"Les terres agricoles ont vocation à produire de l’alimentation. Là, l'agriculture n’est qu’un alibi" : ils sont contre un projet photovoltaïque

Alliant agriculture et production d'électricité, l'agrivoltaïsme se développe en France depuis la loi d’accélération des énergies renouvelables, adoptée en mars 2023. Un nouveau projet sera présenté ce mardi 23 juillet 2024 sur la petite commune de La Bastide-de-Besplas (Ariège). Un collectif vient de se créer contre cette initiative.

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Le groupe Valeco dont le siège est à Montpellier, développe des projets qui allient la production agricole à celle d'électricité dans plusieurs départements en France. Ce sera le cas en Ariège pour une mise en service en 2028. Le projet qui porte sur 40 hectares de terres où sont produites des céréales sera présenté ce mardi 23 juillet de 15h à 17h.

40 hectares pour l'équivalent de la consommation électrique de 5000 habitants

La vallée de l'Arize en Ariège est une belle plaine dégagée où l'on aperçoit les Pyrénées. "Ce projet photovoltaïque va dénaturer cette plaine qui est très belle" s'insurge un des membres du collectif des habitants de l'Arize. En 2028, une centrale agrivoltaïque devrait être mise en service sur 40 hectares de terres de la petite commune de La Bastide-de-Besplas (Ariège).

L'idée d'installer une centrale photovoltaïque a commencé il y a 2 ou 3 ans. "On étudie d'abord le projet à l’échelle globale, déclare Emmanuel Goma, chargé du développement chez Valeco. Voir s'il y a des contraintes : zone protégée, secteur Natura 2000, proximité des boisements, zone humide. On détermine des zones propices. Si cette pré-étude de faisabilité est positive, s'il n'y a pas de contre-indication, alors on lance le projet."

Pour la zone ariégeoise, pas de contrainte. Des études ont été faites par des organismes indépendants :

  •  Altifaune pour les volets naturalistes paysagers
  • Artifex et ActeAgri pour l’étude préalable agricole.

Le groupe Valeco basé en Occitanie a donc contacté un agriculteur. Si le projet porte bien sur 40 hectares, selon le collectif d'opposants, l'agriculteur serait propriétaire de 6 hectares et loue les 34 autres. 

Un décret du 8 avril 2024 relatif au développement de l'agrivoltaïsme et aux conditions d'implantation des installations photovoltaïques sur des terrains agricoles, naturels ou forestiers fixe les règles que récusent certains organismes ou syndicats comme la Confédération paysanne.

En l'occurrence, l'agriculteur produisait des céréales bio et l'activité agricole doit perdurer. Le texte de loi prévoit que "la production agricole doit être l'activité principale de la parcelle agricole et l'installation agrivoltaïque doit avoir un caractère réversible."

Le groupe Valeco a signé un bail emphytéotique permettant au céréalier de bénéficier des terres, mais il devient locataire pour un certain usage (production d'électricité) moyennant un prix annuel d'environ 3000€ l'hectare soit environ 120.000€. Ce que critiquent les opposants réunis dans un collectif : "ce n’est plus un complément de revenus. La production d'électricité est beaucoup plus importante en termes de revenus que la production agricole." 

Un collectif d'opposants

Ils sont une trentaine d'agriculteurs, chasseurs, riverains, commerçants, acteurs du tourisme et ce projet les inquiète. Il sera présenté ce mardi 23 juillet de 15h à 17h par le groupe Valeco et l'agriculteur concerné. "En tant que riverains, nous ne voulons pas que cette plaine qui est très belle avec une vue sur les Pyrénées, soit défigurée, dénaturée. On défend aussi un modèle agricole qui permet de vivre de son travail. Les terres agricoles ont vocation à produire de l’alimentation. Là, l'agriculture n’est qu’un alibi. Quid du prix d’une terre où une telle manne financière tombe ? Elles vont se vendre beaucoup plus cher et les jeunes ne pourront plus s'installer". 

De source syndicale, le prix moyen des terres en France est de 5940€/hectare. Là, il serait multiplié par trois, voire six. Des collectifs voient le jour un peu partout comme dans le Comminges.

Les opposants ariégeois mettent aussi en avant le prix des maisons alentour qui risque de chuter du fait du paysage endommagé, la biodiversité attaquée et le parcours des animaux modifié à cause de la centrale qui sera clôturée. "On a peur que les animaux passent sur nos terres à cause de ça et causent des dégâts".

Emmanuel Goma, chargé du développement chez Valeco, se veut rassurant : "l'étude faune flore n’a pas recensé d’espèces impactées. On réfléchit d’un point de vue économique et écologique avec l'agriculteur. L'installation aura des panneaux fixes et non mobiles comme dans certains cas. C'est plus adapté à la production de céréales. Quant à la clôture, on étudie d'autres alternatives, mais c'est une question d'assurances".

Difficile d'avoir du recul sur les effets d'une telle centrale photovoltaïque car l'agrivoltaïsme n'en est qu'à ses débuts et la législation vient de changer. Certaines études mises en avant par la Confédération Paysanne tendent à prouver que la production de végétaux baisse sous les panneaux photovoltaïques. D'autre part, selon l’ADEME, les surfaces de toitures, friches industrielles et parkings seraient suffisants pour atteindre les objectifs énergétiques de la France. 

Focus sur l'agrivoltaïsme

Un projet comme celui de La Bastide-de-Besplas a un coût. Selon Emmanuel Goma, "il faut compter 1 M€ par mégawatt (NDLR : mégawatt = 1 million de watts = 1 000 kilowatts). La centrale ariégeoise, c'est 14 mégawatt. Cela représente autour de 10 M€ d’investissement. L'entreprise Valeco est seule à investir, mais nous sommes liés à un gros énergéticien allemand, EnBW. L'agriculteur ariégeois est aussi actionnaire du projet à hauteur de 5%."

Selon le dirigeant, il y aurait une trentaine de cas équivalents de co-actionnariat en France. Voleco étudie le solaire depuis 20 ans et se place parmi les leaders en France, associant la production agricole à celle d'électricité.

En 2008, il a installé la première centrale au sol à Lunel (34). En 2011, c'était à Cahors avec des brebis sous les panneaux, mais seulement pour entretenir le site. "Nous avons des projets dans chaque département de l'Occitanie. C'est nouveau et il n'y a pas de centrale de ce type qui soit en service. Notre premier chantier va démarrer dans le Cher". 

Le groupe Valeco détient 239 éoliennes et 42 parcs solaires. Pour la centrale de La Bastide-de-Besplas (Ariège), le dossier est en cours d'instruction par les services de l'État. Selon un communiqué de Valeco, "le projet aura une surface clôturée de 37 hectares, la surface projetée au sol des panneaux de seulement 5,55ha en raison d'une distance inter-rangée importante de 14m pour favoriser l’exploitation agricole. C’est un projet novateur car il est en agriculture biologique en bandes de culture (entre les panneaux) intercalées de couloirs de biodiversité (haies arbustives sous les panneaux). Ces pratiques auront pour conséquence d’améliorer les qualités agronomiques des sols et leurs rendements." La mise en service est prévue pour 2028 et l'exploitation prévue sur une quarantaine d'années.

En Ariège comme dans d'autres lieux, les opposants se mobilisent pour empêcher ces installations pour des raisons écologiques et économiques.

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