Recours au télétravail, recherche de confort et d’un cadre de vie plus apaisé… La crise sanitaire a modifié les habitudes des Français. Conséquence : un regain d’intérêt pour les villes moyennes en région. Poitiers n’échappe pas à la règle et a vu les prix de l’immobilier s’envoler depuis le début de la pandémie.
Mars 2020. Valérie, son mari et leurs enfants se retrouvent confinés à cinq, plus le chat, dans un peu moins de 60 mètres carrés en banlieue parisienne. Les premiers jours ont un parfum de vacances : en télétravail, le couple laisse enfin de côté le stress du quotidien.
Mais les semaines passent et le sentiment de tourner en rond entre quatre murs devient peu à peu insupportable : “on a eu de grosses engueulades. On est soudé, donc on a réussi à tenir le coup, mais j’ai pris conscience que Paris sans ses boutiques, ses restaurants et ses musées était simplement mortifère !”
Originaire de Poitiers, la cadre de 46 ans travaille dans le marketing. Peu à peu, elle et son compagnon s’interrogent. Et décident de prendre le large : “on a quitté la capitale il y a bientôt un an. Mon mari ne connaissait pas très bien le coin, mais il s’y est attaché. On télétravaille pour la même boîte, 3 à 4 jours par semaine, et on revient une ou deux fois par semaine sur Paris pour revoir les collègues, les amis, sortir au théâtre...”
Objectif : propriété
Pour la famille, un peu difficile, au début, de s’adapter au rythme de vie poitevin. “Les transports en commun sont moins performants, on sort moins… Mais on a gagné en qualité de vie : on a enfin pu devenir propriétaire, les enfants ont un grand jardin pour s’aérer… On est ravis !”
La capitale connaît un phénomène d’exode urbain, renforcé par la crise sanitaire : sont plébiscitées les villes desservies par le TGV. Ville moyenne à moins d’1h30 de Paris, Poitiers a plusieurs cordes à son arc. L’immobilier a ainsi explosé depuis plusieurs mois : “l’impact est surtout visible sur les petites surfaces, les prix des studios et les T2 ont grimpé de 20%”, relève Emmanuel Cousson, gérant de l’agence immobilière Grand’rue Immobilier à Poitiers. “Les maisons individuelles ont, elles, augmenté de 10 à 15%.”
“Beaucoup de nos clients viennent de la région parisienne”, souligne Emmanuel Cousson. “On a aussi des gens qui sont déjà passés par Poitiers, ou qui viennent d’ici et qui veulent revenir. D’autres, qui ne connaissent pas et s’y intéressent pour la proximité avec Paris en TGV. Ici, ils peuvent espérer devenir propriétaires.”
Le facteur du confort
Investisseur et directeur d'un organisme de formation accompagnant les particuliers dans l'acquisition de biens immobiliers, David Devila a pu dresser le même constat : “il y a plusieurs facteurs qui expliquent cette augmentation. Notamment celui de la pandémie. Jusqu’à maintenant, la plupart des gens recherchaient un logement en fonction de leur lieu de travail. Ils se dirigeaient vers les grandes métropoles, où les offres de travail sont plus nombreuses. Depuis le confinement, les gens ont pris conscience de l’importance du confort.”
“Aujourd’hui, beaucoup préfèrent quitter les appartements du centre-ville pour se loger dans des logements plus grands et avec un espace extérieur”, explique-t-il. “Depuis plusieurs mois, 70% des recherches sur le site seloger.com concernent des maisons individuelles avec jardin. La maison individuelle, c’est le bien par excellence le plus vendu, à tel point qu’il subit une pénurie, selon les notaires. En Poitou-Charentes, ça explique l’explosion des prix.”
Plus de demandes que d’offres, révélant une volonté des Parisiens, mais aussi de ceux qui vivent dans de grandes agglomérations, d’abandonner définitivement le stress de la grande ville, ses embouteillages, ses nuisances sonores et sa pollution, pour embrasser un rythme de vie moins soutenu… Au mois d’octobre, la ministre du logement, Emmanuelle Wargon, décrivait les maisons individuelles comme "une impasse écologique, économique et sociale". Pourtant, 63% des Français ont opté pour ce type d’habitation et 75% en rêvent.
Un espoir pour les territoires ?
Tours, Rouen, Rennes, Chartres, Compiègne… Et Poitiers. Leur point commun : elles desservent toutes Paris par le train. Et attirent donc de plus en plus de travailleurs. “La ligne de TGV Paris-Poitiers, ça fait son effet”, confirme David Devila. “Quand la LGV est arrivée à Bordeaux, le prix de l’immobilier a bondi de 15 à 20%.”
Cette mobilité vers les villes moyennes pourrait booster leur développement et les rendre attractives sur le long terme. Selon la dernière étude de Meilleurtaux et de Meteojob relayée par Capital, les villes où les offres de CDI et les opportunités d’achat immobilier sont les plus nombreux sont par ailleurs des villes moyennes.
“Les grandes-surfaces de bricolage s’adaptent déjà au phénomène et proposent de l’ameublement spécifique pour le télétravail”, précise David Devila. “L’exode urbain est amené à s’accentuer dans le futur. Pour le moment, aucun signe ne montre que ça pourrait s’arrêter.” Quant à la Nouvelle-Aquitaine, elle a encore le vent en poupe : “c’est l’une des régions les plus recherchées avec PACA et la Bretagne”, conclut l'investisseur.