Avec "quel âge a-t-il ?", la question la plus fréquemment posée par les spectateurs qui découvrent la corrida est : "combien gagne-t-il ?". Depuis "l'affaire Talavante", on a un élément de réponse. Pour une corrida madrilène, chaque "figura" encaisse 240 000 euros.
Le dimanche 14 octobre 2018 à Saragosse, à l'issue de la dernière corrida européenne de Juan José Padilla, Alejandro Talavante annonçait en un laconique message qu'il arrêtait sa carrière "pour une période indéterminée".
Même si elle n'était accompagnée d'aucune explication - et peut-être même à cause de cela - cette décision a provoqué une série de réactions en chaîne qui tournent toutes autour d'une question : le montant du cachet des figures de la tauromachie.
Journalistes, aficionados et organisateurs s'accordent tous sur un point : Talavante, en dépit son irrégularité, est un des meilleurs toreros de sa génération. Le torero lui-même n'en doute pas une seconde. Il semble bien qu'un désaccord sur le montant de ses cachets soit la cause principale de sa retraite… temporaire.
Trois mois plus tôt, le 3 juin 2018 à minuit, au soir d'une corrida où Talavante avait coupé 4 oreilles à Grenade, on apprenait que le torero et son apoderado Antonio García Jiménez, plus connu sous le nom de "Matilla", se séparaient. Comme il est d'usage dans ces cas, le communiqué publié à l'occasion assurait que cette séparation se faisait d'un commun accord, que chaque partie avait une profonde estime pour l'autre et lui souhaitait le meilleur.
Mais "Matilla" passant pour un magnat des affaires taurines aussi discret que puissant et Talavante ayant la réputation d'être un cabochard, on ne tarda pas à faire un rapprochement entre cet événement et le nombre de contrats offerts à Talavante. De 47 engagements pour la saison 2017, on passe à seulement 30 en 2018. Et ce, malgré une Grande Porte ouverte à Madrid le 25 mai!
Logroño, Bilbao, San Sebastián, Almería, Pampelune, Huelva, Valladolid, Salamanque, El Puerto de Santa María, pour ne citer que les villes plus importantes, ont bouclé leur feria 2018 sans faire appel à lui.
La rumeur prétendait que Talavante avait claqué la porte car il se considérait sous-payé et qu'en représailles Matilla mettait son veto à l'engagement de Talavante dans grand nombre d'arènes
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A la fin de la saison, Matilla et Simon Casas, directeur des arènes de Madrid, rompant avec une tradition de secret sur ces questions décidaient de publier les chiffres et les "vraies" raisons de cette rupture.
Voici leurs déclarations.
Matilla.
J'ai décidé de ne plus gérer la carrière de Talavante après qu'il m'ait demandé de négocier pour lui une augmentation de 15 000 euros par engagement. Il estimait devoir être payé plus "que le mieux payé" de ses compagnons. Mais avec tout le respect que je lui dois, il ne suffit pas de se proclamer le numéro 1 pour le devenir. Il faut que les recettes au guichet confirment que le public est nombreux à venir vous admirer.
En deux ans (de 2015 à 2017), j'ai réussi à faire augmenter le cachet de Talavante de 44%. Il me semble impossible de faire mieux.
Quant à organiser son boycott, je n'en ai ni l'intention, ni les moyens.
Simon Casas
Je confirme que ni Matilla ni personne ne m'a demandé de barrer la route à Talavante dans une des arènes dont j'assure la programmation. Mais une chose est sûre : payer un cachet de 240 000 euros pour l'engagement d'une figura dans les arènes de Madrid est une aberration économique! Cette somme représente la moitié de la recette aux guichets. Et il faut payer les deux autres toreros, le bétail et les frais généraux d'organisation.
Quant à Talavante, il garde le silence.
Toño Matilla
Talavante voulait gagner plus que le mieux payé de ses compagnons.
Simon Casas
Payer un cachet de 240 000 euros pour l'engagement d'une figura dans les arènes de Madrid est une aberration économique!