aujourd'hui à votre congrès ?

"On l'a interpellé. Évidemment, il n'est pas tolérable que ce ne soit toujours pas payé. Il avait annoncé un paiement au 15 juin, l'horloge tourne, tout le monde a cette date dans le viseur. Il n'est pas tolérable que ce ne soit pas versé. Ça rendrait complètement imperméable les agriculteurs à toutes les propositions que l'on fait sur la bio. D'abord, payons ces engagements-là. Il en va de la survie des exploitations qui sont en bio. On parle de trésoreries qui sont vraiment impactées. On a signifié au ministre qu'il fallait payer ces aides. On sera très vigilant au versement de ces aides. Tout le monde lira entre les lignes : on sera en capacité de se mobiliser."

Je représente tous les agriculteurs. Peu importe leurs besoins, leurs motivations, leur système. C'est de l'économique que je veux aller chercher pour les agriculteurs, et pas des impasses dogmatiques comme on peut en rencontrer sur la question des produits phytosanitaires.

Pierrick Horel

Président des Jeunes agriculteurs

Votre mouvement a initié le premier acte de la mobilisation lors des manifestations agricoles en retournant les panneaux d'entrée de ville. Est-ce que la colère peut reprendre à tout moment ?

"Oui. Les sujets de tension sont toujours là. Il n'y a pas une bonne lecture de ce qui a été dealé, finalement. De gros paquets sont passés : je pense à l'Europe, je pense aux dispositions nationales. Un projet de loi aussi a été examiné à l'Assemblée nationale, mais tout ça est peu lisible pour les agriculteurs — nos adhérents ! — et, encore moins décliné dans les exploitations de manière opérationnelle avec des mesures financières palpables. Ça, on n'y est pas. Tout cela entretient cette tension. On a aussi la météo qui ne joue pas en notre faveur, qui entame le moral des agriculteurs. On a un climat encore explosif à ce stade. On est très vigilant à ce que tout ça soit mis en place au plus vite, parce que sinon, on retournerait sur des mobilisations et là, je ne sais pas lire dans une boule de cristal, mais l'ampleur pourrait être encore plus inédite." 

Pour apaiser cette crise agricole, le gouvernement est revenu sur des mesures, notamment sur la transition écologique dans l'agriculture. Une demande de la FNSEA, un syndicat dont les Jeunes agriculteurs sont proches. Est-ce qu'il n'y a pas un coup médiatique à vous élire, vous, agriculteur bio, à la tête des JA ?

"Je n'ai pas l'impression qu'on s'engage pour faire des coups politiques ou médiatiques. Je m'engage à titre personnel parce que j'ai des convictions. Parce que je crois dans les valeurs de mon métier, dans ce que je défends. Sur la question des produits phytosanitaires, on défend tous les modèles. Que ce soit chez les JA ou que ce soit à la FNSEA. On s'inscrit là-dedans. Tout ça ne changera pas demain parce que le visage du président des JA a changé. Je représente tous les agriculteurs. Peu importe leurs besoins, leurs motivations, leur système. C'est de l'économique que je veux aller chercher pour les agriculteurs, pas des impasses dogmatiques comme on peut en rencontrer sur la question des produits phytosanitaires. Je ne suis pas une caution ou quoi que ce soit, je représente des valeurs et c'est là-dedans que je m'inscris."

Est-ce que, comme votre prédécesseur, vous soutenez la réhomologation du glyphosate ?

"Bien sûr. Car aujourd'hui ça constitue une solution, notamment en agriculture de conservation des sols qui est l'un des modèles les plus vertueux pour capter du carbone, pour ne pas le relâcher. Je veux bien que l'on parle du glyphosate, sans fin, sans cesse, mais à un moment donné, il faudra qu'on se pose les questions aussi, car on ne peut pas opposer captation de carbone, utilisation des produits phytosanitaires ; tout ça se fait dans un cadre réglementé au niveau européen et au niveau national. Une bonne utilisation des produits phytosanitaires permet de répondre à des solutions climatiques et des enjeux environnementaux. Ne pas opposer les modèles est important pour que les agriculteurs se sentent soutenus dans leurs combats, dans l'exercice de leur métier. Il en va aussi de notre souveraineté alimentaire."

Entretien réalisé par Marie Colin.

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