École à la maison : "On ne peut pas nous accuser de séparatisme alors que nous sommes des parents d'élèves parmi les plus impliqués"

Ce mardi 12 décembre 2023 se tiendra le premier procès en correctionnelle à Foix (Ariège) pour des parents qui ont décidé de faire l'éducation de leurs enfants à la maison sans avoir demandé une autorisation préalable comme le prévoit désormais la loi. Une dizaine de familles en Occitanie sont concernées par cet acte de désobéissance civique.

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Marjorie Bautista et Ramïn Farhangi sont les fondateurs d'Enfance libre, une association de parents qui entendent faire l'école de leurs enfants en famille sans être hors la loi. Car la législation a changé et prévoit désormais une autorisation préalable. Le premier procès de ces parents en "désobéissance civique" aura lieu ce mardi 12 décembre à Foix.

Premier procès en correctionnelle en France

Marjorie Bautista et Ramïn Farhangi ont refusé le 6 novembre dernier une peine dans le cadre d’une CRPC ( Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité). Ce mardi 12 décembre 2023, le couple ariégeois comparaîtra en correctionnelle au tribunal de Foix. Ils seront leurs propres avocats. Ils encourent au maximum 6 mois de prison et 7500 euros d’amende. D'autres procès sont d'ores et déjà prévus à Foix ou Albi en 2024.

Car depuis la rentrée de septembre 2022, la législation a changé. Jusqu'alors soumise à une simple déclaration, l'école à domicile faite par les parents est désormais conditionnée par une demande d'autorisation préalable. "Ce changement voulu par le Ministre de l'éducation Jean-Michel Blanquer a été justifié par un risque de séparatisme pour ces enfants, déclare Marianne Cramer, contact presse de l'association et elle-même bientôt en procès. On nous accuse de séparatisme alors qu’on fait partie des parents les plus impliqués. On n’est pas des parents dangereux."

Depuis la rentrée de septembre 2022, ces parents se battent pour un retour à la législation antérieure et pour rendre cette nouvelle loi inapplicable. Ils ont saisi les tribunaux administratifs pour justifier leur choix. Certains ont finalement été autorisés à faire l'éducation de leur enfant à la maison; d'autres pas. "Il ne faut pas oublier, poursuit Marianne Cramer qu'avec la déclaration préalable, les familles étaient contrôlées, parents et enfants évalués scolairement tous les ans et tous les 2 ans pour le volet social. Selon la direction générale de l'enseignement scolaire (Dgesco), 90% des contrôles se passaient bien. Alors pourquoi la crainte que des enfants soient sous les radars de la République? On détruit une alternative éducative, la seule qui soit gratuite." 

Une dizaine de familles en Occitanie en désobéissance et proches d'un procès

En France, il y aurait 50 000 enfants environ non scolarisés dans des établissements éducatifs publics ou privés. Combien depuis que la loi séparatisme et son article 49 fait passer l’instruction en famille sous un régime dérogatoire soumis à autorisation des académies ?

Le texte prévoit 4 cas permettant d'obtenir cette dérogation :

  • La santé de l'élève
  • Une pratique artistique ou sportive
  • L’itinérance
  • La situation propre à l’enfant mais qui n'a jamais été définie 

Résultats : beaucoup de refus selon l'association "Enfance libre", notamment dans l'académie de Toulouse même si la loi prévoit un moratoire de 2 ans pour les enfants qui étaient déjà scolarisés de cette manière. 

En Occitanie, une dizaine de familles résistent à la loi, dont celle de Marianne Cramer. "Nous sommes 2 familles dans le Tarn à refuser cette autorisation préalable. J'aurais pu bénéficier d'une dérogation pour ma fille de 7 ans qui faisait sa scolarité à la maison mais nous l'avons refusée car il y a aussi notre fils qui commence sa scolarité. Un enfant est par nature câblé pour apprendre par lui-même et pour lui-même, son moteur c’est la curiosité. C'est le principe de base et les familles comme la mienne qui se battent veulent s'extraire des apprentissages contraints." Le procès de cette famille est prévu à Albi en avril 2024.

Enfance libre

L'Association compte 53 familles et 300 sympathisants acquis à cette reconnaissance d'une éducation alternative à la maison étant comme un droit et non une exception.

L'association "Enfance Libre" a vu le jour en mai 2022 au moment d'effectuer les demandes d'autorisations auprès des académies. Marjorie Bautista et Ramïn Farhangi sont les parents d'un petit garçon de 6 ans qu'ils veulent éduquer de manière autonome et responsable. Marjorie Bautista est elle-même enseignante; Ramïn Farhangi quant à lui a fondé l’école dynamique à Paris, une école démocratique où les enfants sont maîtres de leur apprentissage et les parents facilitateurs.

Dans un clip diffusé sur Youtube, Marjorie déclare : "Nous faisons l'instruction en famille depuis toujours. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons fait un enfant. J'étais enseignante dans le système classique et ça ne me convenait pas... J’ai créé autre chose et j'ai eu envie de lui offrir ce milieu-là qui est très chouette."

Dans un souci du "Vivre ensemble", ils ont aussi fondé l'éco-village de Pourgues en Ariège pour proposer d'autres alternatives de société.

Pour le couple, la nouvelle législation scolaire est une dérive "liberticide et autoritaire". Après une audition à la gendarmerie, ils se retrouvent devant la justice. "Je le vis avec appréhension, reconnaît Marjorie. C'est l'inconnue mais je me sens assez sereine et ancrée." "Moi je suis prêt à faire de la prison pour cette cause-là, poursuit Ramïn. Ça met en lumière le mouvement, la cause. On en parle. L'absurde est poussé encore plus loin avec un niveau de persécution inutile et qui révèle la violence de l'adversaire. Nous, on reste non-violents jusqu'au bout..." 

Avec ce procès et suivant la peine prononcée, ce sera une première indication pour les 16 familles résistantes d’Enfance Libre qui se retrouvent au pénal pour avoir désobéi à l’article 49 de la loi CRPR (Confortant le Respect des Principes de la République) de 2021.

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