Ex-otage des FARC, Roméo Langlois raconte son histoire dans un livre

Le journaliste, originaire de l'Aveyron, publie "Jungle Blues" un témoignage étonnant sur ses 33 jours de détention dans la jungle colombienne, détenu en otage par les FARC. Notre journaliste Patrick Noviello l'a lu et vous en parle ici.

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Comme moi, vous risquez d’être surpris d’emblée par le ton mi-enjoué, mi-ironique, qu’emploie Roméo Langlois, à la lecture des premières pages de «Jungle Blues» (éditions Don Quichotte). Un titre qui pourtant devrait être annonciateur d’un certain état d’esprit. Pour les mal-attentionnés qui avaient qualifié la détention du journaliste d’origine aveyronnaise de «quartier VIP» ou de «vacances chez les Farc», je leur recommande d’aller vivre en pleine jungle avec un coude émietté par une balle et des parasites dans le ventre pendant plus d’un mois. Je pense qu’ils regretteront leurs confortables bureaux.

Un bon connaisseur de la Colombie

Ce qu’affirme une fois de plus dans ce livre le journaliste de France 24, c’est qu’il n’est pas un trompe-la-mort et encore moins un amateur. «Durant ces années, j’estimais m’être acquitté honnêtement de ma tâche. J’avais pris soin de donner à tous la parole : guérilla, gouvernement, victimes des uns comme des autres. Décidément les FARC ne manquent pas d’air….».
Roméo Langlois connaît bien la Colombie et y avait travaillé pendant douze ans avant son enlèvement, le 28 avril 2012. En témoigne son troisième chapitre «un samedi soir foutu» (où ses amis apprennent dans un premier temps sa mort puis sa disparition) et la description de Bogota. Le jour de son enlèvement, le téléphone sonne dans la vieille maison de Villefranche-de-Rouergue (Aveyron), mais sa mère, infirmière de nuit a déjà appris l’information par France Inter sans que le nom du journaliste pris en otage ne soit révélé. «Elle tait les rumeurs sur ma mort. Et ajoute, que selon une source, je suis peut-être chez les FARC(…) L’hypothèse la rassure. Ma mère sait que je les ai souvent interviewés. Mon père, médecin, s’inquiète de ma blessure».


Une opération commando ratée 

Tout a débuté par un reportage que Roméo Langlois parvient à décrocher sur une opération commando anti-drogue dans la jungle. «Chaque fois que nous détruisons un laboratoire, nous affectons les finances des terroristes » explique le capitaine Gomez au journaliste. Ce dernier est partagé entre l’appréhension d’une opération qui semble périlleuse et la crainte de s’être laissé embarquer dans « une opération de com’» comme se nomme l’un des chapitres du livre.
Le butin est maigre, le laboratoire rudimentaire, immédiatement brûlé par les forces spéciales. Le reporter de France 24 capte alors sur sa caméra ce qu’il qualifie de «flagrant délit de mensonge» quand les soldats consignent une imaginaire saisie de drogue de 400 kilos. Cap sur un autre laboratoire après avoir repris l’hélico. C’est là que les choses vont se gâter. Le groupe des Forces Spéciales se divise. La population civile s’en mêle. Tous les ingrédients du «Vietnam colombien», comme l’appelle l’auteur, sont réunis.
L’hélicoptère qui doit évacuer « le français » est touché. C’est l’attente et des liens commencent à se tisser entre soldats et journaliste : «C’est toute la force de la guerre : elle fait fleurir des haines qui peuvent durer des siècles. Elle peut aussi tisser en quelques heures des liens d’une rare sincérité». Dans son livre Roméo Langlois ne prend jamais partie, ni d’un côté, ni de l’autre, avec des bons et des méchants dans les deux camps.
Le récit de l’ultime combat qui précède la reddition aux FARCS est intense et sincère. Langlois ne joue pas les héros : «Voilà une demi-heure que je rampe avec le sergent. Quand un choc prodigieux impacte mon bras gauche. J’observe le trou béant d’où s’échappe un épais bouillon de sang : une balle m’a transpercé le coude dans le sens de la longueur (…) Anesthésié par l’adrénaline et le choc, je ne ressens aucune douleur. Juste une peur absolue
Son plan est de plus en plus clair, se débarrasser de ses militaires, et se rendre aux guérilleros colombiens, ce qu’il finira par faire après avoir perdu son «hermano» (frère), le sergent Gomez qui l’avait jusqu’à présent protégé.


