Comme chaque été, le littoral plonge dans un mauvais remake des "Dents de la mer". A Canet-en-Roussillon le 22 juillet, une alerte au requin bleu avait provoqué une interdiction de baignade et alimenté un peu plus la psychose estivale. Pourtant, la menace est loin d'être réelle.
Ils ont récemment pointé leurs ailerons à proximité des plages du Midi, provoquant des interdictions de baignade, mais en Méditerranée, les requins
sont plus menacés que menaçants, rappellent à l'unisson les scientifiques.
"C'est une psychose", insiste auprès de l'AFP François Sarano, chef de l'"Expédition Requin Blanc Méditerranée", qui vise à dénombrer ces spécimens. "Selon des études d'assureurs, le requin est en 67e place des causes de mort, derrière les piqûres de guêpe", rappelle-t-il.
A Canet-en-Roussillon le 22 juillet, une alerte au requin bleu avait provoqué une interdiction de baignade. Le lendemain, en Corse, un touriste avait filmé
un squale de même espèce à environ quatre mètres de la plage de Calzarellu en Haute-Corse. Le 11 août, un autre "peau bleue" était pêché à moins d'un kilomètre de La Seyne-sur-Mer dans le Var.
Bernard Séret, du Musée national d'Histoire naturelle à Paris, confirme: "Au cours de l'Histoire, seules deux attaques ont été répertoriées sur les côtes françaises de Méditerranée : l'une en 1884 entre Nice et Villefranche, quand quelqu'un s'est fait mordre à la jambe par un requin qu'il venait de harponner, et l'autre en 1886 à Gruissan (Aude), un cas dont on ne sait rien".
"Un requin n'est potentiellement dangereux qu'à partir de 2 mètres de long. Or seuls les jeunes s'approchent du littoral. Ils ne font que 1,5 mètre et à cette taille, ils ne peuvent que s'attaquer à des petites proies", explique M. Séret.
Les "anges" disparus de la Baie
En fait, "c'est plus le requin qui est menacé que l'Homme", souligne M. Sarano. "Nous avons effectué une première expédition en juin. Nous n'avons pas vu de requins blancs", dit-il. "Dans les années 1840, Marcel De Serres, naturaliste français, disait que le requin blanc était l'un des plus abondants en Méditerranée. Aujourd'hui, quand on en attrape, c'est très rare", déplore le responsable scientifique.
Même pour le requin peau bleue, "l'un des moins vulnérables" en raison de sa fécondité élevée, "il existe des signaux d'alarme", avertit François Poisson, biologiste de l'Ifremer chargé d'une campagne de marquage de l'espèce. "Les pêcheurs disent en voir moins dans la partie est de la Méditerranée", explique-t-il. Mais ce requin-là reste relativement épargné et sa pêche est toujours autorisée.
En revanche, pour certaines autres espèces, "on a perdu de 90 à 99% de population", s'inquiète Olivier Dufourneaud, directeur de la politique des océans à l'Institut océanographique de Monaco.
"Ainsi, la fameuse Baie des Anges à Nice doit son nom aux anges de mer ou squatina, un requin très fréquent au XVIIIe siècle, explique-t-il. Il y a "été depuis complètement éradiqué". "Au large des côtes méditerranéennes françaises, il est ainsi devenu rarissime d'observer un squale", souligne Bernard Séret, qui a publié fin 2013 une "liste rouge" spécifique aux requins des côtes méditerranéennes de France.
Les requins en danger critique d'extinction
En Méditerranée, "les anges de mer sont en danger critique d'extinction" et d'autres espèces, comme "les requins taupes communs, sont en danger".
"Les requins peau bleue sont quasi-menacés", car ils sont "les plus pêchés dans le monde": leurs ailerons constituent un met royal en Asie.
Le sentiment répandu parmi le grand public selon lequel on observe de plus en plus de requins est donc faux, tranchent les experts. Le
grand public en observe davantage parce que les mers sont plus fréquentées, souligne Olivier Dufourneaud.
Le requinologue se dit "inquiet" que, "même là où il existe d'anciennes réserves marines, on n'y retrouve pas plus de requins". Serait-il alors trop tard pour le squale? "On ne peut pas aujourd'hui perdre l'espoir, mais c'est un défi", souligne-t-il.
A titre de rappel : le bilan 2013 a été de dix personnes tuées suite à des attaques de squales soit un peu plus que la moyenne de six victimes recensées pendant la décennie 2003-2012. Ces grands tueurs qui nous effraient, font donc, bon an mal an, moins de vingt morts par an dans le monde.
Infographie parue le 25 avril 2014 sur le blog de Bill Gates établissant par ordre croissant la liste des animaux les plus dangereux pour l'homme :
Lien vers le Musée océanographique de Monaco