Des odeurs et la rupture d'une bâche de protection d'une installation sur une usine de méthanisation à Ludiès en Ariège, suscite l'inquiétude de riverains et de scientifiques qui redoutent une fuite de gaz. Mais son exploitant affirme que tout est sous contrôle.
Des odeurs "incommodantes" et "inquiétantes" pointées depuis plusieurs jours par les habitants de Ludiès en Ariège. "La semaine dernière, je n'ai pas pu dormir trois nuits d'affilée", assure l'un d'eux qui souhaite rester anonyme.
Pour ces riverains, elles proviennent de l'usine de méthanisation agricole depuis le 26 juillet 2024.
En s'approchant du site, certains ont fait une drôle de découverte qu'ils ont filmée ce mardi 13 août 2024. Une des bâches recouvrant l'un des "digesteurs", sorte de grande cuve où sont chauffées des matières organiques pour les transformer en biogaz ou en engrais, semble avoir éclaté.
La double membrane d'en dessous a pris une forme conique très différente de celles qui recouvrent les autres installations. De quoi inquiéter les habitants des communes alentours qui ont alerté des associations et des scientifiques. L'un d'entre eux, Daniel Chateignier, coordonnateur du Collectif scientifique national méthanisation raisonnable (CSNMR) a adressé une lettre à la préfecture de l'Ariège, s'inquiétant d'une possible rupture de la seconde bâche qui semble subir une surpression de gaz. Il a également prévenu le Bureau d’Analyse des Risques et Pollutions Industriels (BARPI), chargé de rassembler, d’analyser et de diffuser les informations et le retour d’expérience en matière d’accidents industriels et technologiques.
"Le constat est que depuis au moins le 26 juillet dernier la bâche la plus externe de ce digesteur s'est éventrée et repose sur le bord du digesteur, et que la bâche plus interne possède une forme très anormale, signature d'une pression interne proche de la rupture", écrit-il, craignant, "à long terme", une pollution "de gaz à effet de serre puissant" si la bâche venait à s'éventrer.
"Je comprends que les riverains soient effrayés et qu'ils puissent avoir peur d'une effusion, beaucoup me posent la question quand ils passent devant, mais il n'y a eu aucune fuite de gaz", tient à rassurer Maxime Durand, cogérant de la SARL Ariège biométhane avec son frère Sébastien, tout en expliquant l'incident.
Le 24 juillet dernier, la bâche de protection extérieure de l'un des digesteurs s'est, en effet, fissurée en raison "d'une hausse de pression".
Depuis l'incident signalé à la Dréal, l'exploitant affirme avoir opéré plusieurs mesures de sécurité. Il a modifié son process pour éviter que toute matière organique ne rentre dans la cuve concernée en les redirigeant dans le post- digesteur, de manière à faire baisser la pression de gaz dans le digesteur concerné par l'incident. "On surveille la pression pour la maintenir entre 0 et 0,5 milli bars lié au gaz résiduel" assure-t-il.
Un autre incident en 2022
Une nouvelle bâche a été commandée en Allemagne qui doit arriver la semaine prochaine."On va aussi doubler les organes de sécurité pour éviter les hausses de pression", précise le gérant qui n'a pas arrêté sa production et traite 46 tonnes de matière organique par jour en provenance de huit exploitations.
Car cet incident n'est pas le premier, comme le rappelle le courrier du coordonnateur du (CSNMR) qui alertait aussi des conséquences de "relargage de biogaz dans l'atmosphère," en cas de rupture de la bâche. En septembre 2022, l'usine mise en service l'année précédente avait déjà subi un problème électrique qui avait entraîné un problème de hausse de pression. Ce premier incident avait également été réglé, sans mise en demeure.
Quant aux odeurs pointées par des riverains et dans la lettre adressée à la préfecture, " il n'y en a pas plus que d'habitude, qui serait liées à lincident", rétorque Maxime Durand, qui précise qu'il travaille "avec 85 % de fumier-lisier."
Alertée, la préfecture de l'Ariège, indique que ce méthaniseur "n'a pas fait l'objet de plainte jusqu'ici" et annonce que les services de Dréal en lien avec l'exploitant se rendent sur place ce mercredi 14 août 2024 pour un contrôle.
Depuis sa mise en service, le méthaniseur de Ludiès permet, à ce jour d'alimenter 2 000 foyers en biogaz, selon son gérant. Cette installation, qui soulève toujours des craintes, doit d'ailleurs devenir le premier site français de "méthanation", une nouvelle technologie innovante de transformation du CO2 en méthane, d'ici fin 2025 avec une société héraultaise.
