Un ex-membre de la garde présidentielle de Djibouti, réfugié à Bruxelles, affirme avoir fait l'objet de pression pour revenir sur son témoignage impliquant le pouvoir local de l'époque dans la disparition du juge Borrel en 1995.
Un témoin clé dans l'affaire de la mort du juge Bernard Borrel
en 1995 à Djibouti, détenu récemment au Yémen, affirme dans un entretien vendredi
à Mediapart avoir fait l'objet de pressions de Djibouti pour revenir sur son témoignage.
Contacté par l'AFP, Mohamed Alhoumekani, ex-membre de la garde présidentielle
djiboutienne, a également confirmé avoir "déposé plainte la semaine dernière au
tribunal fédéral de Bruxelles pour séquestration contre les gouvernements du Yémen
et de Djibouti".
Les autorités de Djibouti n'étaient pas joignables dans l'immédiat pour réagir.
En février 2000, l'homme, qui réside en Belgique, avait impliqué dans la mort
du juge français l'actuel président djiboutien Ismaïl Omar Guelleh et son entourage.
Son témoigage avait relancé l'enquête.
Le 23 août dernier, M. Alhoumekani avait été arrêté au Yémen, suscitant l'inquiétude
de ses proches et de la famille du juge Borrel. Les autorités
yéménites avaient mis en avant une demande d'arrestation émise par Interpol à l'initiative
des autorités de Djibouti. Il a finalement été libéré le 8 octobre.
M. Alhoumekani affirme que dès son arrestation, "à l'aéroport de Saana par la
sécurité nationale", un haut militaire djiboutien lui a demandé de revenir sur
son témoignage dans l'affaire Borrel.
"J'ai été conduit à la prison de Marzaki, sans billet d'écrou ni aucun ordre du
parquet, sans avoir été présenté à la moindre autorité judiciaire. J'y suis resté
47 jours", affirme l'ancien officier, qui a la double nationalité belge et yéménite.
Selon lui, un député yéménite lui a alors rendu visite, là aussi pour lui proposer
d'"aider" le président djiboutien.
Le témoin affirme encore avoir été la cible de coups de feu dans sa voiture au
Yémen, deux jours après sa libération.
Puis, alors qu'il était privé de son passeport, de nouvelles "réunions" auraient
eu lieu avec des officiels yéménites et djiboutiens. "L'on voulait que je signe
des attestations officielles, disant d'abord qu'il n'y a pas eu d'attentat contre
moi, et puis que mon témoignage dans l'affaire Borrel avait
été dicté par des personnes malveillantes", affirme-t-il. Il a aussi évoqué aussi
une proposition financière, "5 millions de dollars pour moi, 5 millions de dollars
pour Elisabeth Borrel", la veuve du juge. Proposition qu'il
a refusée, déclare-t-il, en affirmant avoir "réussi à quitter clandestinement le
Yémen".
Lors de son témoignage en 2000, M. Alhoumekani avait affirmé avoir assisté à une
réunion au cours de laquelle l'actuel président djiboutien Ismaïl Omar Guelleh,
alors chef de cabinet du président de l'époque, était informé de la mort du "juge
fouineur", dont le corps avait été retrouvé à moitié carbonisé dans un ravin. La
piste du suicide avait été initialement privilégiée.