Cairn republie « l’ours des tavernes » de Pascal Dessaint dans sa collection « Du Noir au Sud ». Une enquête sur une mort attribuée à un ours. Intéressant dans l’intrigue mais aussi dans la façon dont le plantigrade était vue en 1996, avant sa réintroduction officielle.
Mais qu’est-ce que le très parisien Gabriel Lecouvreur alias « Le poulpe » est allé faire en Ariège ? Jean-Baptiste Puchol y a été retrouvé devant son domicile, en plein montagne, « le crâne arraché » par un ours selon la thèse officielle. L’article lu dans « Le Parisien » interpelle le détective dans l’âme. Le voilà parti pour la vallée du Biros.
D’autant qu’un ours dans le Couserans, voilà belle lurette qu’on n’en a pas croisé un au moment des faits. Ce qui n’empêche pas le gendarme chargé de l’enquête de poser la question dans le journal local :
L’ours, ce puissant plantigrade est-il compatible aujourd’hui avec le maintien d’une activité humaine dans nos montagnes ? Projetons-nous dans cinquante, si jamais l’opération de sauvetage de l’ours pyrénéen est une réussite. Qui alors osera encore s’aventurer dans notre beau Couserans ?
Un gendarme en charge de l'enquête
D’autant aussi que Puchol l’écolo « a été accueilli au gros calibre » dans la vallée : « Mon pote, le jour où t’interdiras la chasse, not’gibier ça sera toi ! ». Pour Régis, qui tient le gîte où Le Poulpe crèche, « je crois qu’il avait la trouille ». Notamment depuis qu’on lui avait tué sa chèvre.
Jean-Baptiste avait même fait circuler une pétition pour obliger à remplacer les tôles des toits par de l’ardoise et avait aussi souvent titillé les chasseurs. Bref la victime ne serait regrettée de personne dans le coin… Comme beaucoup de touristes d’ailleurs…
T’as toute une catégorie de randonneurs que je ne peux pas voir en peinture… Ils se ramènent en roulant des mécaniques, dans des tenues à la con, couleur fluo, du genre que s’ils se perdaient en plein brouillard t’aurais pas de mal à les retrouver alors que t’as qu’une envie, c’est qu’ils se paument et qu’ils viennent plus te faire chier. Y se prennent pour des Rambos et au moindre orage y font dans leur froc. Enfin, un homme est un homme…
Régis Marchand, propriétaire d'un gîte
Mais Le Poulpe est du genre collant et emmerdant. Après faut dire qu’il se fait bien savonner la planche et son itinéraire de randonnée à la serre d’Araing par la même occasion. Il cherche, et pas seulement la bagarre, il trouve un suspect mais lui manque toujours un mobile.
Langage fleuri
Les vengeances remontent parfois de loin et pas toujours d’où l’on croit. Ceux qu’on pensait des alliés n’en sont pas forcément, ceux qu’on imaginait comme des brutes épaisses en sont peut-être ou pas… Comme toujours, Le Poulpe ira jusqu’au bout. A ses risques et périls.
Le lecteur retiendra aussi de cette réédition revisitée par Pascal Dessaint toujours efficace une série d’expression plus vraie que nature : « cette vallée c’est un peu comme un trou de serrure sur le néant », « les mérens sont à l’Ariège ce que les yacks sont au Tibet » ou encore « la chaussée était glissante, les moutons n’y étaient pas allés de cul mort ».
« L’ours des tavernes », Pascal Dessaint, coll « du Noir au Sud », Cairn.