Une étude conçue par l’association ariégeoise Campagne Glyophosate montre la présence chronique du pesticide dans la population française. Du glyphosate a été détecté dans 99,8% des échantillons d’urine prélevés.
On les a appelés les pisseurs volontaires. Entre juin 2018 et janvier 2020 plus de 6 800 personnes en France ont accepté de faire un prélèvement d’urine pour y chercher des traces de glyphosate, un pesticide suspecté d’être cancérigène.
L’opération a été organisée par des citoyens ariégeois et grâce à des comités locaux, elle s’est déroulée dans 84 départements.
L’objectif de l'association Campagne Glyphosate était de quantifier les taux de contamination moyen au glyphosate et de chercher une éventuelle corrélation avec les saisons, les lieux et les modes de vie des participants.
"Une contamination généralisée"
Les résultats ont été analysés par un même laboratoire. Du glyphosate a été détecté dans 99,8% des échantillons avec un taux moyen d’1,19 ng/ml.
L’étude a été publiée ce mercredi 12 janvier 2022 dans une revue scientifique : le journal scientifique Environmental Science and Pollution Research.
Elle confirme que les taux sont plus élevés chez les agriculteurs et chez les hommes ainsi que chez les fumeurs et les viticulteurs.
Elle montre que les taux sont plus importants au printemps et en été et chez les consommateurs d’eau du robinet notamment.
Lors de chaque prélèvement, sous contrôle d’huissier, un protocole très strict a été respecté. "Ce sont les premières urines du matin qui étaient prélevées car le glyphosate atteint un taux maximal après six heures de rétention", explique Julie Di Cristofaro, chercheur en immunologie et génétique des populations à l'université de Marseille. "La méthode choisie pour les analyses est la méthode ELISA", précise-t-elle.
C'est le principe de précaution qui doit s'appliquer. Oui ces molécules ne doivent plus être utilisées.
Denis Lairon, directeur de recherche émérite à l'Inserm
En conclusion, soulignent les organisateurs de cette étude "nos résultats contribuent à la description d'une contamination généralisée au glyphosate de l’échantillon testé de la population française. Ils soulèvent la question de la pérennité d'un usage très généralisé des herbicides à base de glyphosate, et plus généralement de tout autre pesticide".
"La question qui se pose maintenant c'est on fait quoi", dit Denis Lairon, directeur de recherche émérite à l'INSERM et nutritionniste. "Les citoyens ont fait leur travail de recherche appliquée. C'est le principe de précaution qui doit s'appliquer. Oui ces molécules ne doivent plus être utilisées".
Des actions en justice
5 400 plaintes ont déposées. Des plaintes pour mise en danger de la vie d’autrui, atteinte à l’environnement et tromperie aggravée. "On vise tous les responsables de la fabrication ou des organismes d’autorisation d’usage", explique Dominique Masset de l'association Campagne Glyphosate. "On a créé une coalition avec Génération Future et d’autres ONG pour s’attaquer aussi aux méthodes d’évaluation et aux carences fautives de l’Etat". Une plainte soutenue par 120 députés nationaux et européens va être déposée devant la cour européenne de justice.
L'échec du président sur le glyphosate
Le 4 janvier 2022, le président de la République, Emmanuel Macron, a reconnu "ne pas avoir réussi" sur le glyphosate, admettant avoir commis "l'erreur" en début de quinquennat d'avoir cru la France capable de sortir de ce désherbant seule sans les autres pays européens.
"Sur le glyphosate, je n'ai pas réussi", a affirmé le président de la République dans un entretien accordé au Parisien. "Certains agriculteurs m'ont dit que si on les obligeait à sortir rapidement, ils allaient mettre la clé sous la porte, parce que leurs concurrents espagnols ou italiens, eux, pouvaient continuer à produire", a-t-il expliqué. "C'est l'erreur que j'ai commise en début de quinquennat: il faut agir sur ces sujets au niveau européen", a-t-il affirmé.
Emmanuel Macron s'était engagé en novembre 2017 pour une interdiction du glyphosate "au plus tard dans trois ans". Il avait reconnu en décembre 2020 ne pas avoir réussi à tenir sa promesse, plaidant un échec "collectif".
Depuis, la France s'est fixé pour objectif de sortir de l'essentiel des usages de ce désherbant classé comme "cancérogène probable" par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) en 2021, avant une interdiction totale en 2023.