29 ans jour pour jour, après le triomphe historique de 1986 à Las Ventas, le matador José Ortega Cano s'apprête à quitter la prison de Zuera (Saragosse) où il était incarcéré depuis le 23 avril 2014.
La vie de José Ortega Cano a basculé plusieurs fois.
Il est probable que le virage le plus dangereux de sa carrière, il l'a négocié, très mal négocié, le 28 mai 2011. Il était 23h30, José Ortega Cano conduisait son 4x4 Mercédes sur la route entre Alcalá del Río et Castilblanca de los Arrojos, en Andalousie. La voiture du matador roulait carrément à gauche quand, dans une grande courbe, elle a heurté de plein fouet la Seat de Carlos Parra, 48 ans, qui fut tué sur le coup.
Ortega Cano, très gravement blessé, est resté hospitalisé un mois et demi.
Carlos Parra était bien connu à Castilblanca. Il militait au Parti Communiste. On l'appelait "El Belga", parce qu'il était né en Belgique où ses parents avaient immigré. Ce soir-là, El Belga se dirigeait vers l'hôtel de Séville où il avait enfin décroché un travail après être resté près d'un an au chômage.
Carlos et José se connaissaient. L'ancien matador vivait aussi au village, il y possédait une finca.
En 2013, José fut condamné à deux ans et demi de prison. L'enquète avait montré que son véhicule roulait à 125 km/h, contre 50 pour la Seat. Et l'analyse de sang avait révélé un taux d'alcool de 1,26 g/litre.
Le tournant le plus heureux, José Ortega Cano l'a sans doute pris le 22 mai 1986 à Las Ventas.
Il torée ce jour-là une corrida de Baltasar Ibán. C'est l'alternative de José Antonio Carretero. Niño de la Capea qui est lui aussi au cartel, est excellent.
Mais Ortega Cano vit incontestablement ce jour-là la plus grande corrida de sa carrière. C'est la première fois qu'il franchit la Grande Porte (il le fera au total 4 fois).
Tous les criitiques sont unanimes, les deux faenas (une et une oreille) sont "historiques".
Joaquín Vidal dans El País. Il n'a pas toréé avec la lenteur des paresseux, mais avec le rythme et la cadence de ceux qui ont le privilège d'avoir un pouls disposé à traduire les sentiments de l'âme. À la fin des cercles enchantés de ses passes, sa silhouette et celle du toro figuraient un monument élevé à la gloire de la bonne tauromachie.
Barquerito dans Diario 16. Chaque passe de muleta était plus affirmée que la précédente. Il a fini par toréer de face de la main gauche. Et il a dessiné une naturelle somptueuse. Puis il a parachevé l'œuvre à deux mains, ceinture brisée, corps totalement abandonné.
Vicente Zabala (senior) dans ABC. Le sommet de la faena, celui qui nous a fait tous nous lever, ce furent ces immenses passes aidées par le haut, la conclusion d'une faena formidable. La muleta s'avançait avec un temple de rêve, et à quatre reprises elle a balayé le dos de l'animal. Et, à quatre reprises, au moment même où la muleta frolait la queue, les cornes surgissait de dessous l'épaule du torero. Une image typiquement "belmontine", comme une page arrachée de la vieille revue Blanco y Negro.
29 ans, jour pour jour, plus tard, Ortega Cano quitte la prison et revient à Madrid. Il va désormais finir de purger sa peine dans "un centre de semi-liberté". Qui sait s'il ne va pas profiter de l'aubaine pour aller aux arènes ce week-end?