Felipe VI, roi d'Espagne depuis une semaine, a fait jeudi en Catalogne ses premiers pas de nouveau souverain, exprimant son "respect" et tendant la main
à la région, dirigée par les nationalistes, en conflit avec Madrid pour ses aspirations à l'indépendance.
Le roi, accompagné de la reine Letizia, présidait à Gérone une cérémonie de remise de prix de la Fondation Prince de Gérone : l'un des titres de noblesse que portait Felipe, héritier de la couronne, et qu'il a transmis à sa fille Leonor, âgée de huit ans, en prêtant serment le 19 juin.
"La collaboration sincère et généreuse est la meilleure voie pour répondre aux aspirations légitimes de chacun et, aussi, pour atteindre de grands objectifs collectifs au bénéfice du bien commun et de l'intérêt général", a déclaré le roi, en remettant ces prix récompensant des initiatives menées par des jeunes.
En Catalogne, Felipe se retrouve sur une terre qu'il connaît bien, où il s'est souvent rendu, rencontrant responsables politiques et économiques.
Un catalan presque parfait
Dans un discours prononcé dans un catalan presque parfait, il a souligné que ses visites, "beaucoup plus nombreuses récemment", étaient destinées "à rendre plus présente la Couronne sur cette terre" et à "transmettre des messages de respect, de compréhension et de vie en commun". Pourtant, le dossier catalan fait figure de baptême du feu pour le jeune roi, qui, après l'abdication de son père, Juan Carlos, amorce un début de règne délicat, éclaboussé par le scandale dans lequel sa soeur Cristina est menacée de procès.
Hasard du calendrier ou non, le lieu de ce déplacement n'est pas anodin. Dans cette ville de 100.000 habitants, fervent pôle indépendantiste, les élus ont voté une motion affirmant que le titre de princesse de Gérone ne représentait pas la ville. "La ville ne se sent pas identifiée à ce titre. Ce n'est pas un signe d'hostilité. Simplement, cela ne cadre pas avec la Gérone de 2014", expliquait avant le vote le maire, Carles Puigdemont.
Jeudi soir, environ 200 manifestants portant l'estalada, le drapeau indépendantiste catalan, s'étaient rassemblés à Gérone.
Faciliter le dialogue
Alors que les ponts semblent coupés entre le gouvernement central conservateur et les nationalistes catalans, Felipe, même si la monarchie parlementaire espagnole le prive de réels pouvoirs, pourrait être amené à user de son influence pour favoriser un dialogue, le dernier mot revenant aux politiques.
"Le roi ne gouverne pas, mais il règne. Le roi peut contribuer à changer l'état d'esprit", analysait Joan Botella, professeur de Sciences politiques à l'Université autonome de Barcelone. "C'est sûrement ce qu'attend une bonne partie des opinions publiques catalane et espagnole. Il faudra voir si c'est réalisable". Mais le leader indépendantiste Oriol Junqueras, chef du parti de gauche républicain Esquerra Republicana de Catalunya (ERC), assurait jeudi ne rien attendre de la Couronne espagnole.
"L'expérience nous montre que tout espoir dans ce sens est vain. Si le roi veut faire un geste, il le fera et je suppose que nous nous en apercevrons tous", a-t-il déclaré à l'AFP.
Pas de rencontre officielle
Le président nationaliste Artur Mas, qui porte le projet de référendum prévu le 9 novembre sur l'autodétermination de la région, était absent de la cérémonie et aucun entetien officiel n'a eu lieu. Mais les deux hommes se sont rencontrés pendant quelques minutes, avant de participer à un dîner. Après avoir laissé planer le doute sur sa présence, jeudi dernier à Madrid, pour la prestation de serment de Felipe, Artur Mas avait finalement écourté un voyage
aux Etats-Unis afin de rentrer à temps. Pas plus que le président nationaliste basque Iñigo Urkullu, il n'avait applaudi ce jour-là au premier discours de Felipe, défendant "l'unité" de l'Espagne... avant de saluer le roi, quelques heures plus tard, lors d'une réception au Palais Royal.
Porté par une vague identitaire qui a grandi à la faveur de la crise économique, dans cette région prospère du Nord-Est de l'Espagne, allié avec la gauche républicaine au Parlement régional, Artur Mas, un nationaliste conservateur, a engagé un bras de fer avec Madrid en maintenant son projet de référendum.
Le gouvernement s'appuie de son côté, pour rejeter cette consultation, sur la Constitution de 1978 qui définit le caractère indivisible de l'Etat espagnol, tout
en accordant une large autonomie aux régions.