Interrogatoire filmé, avec juste une serviette à la taille

L’auteur doit maintenant prouver qu’il est journaliste. Il va pour cela subir plusieurs interrogatoire dont un qui lui reste en travers de la gorge, alors que seulement vêtu d’une serviette autour de la taille, il est filmé en même temps que questionné : «Je répète que je connais les FARC. J’ai rencontré leurs chefs. Ce qui n’a pas plus au gouvernement… Je joue le gauchiste de service (…) Je suis loin d’imaginer que vingt-sept jours plus peu avant ma libération, cette « preuve de vie » pathétique sera diffusée dans les médias du monde entier. Et que je lirai sur les blogs des commentaires désolants du genre : « le journaliste en vacances chez les FARC… »

Un otage du XXIème siècle

Cette histoire est aussi celle d’un otage du XXIème siècle dans un pays ayant accès aux nouvelles technologies. Langlois redoute que ses geôliers fassent des recherches sur internet et y trouve des articles ou vidéos pouvant leur déplaire. Pendant ce temps-là, ses amis «nettoient» son appartement à Bogota, le vidant de toutes notes, dossiers, DVD, pouvant intéresser les Renseignements du pays. Là encore, entre ironie et humour noir, le chapitre s’intitule «Parano Colombienne».
Le journaliste se repends dès le début de sa captivité de la dernière (et seule) photo qu’il avait publié «dans un élan de stupidité» sur Facebook avant son départ où on le voit en tenue militaire, ce qui peut fortement contrarier les FARC. Sur internet toujours, commencent à circuler des rumeurs le qualifiant tour à tour de possible espion de l’armée ou au contraire d’infiltré des guérilleros.
Parano, Roméo Langlois ? Pas tant que ça quand un des partisans les plus radicaux du président Uribe le qualifie de «grand ennemi de la Colombie».

Ecrire pour passer le temps

Pour se défouler ou tout du moins exprimer tout ce qu’il a sur le cœur et dans la tête, le journaliste va se voir remettre dans son «kit d’otage» un carnet : «Quand tu t’ennuies, écris ! C’est ce qu’on conseille toujours à nos prisonniers » lui recommande Antonio, un guérillero. « Et quand tu sortiras, tu pourras peut-être publier un livre». Visionnaire…
Mais le reporter n’est pas encore libre même si certains chefs lui font déjà sentir que ça ne va pas tarder et que «la guérilla a renoncé aux rétentions économiques- les enlèvements contre rançon». A ce sujet et alors qu’il y a quelques jours, un ancien chef du renseignement français déclenchait la polémique en révélant les coûts de la libération de certains otages français, Roméo Langlois se lâche dès les premières pages de son livre. «Aucune rançon n’a été versée pour ma libération, le contribuable français ne devrait pas trop m’insulter sur les forums internet».

Le recul du journaliste

Le cœur de l’ouvrage raconte les incessantes marches de nuit dans la jungle quand le prisonnier des FARC est déplacé. Il livre aussi un portrait de ces guérilleros qui sont convaincus de la justesse de leur combat. Pas de pathos, pas d’envolées lyriques. Malgré ses longues nuits de douleurs ou des périodes ouateuses, «shooté» par les antibiotiques, Roméo Langlois garde un recul de professionnel sur sa condition. Il ne faut enfin pas croire que le journaliste de France 24 s’est vu libéré ou libérable dès le début de sa captivité : «Depuis le premier jour, la perspective de finir enterré sous un arbre m’obsède. J’ai souvent interviewé les proches des disparus. Je connais trop bien leur douleur pour l’infliger aux miens» confie-t-il en fin d’ouvrage.

Patrick Noviello

Roméo Langlois sera l'invité du 12/13 de France 3 Midi-Pyrénées, mardi 19 février à 12h
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