Jean-Philippes D., ancien journaliste et professeur d'aikido, comparaît à partir du lundi 18 novembre 2024, devant la cour d'assises de Foix (Ariège) pour viols, actes de torture et de barbarie. Sous couvert d'une thérapie par l'aïkido de son invention, l'homme aurait exercé une emprise destructrice sur les jeunes filles d'une même famille.
Les trois jeunes femmes aujourd'hui âgées de 23, 21 et 16 ans ont demandé que le procès qui s'ouvre ce lundi 18 novembre ne se tienne pas à huis clos. Même si elles souhaitent néanmoins "rester discrètes" souligne leur avocate, Me Elodie Bayer. Leur volonté est que les tortures et actes de barbarie pour lesquels le compagnon de leur mère comparaît devant la cour d'assises de Foix (Ariège) soient connus du plus grand nombre.
Deux ans de calvaire en Ariège
"Les deux plus jeunes de mes clientes ont vécu dans un véritable contexte d'emprise. Sous couvert de pratiques sportives, en l'occurrence de l'aïkido, Jean-Philippe D. leur a fait subir, durant deux ans, de véritables violences psychologiques : des privations de soins et de sommeil, des randonnées en plein cagnard, des humiliations constantes très intimes et quotidiennes."
Le quadragénaire se décrivait comme un expert d'"aiki thérapie". Une "pratique respiratoire" de son invention dont l'objectif serait, selon lui, de "développer son écoute intérieure, de nettoyer son corps et d'apaiser son esprit" et de "se préserver de la peur, de la violence, de gérer les refoulés profonds, et tout ce qui pourrait vous déstabiliser. Ainsi vous apprendrez à vous libérer de ce qui vous empêchait d'être pleinement vous-même." Ce qui lui vaudra plusieurs invitations sur des plateaux télé, radio et des articles dans la presse locale.
En 2019, un article de magazine, qui lui est consacré, raconte sa découverte de l'art martial japonais "C’est au Ghana, alors qu’il séjournait dans une tribu aborigène, que Jean-Philippe D. a reçu, il y a presque trente ans, une magistrale leçon de vie : corps et esprit ne sont pas séparés, et nous ne sommes pas séparés de notre environnement. Quelques années plus tard, alors qu’il traverse une crise personnelle, il se met à l’aïkido."
Menteur, manipulateur, pervers
L'accusé est décrit par les parties civiles comme une "personnalité perverse". "Un dingue sans être fou" selon Me Corinne Benoit-Reffay, avocate de la 4e victime de viol et représentante du père des 4 jeunes femmes. "C'est un beau parleur, un menteur, un manipulateur. C'est quelqu'un de dangereux" estime l'avocate lyonnaise.
Cet ancien journaliste, passé par de nombreuses rédactions et primé notamment pour un documentaire sur le nucléaire, s'était établi dans le sud de la France pour y donner des cours d'aïkido. Les enquêteurs dépeignent une personnalité "brillante, séductrice, mais aussi despotique, perverse, déviante et extrêmement violente" envers son entourage.
"Il raconte beaucoup de choses et il est difficile de démêler le vrai du faux" rapporte Maître Elodie Bayer. L'enquête a révélé que l'homme aurait bâti sa carrière sur des mensonges, s'attribuant faussement les titres de psychiatre, anthropologue, ou encore chercheur au CNRS, sans jamais avoir obtenu ces qualifications.
Une famille brisée
Les faits présumés se seraient principalement déroulés en Ariège à partir de 2017, où le suspect résidait avec sa compagne et les filles de celle-ci. C'est l'aînée, victime de viols, qui a donné l'alerte en portant plainte en janvier 2020, après avoir quitté le domicile familial. "Cette affaire est atroce, déclare aujourd'hui son avocate, Me Corinne Benoit-Reffay, et je pèse mes mots. La jeune femme de 23 ans, que je représente, va très mal. Elle a subi un choc post-traumatique. Sa douleur est plus vive qu'au moment où elle a parlé au juge d'instruction. Au point qu'aujourd'hui elle a du mal à se souvenir. Ce qu'elle a subi impacte sa vie personnelle, sa vie professionnelle et sa vie familiale."
Le père des 4 jeunes filles est "en colère, meurtri mais courageux, selon son avocate. Il doit aider ses filles à se reconstruire. Un long processus pour lequel son ex-compagne ne lui facilite pas la tâche". Le rôle de la mère des quatre jeunes filles, dépeinte comme "dépressive et fragile", sera aussi au cœur de ce procès qui durera 5 jours. Poursuivie pour complicité, elle comparaîtra libre : "Elle va se défendre en affirmant avoir été sous l'emprise de Jean-Philippe D. Mais en réalité, elle a laissé faire" estime Me Bayer. La cour d'assises ariégeoise tranchera.